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Paléoanthropologie : quand l’alimentation module le langage

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Les langages humains utilisent une palette de sons extraordinairement riche, plus de 900 à travers le monde. Mais la phonétique des langues a évolué depuis l’émergence de notre espèce il y a 300 000 ans. En cause, des modifications de notre mâchoire et de notre denture, consécutive aux évolutions de notre régime alimentaire. C’est ce que révèle une étude internationale, mêlant linguistique, science de langage et paléoanthropologie !
En 1985, le linguiste Charles Hockett avait noté que les langues faisant intervenir des consonnes labiodentales, c’est-à-dire produites en positionnant la lèvre inférieure contre les dents supérieures, comme [f] ou [v], sont surtout parlées dans des sociétés où l’alimentation comporte beaucoup d’aliments mous. Chez les populations qui vivaient encore récemment comme des chasseurs-cueilleurs, au Groenland, en Afrique du Sud et en Australie, ces sons sont quasi-inexistants.
En croisant des données sur l’utilisation des labiodentales et les productions alimentaires de différentes populations, l’équipe de Balthasar Bickel, de l’université de Zürich, a montré que cette corrélation était réelle et statistiquement significative. Pour comprendre pourquoi, les chercheurs ont développé un modèle biomécanique pour déterminer l’effort musculaire à développer pour produire ces consonnes chez l’Homme moderne et chez les Homo Sapiens chasseurs-cueilleurs du Paléolithique. Jusqu’au développement de l’agriculture au Néolithique, le régime alimentaire d’Homo Sapiens nécessitait une forte mastication. Celle-ci provoquait une érosion dentaire marquée et faisait évoluer le positionnement relatif de leurs incisives supérieures et inférieures entre l’enfance (incisives supérieures décalées vers l’extérieur de la bouche) et l’âge adulte (incisives parfaitement bord à bord). Lorsque les Sapiens ont commencé à consommer massivement des aliments mous, produits de l’agriculture, ils ont conservé à l’âge adulte une occlusion dentaire infantile, avec une mâchoire inférieure en léger retrait. Une configuration bien plus propice à l’émission de consonnes labiodentales. Notre langage peut donc être façonné par des changements biologiques, eux-mêmes induits culturellement.

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D.E. Blasi et al. (2019) Science 363 (6432), eaav3218

DOI: 10.1126/science.aav3218