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Biophytis : Sarconeos (BIO101) un candidat-médicament qui pourrait restaurer la fonction respiratoire attaquée par le coronavirus

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Interview de Stanislas Veillet, Pdg de Biophytis,

Biophytis demande une autorisation de l’ANSM pour lancer une étude clinique de phase 2-3 sur un candidat médicament pour traiter les personnes âgées atteintes du Covid-19 en insuffisance respiratoire et leur éviter de passer sous respirateur ou en réanimation. 

Comme toutes les biotechs et tous les laboratoires pharmaceutiques dans le domaine de la santé, vous êtes particulièrement mobilisés pour lutter contre la COVID-19 ?

Oui, nous ne sommes pas restés les bras croisés. Tout le monde essaie de se mobiliser à tous les niveaux. Dès que nous avons eu quelques informations sur la séquence et le mode d’infection du virus, nous avons remarqué qu’il génère une forme de pneumonie très grave qui déstabilise le système hormonal rénine-angiotensine, clef dans la régulation de la fonction respiratoire. En effet, il utilise une cible particulière pour pénétrer dans les cellules pulmonaires et se répliquer, impliquée dans ce système clé pour la respiration : l’ECA 2 (Enzyme de Conversion de l’Angiotensine 2). Notre candidat médicament, Sarconeos (BIO101) active ce système, là où le virus le déstabilise. D’où l’idée d’utiliser notre produit pour restaurer les fonctions respiratoires, limiter l’usage de ventilateur quand les patients arrivent à l’hôpital, et favoriser leur guérison.

Alors que la population est en confinement, nous travaillons 24 h/24 depuis deux mois sur la conception du protocole de l’essai clinique pour déposer une demande d’autorisation auprès de l’ANSM. Même si elles travaillent sur des cycles longs, les biotech sont parfaitement capables de se mobiliser sur les enjeux de santé majeurs, à court terme, et à 200 % pour trouver une issue à une crise sanitaire extraordinaire par son ampleur. Elles détiennent, j’en suis sûr, une partie de la solution.

 

Vous déposez une demande d’autorisation, vous estimez que votre produit pourra obtenir une autorisation de mise sur le marché accélérée ?

Nous avons déjà déposé une demande d’autorisation auprès de l’ANSM en France afin de démarrer une étude clinique avec Sarconeos (BIO101) dans la sarcopénie et la myopathie de Duchenne. L’ANSM nous a demandé des compléments informations dans les deux cas, que nous avons apportés. L’ANSM connaît donc le dossier de notre candidat médicament, même s’il s’agit là d’une autre demande. Nous avons par ailleurs obtenu l’autorisation de la FDA et de l’AFMPS ce qui nous a permis de démarrer cette étude dans la sarcopénie en Belgique et aux Etats-Unis et de confirmer sur plus de 300 patients le bon profil de sécurité de Sarconeos (BIO101).

La pression de l’urgence sanitaire devrait nous permettre cette fois de bénéficier d’une procédure accélérée pour que nous puissions mener cet essai clinique en France dans le cadre de la Covid-19.

 

Avec quels partenaires hospitaliers allez-vous mener cette étude clinique ? La Pitié-Salpêtrière ?

Nous sommes une spin-off de Sorbonne Université co-fondée avec le Professeur Robert Lafont et nous sommes hébergés au sein du laboratoire de recherche de Sorbonne Université. Parmi les hôpitaux qui y sont associés, se trouve l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière qui est, avec Bichat, l’un des deux plus gros centres pour les patients Covid-19. Les services d’infectiologie et de pneumologie sont impliqués, avec lesquels nous avons défini le protocole de cette étude COVA dans la COVID-19.

 

Quels sont les objectifs ?

Les patients qui ont des infections virales et qui arrivent à l’hôpital sont suspectés d’être atteints de Covid-19 parce qu’ils ont de la fièvre, toussent et ont des problèmes respiratoires. Ils sont à risque, en particulier s’ils sont âgés et ont des comorbidités comme l’hypertension artérielle, le diabète ou l’obésité. Leur état de santé peut s’aggraver rapidement en évoluant vers une insuffisance respiratoire aiguë puis un SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) qui va nécessiter la mise sous ventilation mécanique pour leur insuffler de l’oxygène. Quand elle est associée à une détérioration pulmonaire, il faut les intuber, pour les mettre sous respirateur externe, en coma artificiel. Ils peuvent rester en réanimation plusieurs jours et un pourcentage important d’entre eux malheureusement ne survit pas.

Nous espérons donc démontrer que notre candidat médicament va limiter l’évolution défavorable de ces patients et limiter le nombre de patients nécessitant une ventilation mécanique, entrant en réanimation et finalement décédant.

Comment ?

Il y a plusieurs phases dans la maladie Covid-19. La Phase 1 est virale. La phase 2 est pulmonaire et la phase 3, inflammatoire, qui peut se terminer par cette tempête de cytokines entraînant le décès d’une manière fulgurante. La plupart des personnes infectées guérissent sans présenter ces formes sévères.

La plupart des médicaments évalués pour le Covid-19 au sein de l’étude Discovery sont des antiviraux qui ont été développés pour d’autres maladies : HIV, Ebola, paludisme, etc… Les médicaments anti-inflammatoires sont des produits qui bloquent l’inflammation liée à la production d’IL-6 (Interleukine-6). Il s’avère que l’hydroxy-chloroquine a des effets anti-viraux in vitro, mais son efficacité clinique dans Covid-19 n’a pas été encore prouvée, même si elle soulève beaucoup d’espoirs. C’est un dérivé chimique de la quinine, au départ extrait du Quinquina, plante médicinale qui est utilisée depuis des siècles par les amérindiens pour lutter contre les fièvres et le paludisme.

La phase 2 pneumonique est celle durant laquelle la fonction respiratoire s’altère et une pneumonie est diagnostiquée. Le virus, pour pénétrer à l’intérieur du poumon et se répliquer, utilise l’ECA-2, l’enzyme de conversion de l’angiotensine, une enzyme responsable de la production de l’angiotensine 1-7. Les teneurs en Angiotensine 1-7 baissent et l’insuffisance respiratoire s’installe. L’Angiotensine 1-7 active en effet le récepteur MAS, ce qui produit des effets vasodilatateurs et anti-inflammatoires au niveau pulmonaire. Sarconeos (BIO101) active le récepteur MAS, restimulant ainsi la fonction respiratoire. Nous sommes les seuls, à notre connaissance à avoir un candidat-médicament qui agit directement au niveau du mécanisme régulant la fonction pulmonaire, attaquée par le virus.

Combien de temps va durer votre traitement ?

Le traitement dure un mois. Le protocole vise à ce que les patients restent moins longtemps à l’hôpital. La forme développée de notre candidat-médicament est la formulation orale (gélules) et s’adresse à des patients qui ne sont pas encore en réanimation.

Dès que nous obtenons l’autorisation de l’ANSM, nous démarrerons l’étude en France, sans doute à la Pitié Salpêtrière, sur 50 patients avant de l’étendre, probablement en Belgique et aux Etats-Unis, sur 200 à 300 patients. Si les résultats sont favorables, nous demanderons une autorisation temporaire de mise sur le marché.

 

Propos recueillis par Thérèse Bouveret