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Interview

Affluent Medical s’appuie sur trois technologies : Epygon, Kalios et Artus

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Augmentation de capital de 13,7 millions d’euros qui s’est terminée avec succès fin févier. Première implantation d’une valve mitrale cardiaque début mars, la société tient ses promesses.

 Interview de Sébastien Ladet, Directeur général d’Affluent Medical

 

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Sébastien Ladet, Directeur Général d’Affluent Medical

Vous avez réalisé avec succès une première implantation de votre valve mitrale Epygon dans un hôpital du Piémont dans le cadre de l’étude Minerva ?

La première patiente a été implantée à l’Hôpital de Molinette de la Santé et des Sciences de Turin en Italie, par le Pr Salizzoni. Le fait que la valve soit développée dans notre entreprise sur le site de Colleretto dans le bassin du Piémont, à 45 mn de Turin, et qu’elle soit implantée pour la première fois chez une patiente italienne a fait la une de plusieurs journaux italiens. Ils avaient une certaine fierté.

Cette opération mini invasive se fait par voie transcathéter et cela évite une opération à cœur ouvert,  la pose de la valve a duré 15 minutes. C’est un progrès énorme ?

C’est un premier succès en ligne avec la feuille de route annoncée.  C’est le début de ces valves mitrales par voie transcathéter : par une incision au niveau des côtes et de la pointe du cœur, le chirurgien peut venir changer la valve.

Cela a pris une quinzaine de minutes pour délivrer et poser la valve, à coeur battant, contrairement à une chirurgie qui se fait par une ouverture plus invasive. La chirurgie par Thoracotomie se fait à cœur ouvert après avoir arrêté le cœur, mis en place une circulation extra-corporelle, la valve endommagée est retirée et on suture une nouvelle valve.Cette intervention est réservée à des malades pas trop âgés et en bonne santé. En revanche, la voie transcathéter utilisée pour notre valve mitrale est une opération peu invasive, plus légère. C’est une révolution pour beaucoup de patients âgés et fragiles qui ne peuvent pas se soigner d’une insuffisance mitrale sévère.

L’insuffisance mitrale cardiaque concerne 2% de la population mondiale

C’est environ 160 millions de personnes dans le monde qui sont touchées par l’insuffisance mitrale. Il y a différents stades. Une grande partie d’entre eux sont en insuffisance sévère,  fragiles, et ne peuvent pas être soignées par la chirurgie classique. C’est une nouvelle avenue qui s’ouvre pour être soigné de manière moins invasive.

Deuxième point. Dans le design, nous avons une valve biomimétique inspirée du design de la valve native naturelle, cela permet de restaurer le flux sanguin natif du patient et qu’il récupère plus rapidement. Et à terme de pouvoir opérer des patients plus fragiles. La valve Epygon est en forme de D comme la valve mitrale, avec un grand feuillet qui vient se rabattre sur la côte comme la valve native. Ca permet de restaurer le vortex du flux sanguin à l’intérieur du cœur de manière naturelle,  sinon le cœur doit travailler beaucoup plus pour pomper et éjecter le sang ce qui est très fatigant pour des organismes malades ou affaiblis. Demander des efforts supplémentaires au cœur n’est pas une bonne chose pour la récupération du patient.

Dans la conception de ces valves, vous adaptez-vous à la valve du cœur du patient?

Nous n’en sommes pas encore au stade de la médecine à façon. Ces valves inspirées du design des valves naturelles sont le fruit d’une longue collaboration avec des chirurgiens qui travaillent sur ce projet depuis une dizaine d’années avec nos ingénieurs biomécaniciens et médicaux. Nous avons étudié le flux du sang, la forme de la valve. Mais nous avons plusieurs tailles de valves qui vont s’adapter à la morphologie des personnes.

Ce sont des valves hybrides formées d’un stent fabriqué dans une matière très particulière, le Nitinol, qui a la capacité de retrouver sa forme après déploiement, et du péricarde, sac de cœur bovin qui est cousu sur le pourtour (du stent). Cela permet d’éviter au patient de prendre des anticoagulants tout au long de sa vie. C’est de l’orfèvrerie, du cousu main. Toutes les valves sont fabriquées à la main par les équipes de notre centre de Colleretto.

Le siège de la société Affluent Medical est situé à Aix-en-Provence, non loin de Turin ?

Nous avons plusieurs sites. Au siège de la société à Aix-en-Provence, se trouve la partie du développement sur l’anneau mitral Kalios, un autre produit de notre portefeuille. Nous avons aussi une équipe qui travaille à Besançon sur le développement du sphincter artificiel urinaire Artus. Et notre équipe à Colleretto, est spécialisée sur cette valve mitrale Epygon

Le Pr Marco Vola, chirurgien cardiaque des Hospices Civils de Lyon (HCL) votre consultant, assistait à l’opération à l’Hôpital de Turin

C’est ce qu’on appelle notre proctor qui va jouer un rôle de consultant, qui connait bien notre produit et qui participe à la formation des chirurgiens avant qu’ils n’utilisent notre produit, notamment ceux qui sont impliqués dans l’essai clinique à Turin. Le Dr Marco Vola a assisté le Dr Pr Stefano Salizzoni, MD, PhD – co-investigateur de l’étude, durant son training et il était présent dans le bloc opératoire lors de l’intervention chirurgicale.

