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Comment en un an l’Europe est devenue le premier fournisseur de vaccins au monde ?

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« L’Union Européenne est en phase de devenir le 1er continent pour la fabrication de vaccins anti-COVID-19» ainsi s’exprimait lors d’une conférence de presse lundi 7 juin, le commissaire européen, Thierry Breton, chargé de la politique industrielle, du marché intérieur, du numérique, de la défense. Le portefeuille vaccins est de son ressort de même que celui du tourisme. Cette intervention avait lieu à la veille de la réouverture des lieux publics le 9 juin ainsi que des frontières de l’Europe, grâce à la mise en place progressive dans les états européens d’un pass sanitaire d’ici la fin juin. Et également avant la tenue en Cornouailles anglaises du G7 Santé du 11 au 13 juin durant lequel la question de la politique industrielle de production des vaccins et de leur exportation au reste du monde a également été abordée.

La politique vaccinale est en phase d’accélération en Europe. Actuellement avec 3 à 4 millions de doses délivrées par jour, l’Europe devrait passer de zone orange en zone verte très rapidement. « En juin, il y aura par exemple 22 à 25 millions de doses supplémentaires livrées en France (NDLR En France, 30,37 millions de personnes ont été vaccinées au 15 juin). A la mi-juillet, nous pourrions donc fournir le nombre de doses nécessaires à vacciner 70 % de la population européenne » affirme Thierry Breton. « On est en voie d’immuniser la population avec 75 % de capacité de vaccination ».

 

Le Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, Clément Beaune, avait affirmé le 31 mai sur TF1 que l’U.E. serait le 1er producteur de vaccin au monde fin juin, Thierry Breton a toutefois nuancé cette déclaration en précisant que : « Nous fabriquons en Europe 200 à 300 millions de doses par mois. Nous le serons très certainement d’ici la fin de l’année avec 3 milliards de doses de vaccins. Nous sommes vraiment dans cette dynamique ». Une énorme phase d’accélération de la production européenne est en cours.

 

L’Europe est devenu le premier fournisseur au monde de vaccins devant les Etats-Unis et la Chine.

 

« En l’espace d’un an, ce qui est tout à fait inédit, l’Europe est devenu le premier fournisseur au monde de vaccins loin devant la Chine et les Etats-Unis » annonce Thierry Breton.

« Nous sommes de très loin les premiers contributeurs, non seulement pour notre production mais aussi pour livrer le monde entier. Et de préciser : « la Chine a produit 875 millions de doses. Nous, à ce stade nous en sommes à 654 millions, ils ont exporté 256 millions et nous 329 millions de doses, soit 50 % de notre production. Nous accélérons plus vite que la Chine. L’Europe est pratiquement à égalité avec la Chine ».

L’U.E. fait la course en tête

Vaccins produits (millions)/ Vaccins exportés (millions)

  • Union Européenne :    654  /329  ( 1 milliard en juillet)
  • Chine :  875 /256
  • Grande-Bretagne : 33/0
  • Etats-Unis : 438/20
  • Inde : 292 / 66
  • Russie : en aurait produit 45 /exporté 15

L’Europe est donc devenue le premier fabricant de vaccin à ARN messager devant les Etats-Unis.

Comment est-il possible que l’Europe ait pris un tel ascendant industriel en un an ? D’abord, note le commissaire européen, 4 sur 5 des vaccins actuellement reconnus au niveau européen et américain sont issus de la R&D européenne et ont donc été financés par l’UE : Moderna, BioNTech, Curevac, AstraZeneca c’est-à-dire l’Université d’Oxford, financée par l’U.E. avant le Brexit. Et Jansen (devenu Johnson&Johnson), une entreprise fondée au départ avec des chercheurs néerlandais.

Cette réussite pour mettre au point des vaccins efficaces contre la COVID-19, résulte d’une coopération scientifique et financière avec les Etats-Unis qui ont accéléré les essais cliniques grâce à des financements de la BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority) 1. « Nous avons la volonté de créer un PIEC SANTE européen d’importance commune, permettant des financements publics/privés. Une structure « everword « (24 h/sur 24), harmonisée, multi-technologique pour répondre aux pandémies à venir et aux différents variants de la COVID-19. Nous réfléchissons d’ailleurs à la création d’une agence européenne , HERA,  équivalente à la BARDA pour financer significativement des projets européens notamment pour la phase des essais cliniques très coûteuse. Nous devrions avancer au cours du second semestre 2021 » ajoute Thierry Breton confirmant qu’un dialogue structuré avec les laboratoires pharmaceutiques est également en cours,« Une réunion lundi 1er juin s’est tenue en présence des grands labos, du Président Macron, d’Ursula Von Der Leyen, de la commissaire européenne chargé de la Santé, Stélla Kyriakídou, et de moi-même. »

Sur le 2ème semestre, l’U.E. va donc livrer à l’ensemble des Etats membres, 1 milliard de doses supplémentaires. « Nous espérons pouvoir vacciner l’ensemble des pays de la planète. Nous avons les capacités d’avoir un booster. Nous espérons que les Etats-Unis vont nous rejoindre dans cette dynamique mais pour l’instant nous sommes les seuls à le faire » souhaitait Thierry Breton, quatre jours avant la tenue du G7 Santé en Cornouailles.

