Santé humaine

Article

Incyte renforce son portefeuille en oncologie et vise le développement stratégique de sa filiale France

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur google
Partager sur reddit
Partager sur tumblr
Partager sur pinterest

L’entreprise biopharmaceutique américaine Incyte vient d’obtenir en France la publication, au JO du 25 octobre 2022, pour la prise en charge du Pemazyre (pemigatinib), thérapie ciblée approuvée dans l’UE pour le traitement des patients adultes atteints de cholangiocarcinome, un cancer rare et péjoratif. Une nouvelle étape majeure dans le développement de la filiale française.

« A horizon 2024, nous devrions proposer quatre traitements aux patients français, le 1er, Iclusig dans deux types de leucémies, le 2ème, Pemazyre dans les cholangiocarcinomes, le 3ème est un médicament Minjuvi, dans un type de lymphome et le 4 ème, Opzelura sera commercialisé sous forme topique dans le vitiligo en 2024. Nous allons recruter et développer la filiale France pour accompagner ces lancements dans les prochains mois. Notre filiale représente aujourd’hui environ un quart des activités européennes », déclare Olivier Pilley, général manager d’Incyte Biosciences France, dont le siège est à Boulogne-Billancourt.

La France est essentielle, en matière de contribution aux essais cliniques surtout dans les phases 1. « Nous avons en tout 76 essais cliniques en cours à l’échelle du groupe monde dont 32 en France » précise le Docteur Patricia Desjardins-Eveillard, directrice médicale d’Incyte France.

Le PEMAZYRE en oncologie

Pemazyre a reçu l’autorisation du CHMP le 29 janvier 2021. Incyte a ensuite annoncé, le 29 mai 2021, l’approbation par la Commission Européenne du Pemazyre, pour le traitement d’adultes atteints d’un cholangiocarcinome localement avancé ou métastatique, avec fusion ou réarrangement du gène du récepteur 2 du facteur de croissance des fibroblastes. 50 % des patients atteints de CCA présentent en effet une anomalie génomique cliniquement significative comme une fusion ou un réarrangement du gène FGFR2. Des défauts qui sont détectables au début de la progression de la maladie par profilage moléculaire (étude détaillée sur des échantillons tumoraux).  L’avis de la CE était basé sur les données de l’étude FIGHT -202 évaluant la sécurité d’emploi et l’efficacité du Pemazyre sur des patients atteints d’un CCA localement avancé ou métastatique précédemment prétraité (statut FGF/FGFR documenté). L’étude a montré un taux de réponse globale de 37 % et d’une durée médiane de 8 mois d’après un examen radiologique central indépendant.

« L’AMM européenne s’appuie sur les résultats d’un essai clinique de phase 2. En effet, dans ce cancer rare, le cholangiocarcinome, les patients présentant cette altération moléculaire représentent une population cible de 100 patients. Quand la population est si rare, il est difficile de mener des phases 3 comparatives chez des patients prétraités. Cependant, en France, nous avons une étude de phase 3 en cours qui évalue le traitement en première ligne versus le traitement par chimiothérapie (une étude internationale avec 400 patients) », explique le Docteur Patricia Desjardins-Eveillard.

« Cette étude de phase 3 est une étude confirmatoire. Nous allons aussi faire une étude épidémiologique pour voir si la population cible n’est pas trop limitée », complète Olivier Pilley.

En ce qui concerne le Pemazyre, la HAS a accordé une ASMR5 (car elle ne peut évaluer le bénéfice de service rendu). Des discussions sont en cours pour faire évoluer la doctrine et permettre l’analyse sur la base d’études de comparaison indirecte.

Malgré tout, l’évaluation par les Autorités a donné lieu à un avis favorable pour une prise en charge et un remboursement. « Nous avons obtenu un prix cohérent avec les autres prix de nos voisins européens (6185,6 euros pour une boîte de 21 comprimés + un break de 7 jours, pour un mois) », souligne Olivier Pilley.

Ouverture à de nouvelles aires thérapeutiques

Il n’empêche, ce sont des résultats importants pour le groupe américain Incyte Biosciences dont le siège est basé à Wilmington (dans le Delaware). Incyte Biosciences a investi, en 2021, 49 % de son chiffre d’affaires dans sa R&D et emploie 600 chercheurs. Fondé en 2002 par des chimistes, issus de Dupont de Nemours, le groupe renforce ainsi son portefeuille en oncologie. Hervé Hoppenot, qui est français est le PDG du groupe depuis presque 10 ans.