Combien de patients vont participer à cette étude MINERVA ?

A ce stade, nous démarrons l’étude Pilote (équivalent de la Phase 2 dans le domaine du médicament) qui va concerner 10 à 15 patients en 2023. C’est la première phase de l’étude. Ensuite, l’étude Pivot (équivalent de la phase 3) sera étendue à 200 à 250 patients.

Aujourd’hui,  cette première implantation s’est faite en Italie parce que la patiente répondait aux critères de sélection de notre étude clinique, d’autres auront lieu dans les 9 centres qui sont ouverts en Espagne, en Autriche, en Serbie et en Italie… Et nous continuons à ouvrir des centres dans ces pays et dans d’autres pays en Europe.

Les critères d’inclusion et d’exclusion sont définis dans le protocole et validés par les autorités sanitaires compétentes de chacun des pays où nous allons. Une liste drastique de critères a été définie pour que les cliniciens et chirurgiens aient des guidances pour sélectionner leurs patients.

Vous avez déposé un agrément auprès des autorités européennes l’EMEA et non pas aux Etats-Unis auprès de la FDA ?

Nous avons démarré cette étude en Europe, proche de là où nous sommes implantés. Nous avons l’ambition et nous avons déjà commencé à entamer des activités pour préparer l’accès au marché des Etats-Unis.

C’est dans cet objectif que vous avez réalisé une augmentation de capital de 13,7 millions d’euros qui s’est achevée le 27 février dernier ?

Nous avons plusieurs études cliniques en cours. Nous démarrons la phase pilote de notre valve mitrale et nous allons démarrer la phase pilote sur notre sphincter Artus. Nous allons continuer l’étude Pivot sur l’anneau mitral, et nous nous préparons à l’industrialisation des 3 produits. Nous anticipons le développement commercial de nos produits Kalios (en cardiologie structurelle) et Artus (en urologie) qui interviendra au plus tôt fin  2025. Nous prévoyons de construire une ou plusieurs usines. La stratégie est en cours de d’évaluation. Nous avons des salles blanches à Besançon et à Colleretto. Nous cherchons notre outil industriel pour pouvoir fabriquer nos produits à plus grande échelle.

Truffle Capital est l’investisseur principal et historique chez Affluent Medical : il conserve près des deux tiers du capital.

A l’issue de cette augmentation de capital, Truffle Capital détient 67 % du capital d’Affluent Medical et a participé à hauteur de 62 % à l’augmentation du capital.

Les fondateurs ont conservé environ 2 à 3 % des parts. En faites-vous partie ?

Non, nous avons une nouvelle équipe dirigeante, je suis arrivé ans l’entreprise en tant que directeur général de la société à la fin août 2022. Je suis revenu des Etats-Unis où j’étais basé durant six ans chez le N° 1 mondial des dispositifs médicaux. Je travaillais chez Medtronic, à différents niveaux de responsabilité. Un nouveau président du conseil d’administration, Michel Therin, a été nommé début janvier également. Il a été président d’une des divisions de Siemens Healthineers après avoir travaillé également au préalable chez Medtronic.

Cette nouvelle équipe dirigeante a été mise en place pour prendre le virage et mener la nouvelle stratégie ? Les fondateurs gardent des parts.

En effet, pour exécuter les essais cliniques et pour préparer l’industrialisation et la commercialisation. Quelques personnes font partie des fondateurs. Rappelons qu’Affluent Medical a été créée en 2018 sur le regroupement de 4 technologies qui étaient détenues par des sociétés indépendantes, incubées, fondées et financées par Truffle Capital. Nous continuons à exploiter 3 technologies et une quatrième (permettant de réduire les fuites vasculaires suite à la pose d’une endoprothèse pour les anévrismes de l’aorte) que nous essayons de licencier mais qu’on ne développe pas. Ce sont des innovations qui ont démarré depuis 2012 et 2015 et qui ont connu plusieurs années de développement.

Avoir un portefeuille de 3 produits permet de réduire les risques car si seulement une de nos technologies réussit cela permet de faire le succès de la société et de ses actionnaires.

Vous envisagez de devenir une medtech d’envergure, en suivant les traces de Medtronic ?

