Santé humaine
Article
Cheville ouvrière du secteur biotech, l’AFSSI repasse à l’offensive
Tribune libre de Joël Vacus, nouveau président de l’AFSSI et PDG de Drugabilis
L’AFSSI regroupe quelques 130 PME françaises actives dans le secteur de la prestation de R&D en Sciences de la Vie, un secteur largement exportateur et qui comptait en 2017 environ 270 entreprises, 6000 emplois et un chiffre d’affaire cumulé de 900 M€.
Ce que sont les SSI de l’AFSSI…
Les critères d’adhésion à l’AFSSI sont très spécifiques. Nos adhérents sont des PME-TPE-ETI françaises exerçant dans le domaine des Sciences de la Vie, dont 25% de nos revenus au moins sont tirés de prestations de recherche pour le compte de tiers (dont une part importante à l’export) et dont 50% au moins des dépenses sont des dépenses de R&D au sens du CIR (des chiffres bien supérieurs d’ailleurs aux pourcentages de dépenses de R&D requis pour les JEI…). En dehors des prestations à haute valeur ajoutée réalisées pour leurs clients, tous conduisent leurs propres opérations de R&D pour la mise au point de nouvelles capacités expérimentales de recherche. Un certain nombre, suivant des modèles mixtes, développent aussi leurs propres produits.
L’association a été créée en 2012 par dix membres fondateurs et le nombre d’adhérents a très rapidement augmenté pour dépasser une centaine en moins de 2 ans. Nous sommes aujourd’hui environ 130, pour un secteur de la prestation de R&D en Sciences de la Vie que nous avons estimé à environ 270 entreprises en 2017, pour environ 6000 emplois répartis sur le territoire national et environ 900 millions d’euros de CA. Nos partenaires nous reconnaissent comme étant le 1er Centre de recherche français en santé.
Nos adhérents sont des entrepreneurs issus de la recherche publique ou de restructurations industrielles. Ils sont toujours extrêmement pointus dans leurs domaines d’activité qui sont souvent des activités de niche. Ils investissent dans des infrastructures de laboratoires coûteuses et emploient principalement des diplômés du supérieur. Ce faisant, ils redéployent sur le territoire national au sein de l’écosystème PME une expertise qui, par le passé, aurait été concentrée dans les centres de recherche de grands groupes industriels pharmaceutiques, lesquels ont largement été réduits en nombre au cours des 20 à 30 dernières années…
Sur les 130 membres de l’AFSSI, plus de la moitié sont des très petites entreprises (TPE : moins de 10 salariés) dont le potentiel de croissance est grand, mais qui pourraient être mieux accompagnées par des politiques publiques appropriées. Par ailleurs, des rapprochements entre SSI complémentaires se produisent régulièrement.
Le secteur de la prestation de R&D en Sciences de la Vie est un secteur stratégique qui, s’il est mieux compris et accompagné par les politiques publiques, pourra voir ses emplois et son volume d’activité croître rapidement.
De l’externalisation de la R&D dans le modèle de la biotech…
Il est extrêmement important de comprendre comment fonctionne aujourd’hui l’industrie des Sciences de la Vie… De petites sociétés “de produit”, détentrices de titres de propriété intellectuelle (les “biotechs” typiquement), sont capables de mobiliser des fonds avec une promesse de fort retour sur investissement lors de tours de table successifs ou bien encore lors d’un rachat ultime par des gros industriels.
De par leur business-modèle, ces sociétés de produit ne peuvent avoir pour finalité d’intégrer toutes les compétences techniques et les capacités expérimentales nécessaires à l’avancement de leurs projets. Leurs investisseurs n’en ont ni le temps, ni l’envie, d’autant plus qu’en cas de difficultés à atteindre les jalons définis, les financements peuvent parfois s’arrêter d’un coup. Elles vont en conséquence utiliser leurs fonds en externalisant une part majoritaire de leur R&D chez diverses sociétés “de service et d’innovation” (SSI) hautement spécialisées, prestataires-partenaires expertes vitales au modèle économique des sociétés de produit.
Si l’on raisonne en termes d’emplois dans le secteur PME, on compte ainsi plus de deux emplois SSI pour un emploi biotech. Si l’on raisonne maintenant en termes d’investissements dans des infrastructures laboratoires, ce sont les SSI qui les réalisent majoritairement, tout en développant des emplois pérennes sur le territoire français.
Les SSI sont en réalité la cheville ouvrière du secteur biotech, le terreau sur lequel les investisseurs pourront faire grandir en France les start-ups objets de leurs investissements… Toutes prises ensemble, les SSI sont à même d’adresser toutes les problématiques de recherche et développement des biotechs et de la pharma, laquelle sous-traite aussi une part croissante de ses activités…
A l’AFSSI, nous voulons que nos décideurs, aménageurs, investisseurs, mais aussi pôles de compétitivité et autres structures de développement économique aient bien conscience que le tissu biotech ne saurait exister s’il n’avait à sa disposition un tissu de SSI fort et performant. Nous souhaitons aussi rappeler à nos élus et au législateur que les emplois, la compétence scientifique et la capacité d’innovation du secteur reposent largement sur les sociétés de service et d’innovation que représente l’AFSSI, et qu’il est important d’accompagner aussi cette fraction des entreprises du domaine industriel des Sciences de la Vie par des mesures et une réglementation adaptée.
