Pour infecter son hôte, le virus doit fusionner avec les cellules de celui-ci. Cela est rendu possible grâce à des protéines présentes à la surface du virus qui assurent la fusion. Une collaboration franco-américaine entre chercheurs de Cornell University et INRAE a montré récemment dans un article paru dans Journal of Molecular Biology que le SARS-CoV-2, responsable du COVID-19, possède une protéine de surface présentant une différence notable par rapport à d’autres coronavirus génétiquement proches. Cette différence serait importante pour l’évolution et l’émergence du virus.
Publié le 28 avril 2020
Un virus tel qu’un coronavirus, c’est un support d’information génétique (un ARN dans le cas du SARS-CoV-2) et des protéines virales enveloppés d’une bicouche lipidique. Le virus est un parasite cellulaire obligatoire, c’est-à-dire qu’il lui faut entrer dans une cellule pour pouvoir se reproduire. Pour initier l’infection d’une cellule, le virus enveloppé a besoin d’une protéine de surface qui reconnait une protéine particulière à la surface de la cellule, le récepteur. Ces interactions entre protéines sont spécifiques, comme une clé reconnaitrait une serrure, et permettent au virus de fusionner avec la cellule hôte. Une fois que la fusion a eu lieu, le virus peut y introduire son matériel génétique pour se multiplier par la suite. Ici les chercheurs se sont intéressés à une protéine de surface connue chez d’autre coronavirus, la protéine spike. Spike joue un autre rôle majeur dans l’entrée virale car elle est responsable de l’attachement au récepteur et du processus de fusion membranaire entre l’enveloppe virale et les membranes cellulaires. Le récepteur de SARS-CoV-2, nommé ACE2, est le même que celui utilisé par SARS-CoV (responsable du SRAS en 2002). Par des approches combinant des analyses comparatives de séquences, d’arbres phylogénétiques1 et des modélisations structurales, les chercheurs ont étudié les caractéristiques communes et uniques de la protéine spike de SARS-CoV-2.
Pour activer sa fonction fusogène (fusion des membranes virales et cellulaires) la protéine spike doit être reconnue et coupée spécifiquement par des enzymes cellulaires. Cela ne peut se produire qu’à certains endroits précis de la protéine, appelés sites de clivage. Ici, l’étude montre que le site de clivage de la protéine spike du SARS-CoV-2 possède un insert (un fragment de peptide en plus) de quatre acides aminées, absent des protéines spike de SARS-CoV et des coronavirus génétiquement proches de SARS-CoV-2 que l’on retrouve chez d’autres mammifères tels la chauve-souris et le pangolin.
La modélisation structurale de ce site de clivage de la protéine spike de SARS-CoV-2 a montré qu’il s’agirait d’une boucle accessible par des protéases cellulaires. Cette distinction, due à l’insert, a pu jouer un rôle important dans l’évolution et l’émergence du virus.
Ces résultats ouvrent la voie à l’étude fonctionnelle de cette protéine spike, afin de mieux comprendre comment le SARS-CoV-2 infecte les cellules et comment il se transmet dans la population.
1Arbre schématique qui montre les relations de parenté entre des groupes d’êtres vivants.
Référence
Jaimes JA et al., Phylogenetic Analysis and Structural Modeling of SARS-CoV-2 Spike Protein Reveals an Evolutionary Distinct and Proteolytically Sensitive Activation Loop, Journal of molecular biology, doi: 10.1016/j.jmb.2020.04.009