Le groupe, majoritairement axé sur des traitements à partir de molécules chimiques dans le domaine du cancer, s’ouvre à de nouvelles aires thérapeutiques, les maladies auto immunes et inflammatoires en dermatologie, avec un premier candidat- médicament dans le domaine du Vitiligo. Cette maladie auto immune causée par un manque de mélanocytes provoque la dépigmentation de la peau. La suractivité de la voie de signalisation Jack renforce l’inflammation impliquée dans la pathogénèse et la progression de la maladie. Le traitement mis au point par Incyte est un inhibiteur Jak 1/Jak2, sous forme topique (crème), dont la délivrance a été approuvée par la FDA chez des patients de plus de 12 ans atteints de vitiligo « non segmental ».

L’anti-Jak d’Incyte (Ruxolitinib) était déjà approuvé dans la myélofibrose. Ayant constaté les propriétés anti-inflammatoires de ce principe actif dans les maladies auto immunes, la recherche basée à Wilmington a proposé de le tester sous forme de crème en dermatologie. C’est le premier médicament anti-Jak sous forme topique en France. « Nous avons lancé une organisation dédiée à la dermatologie et beaucoup investi en personnel pour ce médicament (150 à 200 salariés aux Etats-Unis). Incyte le commercialisera en nom propre », ajoute Olivier Pilley. Par ailleurs, une quinzaine d’études cliniques sont en cours sur des maladies dermatologiques rares selon la directrice médicale.

Des résultats intéressants en dermatologie

Les données de l’étude de Phase 3 TRuE-V ont montré une amélioration significative de la repigmentation du visage et du corps avec Ruxolitinib Cream (Opzelura) et ont été publiées dans The New England Journal of Medecine Two Phase 3, Randomized, Controlled Trials of Ruxolitinib Cream for Vitiligo | NEJM (communiqué du 19 octobre 2022). Aux Etats-Unis, 1,5 millions de personnes sont atteintes du vitiligo (et jusqu’à 2-3 millions sur l’ensemble des cas) dont seules 85 % sont atteintes de vitiligo non segmental (la forme la plus courante).

 « Nous avons une AMM en demande accélérée en cours d’évaluation pour Opzelura dans le vitiligo en Europe. Le dossier a été déposé à l’EMA le 28 octobre 2021 pour le Vitiligo, et nous attendons l’AMM en 2023 » précise Olivier Pilley. « Nous avons la chance de nous appuyer en France sur des experts reconnus mondialement dans le domaine du vitiligo ».

 Un système d’évaluation des médicaments innovants à affiner en France

« En Europe les systèmes d’approbation sont tous différents et nous regardons avec envie le système allemand. Dès que l’AMM européenne est obtenue, il y a une mise sur le marché probatoire à un prix décidé par le laboratoire biopharmaceutique. Un an plus tard, l’autorité et le laboratoire se mettent d’accord sur un prix », indique Olivier Pilley.

En France, il y a beaucoup de commissions différentes sur le parcours de l’évaluation, ce qui complexifie l’analyse. Il faudrait également faire progresser l’évaluation au même rythme que les progrès médicaux, avec par exemple une unité d’expertise sur l’oncologie à la Commission de la Transparence de la HAS. Les laboratoires attendent une évolution de la doctrine de la HAS en 2023 pour répondre plus rapidement aux besoins médicaux non couverts des patients.

« Nous cherchons le progrès médical au bénéfice du patient », affirme Olivier Pilley. « Nous souhaiterions que les commissions réfléchissent elles aussi au progrès médical plutôt que de s’en tenir au dogme méthodologique. »

Thérèse Bouveret

 

(1) Il y a deux formes de Cholangiocarcinome, intrahépatique (CCA1) qui se développe dans le foie ou extra-hépathique (CCA2), à l’extérieur du foie. En Europe, l’incidence du Cholangiocarcinome est de 6000 à 8000 cas. Les taux de rechute sont élevés, même après une intervention chirurgicale. Ce type de cancer est difficile à diagnostiquer. Les taux de mortalité annuelle ont augmenté de 9% en Europe au cours de la dernière décennie.