Medtronic a démarré à la fin des années 1950 en lançant les premiers pacemakers (simulateurs cardiaques implantables) inventés par Earl Bakken, dans le Minnesota. C’est devenu aujourd’hui un groupe gigantesque qui a 90 000 employés et réalise environ 30 milliards de dollars de CA. Nous ne prétendons pas égaler ce groupe, nous avons l’ambition de devenir une MedTech européenne, avec un portefeuille de 3 produits ce qui nous donne une certaine masse critique. Telle est la vision de notre fondateur et investisseur : avoir une certaine masse critique afin de dérisquer les investissements sur une seule technologie.  S’il y a un seul produit qui fonctionne cela permettra d’assurer la réussite de l’entreprise. Cela va nous permettre de poser les fondations pour nous développer en cardiologie structurelle et en urologie par des rapprochements, des partenariats pour devenir au bout de quelques années une MedTech européenne. Je suis dans la société depuis peu et avoir un portefeuille de produits différenciés qui touchent 600 patients dans le monde, c’est un beau défi motivant.

Ayant passé 6 ans aux Etats-Unis, vous allez pouvoir appliquer cette stratégie de mise en place d’essais cliniques outre-atlantique ?

Medtronic étant une société américaine, j’ai en effet une bonne connaissance du marché américain, c’est un atout. J’ai un réseau qui peut être réutilisé pour se développer aux Etats-Unis, et une connaissance de la différence culturelle avec l’Europe.

Quel était le précédent CEO d’Affluent Medical. Vous n’êtes pas membre de pôles de compétitivité français?

Michel Finance était le précédent Directeur Général. Nous ne sommes pas membres de pôles de compétitivité mais participons à des projets collaboratifs. Affluent Medical poursuit notamment le projet MIVANA financé par la BPI dans le domaine de la cardiologie structurelle. C’est un appel à projet dans lesquels les écosystèmes de financement permettent de regrouper plusieurs entreprises pour lever des verrous technologiques. Ce projet Mivana nous a permis d’aller au-delà de nos activités de développement et de faire l’évaluation de nouvelles technologies dans la fabrication de nos produits.

Il est terminé ?

Le projet Mivana n’est pas encore terminé. Il y a quelques technologies pour lesquelles nous n’avons pas réussi à lever les verrous technologiques sans  aucun impact sur nos développements. Mais nous sommes parvenus à cette collaboration avec une entreprise lyonnaise, Texinov, qui aujourd’hui fabrique le matériau textile qui est sur notre anneau mitral Kalios. De la BPI nous avons reçu des financements pour nos technologies, la valve Epygon, Kalios et un autre projet, le sphincter urinaire Artus. Beaucoup de petites entreprises font appel à la BPI pour financer les recherches en amont. L’Etat s’organise pour que les startups plus matures puissent obtenir des financements plus conséquents, aujourd’hui difficiles à mobiliser, ce qui est un problème français et européen.

Quand la valve Epygon arrivera-t-elle sur le marché ?

L’étude pilote la première phase pour Epygon, nous comptons la terminer fin 2023, et démarrer notre étude Pivot fin 2024 pour la mise sur le marché entre 2027 et 2028. Il faut compter deux ans d’étude Pivot avec environ 250 patients. C’est un développement d’envergure. La mise sur le marché de l’anneau mitral Kalios se fera fin 2025 de même que celle du sphincter urinaire Artus.

Notre portefeuille de produits nous permet d’avoir un lancement cadencé tous les ans, Kalios, puis Artus, avec des indications chez l’homme, chez la femme, et des extensions sur d’autres zones  géographiques, et enfin Epygon. Cette cadence de lancement avec un portefeuille de 3 projets présente l’avantage de ne pas avoir un seul lancement unique.

Qu’en est-il du marché asiatique?

Nous nous y intéressons très fortement bien sûr : nous avons déjà deux joint-ventures qui ont démarré il y a quelques années avec un investisseur chinois sur Artus et Epygon. Ce sont des investissements en collaboration avec Affluent Medical pour financer les essais cliniques afin accéder au marché chinois.

Avec 600 millions de patients dans le monde pour vos 3 technologies, les résultats semblent prometteurs. Il vous faudra néanmoins lever d’autres fonds ?

Nous aurons besoin d’autre fonds pour être financés, c’est exact. Les premiers revenus obtenus en 2025 ne nous permettront pas d’être à l’équilibre. Et il nous faudra relancer une levée de fonds dès 2024.

Nous mettons également l’accent sur des fonds non dilutifs ou à travers de partenariats. La BPI accorde des fonds non dilutifs sur des programmes avancés cliniques aux entreprises matures, ce qui est notre cas. Nous cherchons des accords de commercialisation dans plusieurs régions du monde. Avec les résultats intermédiaires des essais cliniques en 2023, nous allons pouvoir prétendre à des upfronts de plusieurs millions d’euros, non dilutifs pour les investisseurs.

Pourquoi est-il si important que ce soit non dilutif ?

Plus c’est dilutif plus ça a un impact sur les investisseurs. C’est surtout pour conserver l’attractivité pour nos investisseurs historiques et ceux qui nous ont rejoints, que nous conservons le non dilutif, en essayant de panacher ce qui est financements dilutifs et non dilutifs.

 

 

Propos recueillis par Thérèse Bouveret