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Édito
ANR : "la recherche pour être utile doit être libre"
«?La recherche pour être utile doit être libre. Une recherche libre qui permet à la société de développer des connaissances diffuse ensuite dans l’environnement social?» a déclaré Mickaël Matlosz, PDG de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) lors de la journée Jeunes Chercheurs, à l’occasion des dix ans de l’Agence. Alors que sur les 900 M€ qui lui ont été attribués pour la période antérieure le budget avait été réduit à 500 M€, «?le Président de la République s’est laissé convaincre d’inverser cette tendance pour que 400 M€ supplémentaires soient accordés à partir de 2019-2020 à l’ANR», ?comme l’a souligné Thierry Mandon, Secrétaire d’Etat à l’Enseignement Supérieur et la Recherche, qui a tenu à assister à cet événement tant le sujet de l’avenir des jeunes chercheurs en France lui tient à cœur?: en raison des difficultés de l’emploi scientifique mais aussi par souci de renouveler les équipes de recherche. «?Nous avons besoin d’avoir des gens qui ont des regards neufs sur les problématiques?», a-t-il poursuivi, annonçant avec prudence?: «?Dès 2016, l’abondement à l’ANR sera renforcé?pour atteindre 800 M€ à 1 Md €». Il a aussi insisté sur les “bouffées d’oxygène” apportées au budget d’autres organismes tels que le CNRS.
Sur un total de 13.300 projets financés depuis la création de l’ANR en 2005, 5.490 étaient en cours dont 1.071 projets financés, en 2014. Plus de 75 % sont des projets collaboratifs, dont 20 % co-financés par des agences étrangères et 17,6 % associant équipes du monde académique et de l’entreprise. Pérenniser les actions et réviser les projets à mi-parcours, tel sont les objectifs pour les dix ans à venir. L’instrument JC/JC (Jeunes Chercheurs/Chercheuses) de l’ANR a financé 1.768 projets depuis 2005.
«?Les financements très importants de l’ERC (European Research Council) destinés aux jeunes chercheurs entre 30 et 40 ans sont le Saint Graal. Ils représentent deux tiers des financements sur un budget global de 9 Mds d’euros?», un choix dont se réjouit Jean-Pierre Bourguignon, président de l’ERC à Bruxelles. «?Le conseil scientifique a la pleine responsabilité des choix financiers», affirme-t-il. « Les montants qui ont e?te? de?finis sont des plafonds ; ils peuvent paraître élevés pour certaines disciplines, mais il n’y a pas de plancher. Nous insistons pour que ces sommes le soient a? des projets sur 5 ans ambitieux, tre?s risque?s ». La priorité aux jeunes chercheurs est marquée par deux appels spécifiques, les « starting grants » (2 à 7 ans après la thèse), les « consolidator grants » (7 à 12 ans après la thèse) qui reçoivent chacun un tiers du financement. « Nous espérons pouvoir relancer les “Synergy Grants” destine?s a? des projets pluridisciplinaires afin que les chercheurs puissent travailler ensemble » poursuit le mathe?maticien. Par ailleurs, Jean-Pierre Bourguignon plaide auprès de tous ses interlocuteurs ministériels pour qu’une enveloppe spe?cifique permette de donner un financement aux projets qualifie?s pour le deuxième niveau d’évaluation de l’ERC, sans instruction administrative supple?mentaire. «?Le budget annuel est de 1,7 Mds d’euros, ce qui donne une enveloppe significative de 20 M€ alors nous insistons lourdement sur le choix des projets, outre leur qualité scientifique, nous mesurons l’impact sociétal et les développements industriels qui en découleront.” Lors du premier appel à projets, il y a eu 700 candidats dont 11 lauréats. Au second, 400 candidats et 13 lauréats. Soit un taux de réussite de 1 à 2 % avec 24 lauréats. Les anglais et les hollandais sont les premiers en nombre de soumission de dossiers ERC. Quant aux français, s’ils déposent peu de dossiers, en revanche, leur taux de réussite est élevé (15 %). L’idée germe d’accompagner les jeunes chercheurs à soumettre des projets collaboratifs à l’ERC via un apprentissage comme l’a déjà mis en pratique André Le Bivic, responsable du programme ATIPE-Avenir CNRS INSERM qui a obtenu 17 % de réussite aux ERC. «?Il faut simplifier un maximum : process, contrôle, calendrier, modalités d’évaluation ; en septembre-octobre, un plan de simplification sera présenté qui touchera l’ensemble de ces sujets?»?prévoit le Secrétaire d’Etat.
«?Après les Assises de la Recherche, il faut que le Parlement fasse une évaluation de la stratégie nationale de recherche. Qui est le chef??? Le CGI (Commissariat Général à l’Investissement) à Bercy??» s’interroge le sénateur Jean-Yves Le Déaut, président de l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques. «?Le CGI vient à l’OPECST le 29 juin. Dans une démocratie, on ne peut pas laisser la totalité du pouvoir au ministère des Finances. Il faut mettre les moyens pour les jeunes chercheurs »s’engage-t-il.
Thérèse Bouveret