Les SSI françaises partenaires naturelles de la Recherche Publique…
Fortes de leurs compétences et de leurs capacités expérimentales propres – qu’elles mettent quotidiennement au service des biotechs ou de la pharma – les PME de l’AFSSI devraient aussi être les partenaires naturels de la recherche publique française dans ses efforts de valorisation. Plusieurs conventions de partenariat ont à ce titre été signées par le passé entre l’AFSSI et certaines SATT ou structures de valorisation.
Cependant, nous pensons qu’il est possible d’améliorer grandement encore nos interactions, avec le réseau des SATT et des Universités par exemple, en rendant plus lisible pour leurs équipes nos offres de services présentes partout sur le territoire national, ou bien en les conseillant dans les options à suivre sur certains programmes complexes, ou bien encore parfois, en coachant certains entrepreneurs académiques…
Nous pensons que la multiplication de commandes publiques auprès de nos SSI par les structures de valorisation des Universités, qui décident parfois d’investir plusieurs centaines de milliers d’euros sur des projets en maturation, serait un mécanisme vertueux venant à la fois renforcer les SSI, accélérer la maturation et accroitre les chances de valoriser mieux les résultats issus des laboratoires publics.
Enfin, et nous en avons des exemples dans nos rangs, en promouvant les occasions de rencontre et de connaissance mutuelle, certaines technologies issues de la recherche publique, ou certaines plateformes publiques pourraient être plus facilement prises sous licences ou exploitées par des SSI de l’AFSSI, plus à même que l’institution publique de valoriser ces assets.
Mieux nous faire comprendre et connaître de la recherche publique, de nos élus et du législateur nous semble revêtir une importante capitale. A défaut en effet, des mesures sont parfois prises pour favoriser l’innovation qui peuvent s’avérer délétères pour nos SSI et leurs emplois…
L’incapacité des établissements publics à calculer leurs coûts complets…
Sur demande du Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS V) de janvier 2012, dans un contexte de la loi sur l’autonomie des universités et de la mise en place de nouvelles structures assorties de fonds propres issues du Programme Investissements d’Avenir, pour éviter des situations de distorsion de concurrence préjudiciable aux tissus des PME de prestations scientifiques et technologiques, l’ensemble des organismes de recherche français (Inserm, CNRS, CEA, INRA, INRIA, IRD, Institut Pasteur, CPU, Conférence des DG de CHU) regroupés au sein de l’Alliance AVIESAN, signaient fin 2013 une charte dans laquelle tous s’engageaient à calculer les coûts complets des “prestations” (opérations sans partage de propriété intellectuelle) effectuées par leurs laboratoires et plateformes.
Plus de 5 ans après la signature de cette charte, nous restons plus que sceptiques quant à son application… ! Nombre de plateaux techniques publics ou laboratoires académiques “sous-vendent” toujours à l’évidence leurs prestations, appauvrissant à la fois leurs organismes de tutelle et nuisant aux perspectives de création d’emploi chez les SSI que représente l’AFSSI et à leurs capacités d’investissement.
L’AFSSI demande à ce que, conformément aux engagements pris en 2013 et conformément à la Directive européenne (2006/C 323/01) relative à l’encadrement communautaire des aides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innovation, chacun des organismes signataires s’assure au plus vite qu’il pratique effectivement des prix de vente supérieurs à ses coûts complets effectifs qu’il serait d’ailleurs bon de publier afin de couper court à toute réclamation.
Et le CIR doublé pour des prestations réalisées par les labos publics… ?
Un autre mystère subsiste dans les dispositions fiscales réservées aux clients de plateformes et laboratoire publics qui réalisent pour eux des prestations.
De façon surprenante, le taux de Crédit Impôt Recherche à ce jour n’est pas le même lorsqu’une prestation est réalisée soit par un laboratoire public, soit par une entreprise agréée CIR. En effet, si le prestataire est un laboratoire public, une Université, un Institut Carnot, etc., c’est un taux double de CIR qui va s’appliquer sur le montant de la facture, alors même que l’on parle bien d’une sous-traitance (sans partage de propriété intellectuelle) et pas de recherche partenariale. Il s’agit là à nos yeux d’un cas de distorsion de concurrence avalisée par l’Etat contre ses PME prestataires de recherche…
Alors que le Pays souhaiterait voir se développer ses PME et créer des emplois qualifiés dans nos entreprises pour les diplômés du supérieur, il serait aujourd’hui paradoxal pour l’Etat de laisser perdurer des situations de déséquilibre contraires aux intérêts de tous. Il est nécessaire que les règles en matière de prestation de recherche soient équivalentes pour tous les acteurs, publics comme privés.
En résumé…
En résumé, les Sociétés de Service et d’Innovation de l’AFSSI, exportatrices et créatrices d’emploi, vont poursuivre leurs efforts pour être plus visibles et plus lisibles, de sorte à assurer sur le territoire national leur rôle de terreau pour le développement de l’industrie du secteur des Sciences de la Vie en France, et pour conquérir de nouveaux marchés à l’étranger.
Elles réclament qu’en accord avec les engagements pris par les organismes publics de recherche et avec la règlementation en vigueur, soit mis un terme à certaines pratiques contre-productives pour la création d’emplois dans leur secteur PME. Elles souhaitent que soient désormais mieux prises en compte dans les politiques publiques de soutien à l’innovation, la masse des emplois et la compétence-clé que représentent les Sociétés de Service et d’Innovation dans l’industrie des Sciences de la Vie en France.
Elles souhaitent enfin être plus clairement perçues comme partenaires privilégiées et naturels de la Recherche Publique dans ses efforts de valorisation, de créations de startups et de transfert de technologie.