Sans doute, cet appel a-t-il été entendu des participants.Le G7 Santé s’est tenu du 11 au 13 juin dans le sud-ouest de l’Angleterre regroupant les états membres (Royaume-Uni, Etats-Unis, Canada, Allemagne, France, Italie, Japon) et les invités du sommet (Australie, Inde, Corée du Sud et Union Européenne).

L’annonce faite par les pays du G7 Santé le 14 juin de partager directement 870 millions de doses a été saluée par l’ONU. Joe Biden a annoncé que les Etats-Unis allaient donner un demi-milliard de doses de vaccins Pfizer/BioNTech aux 92 pays défavorisés et notamment à l’Union Africaine. Quand et comment ? telle est la question.

Selon un article du Point : « quelques livraisons débuteront en août. Ils (les vaccins) commenceront à être envoyés en août, avec 200 millions de doses livrées d’ici la fin de l’année. Les 300 autres millions seront livrés d’ici juin 2022. Avec près de 64 % des adultes américains ayant désormais reçu au moins une dose, la Maison-Blanche tente de se poser en leader dans la lutte planétaire contre la pandémie, qui a fait plus de 3,76 millions de morts, dont près de 600 000 aux États-Unis. Or, si une partie de la population des pays riches reprend une vie normale grâce à la vaccination, ces progrès sont encore fragiles et doivent être étendus aux pays moins favorisés ».

Ces mêmes pays riches doivent également “présenter un plan pour étendre la production de vaccins afin d’atteindre cet objectif“, a-t-il poursuivi.

Thierry Breton avait annoncé le 7 juin que « L’Europe avait programmé au second semestre un engagement à 100 millions de doses dans le cadre du dispositif Covax (1)» ajoutait le 7 juin Thierry Breton. L’OMS exhortait d’ailleurs le 4 juin les pays riches à donner davantage de vaccins aux pays démunis via COVAX, en partageant leurs stocks et en finançant les vaccins. La Grande Bretagne va ainsi donner 100 millions de doses en surplus après avoir vacciné massivement sa population, administrant 70 millions de doses.

La France a les capacités de production nécessaires à la fabrication de doses supplémentaires pour atteindre cet objectif.« Nous avons pu fabriquer ces doses de vaccins grâce à 55 usines principales réparties dans 12 à 13 pays d’Europe. Mais il y a aussi énormément de sous-traitants ( car ces vaccins nécessitent de 300 à 500 composants différents) dans tous les pays d’Europe. Il y a des usines principales de « drug substances », mais également des usines de Fill & Finish, y compris en Lithanie, en Espagne, Italie, Irlande » décrivait le commissaire européen.   

La fabrication de vaccins aux technologies innovantes telles que les mRNA ou les adenovirus requiert des processus de validation complexes (avec des tests avant et après). Des étapes qui prennent du temps pour des entreprises qui ne sont pas habituées aux exigences en vigueur au sein de l’U.E. . « La validation du vaccin russe Spoutnik a été retardée ainsi par des inspections réglementaires : il y a eu une première de l’usine de fabrication, une seconde est en cours dans les semaines qui viennent » ajoute Thierry Breton.

Levée des brevets sur les vaccins anti-covid?

Le Parlement européen a voté le 10 juin en faveur d’une levée temporaire des brevets sur les vaccins anti-covid. Cette levée des brevets devrait permettre à tous les pays de produire des vaccins et de se les procurer à bas coût. L’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) se dit favorable à un accord permettant d’alléger les PI des vaccins, une demande portée par l’Inde et l’Afrique du Sud en son sein.

« Hier déjà et après des mois de divisions, les membres de l’Organisation mondiale du commerce ont, eux-mêmes, fait un premier pas en vue d’un accord permettant d’alléger les droits de propriété intellectuelle. Une idée qui depuis longtemps rencontre une opposition farouche de la part des géants pharmaceutiques, mais également de leurs pays d’accueil. Du moins jusqu’à ce que les Etats-Unis ne finissent par changer de position, redonnant ainsi espoir à tous ceux qui plaident pour une exemption de brevet mondiale pour les vaccins. Et depuis ce matin, donc, le tour de la France serait venu de défendre, à son tour, la levée de la propriété intellectuelle. » rapportait le journal de France Culture du 10 juin. La France se dit favorable à la levée des brevets protégeant les vaccins anti-Covid (franceculture.fr)

Jusque- là, Emmanuel Macron déclarait que la Propriété intellectuelle n’était pas un obstacle au partage des doses. A l’issue d’une concertation avec 6 ONG, à la veille du sommet du G7 Santé, le président Macron a admis qu’il soutiendrait cette mesure de levée des brevets protégeant les vaccins anti-COVID-19 si elle était portée au sein du G7. Lors de son récent voyage en Afrique du Sud le 28 mai dernier, il a été interpelé par le président sud-africain Cyril Ramaphosa.

En France, une prise de position du LEEM (Les industriels du Médicament) est attendue. Une audition sur cette épineuse question a été organisée  à l’OPECST (Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques) le 17 juin.

OPECST : Audition publique « La levée des brevets relatifs aux vaccins contre la Covid-19 » – Jeudi 17 juin 2021 – Vidéos de l’Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)

 

 « Nous attendons qu’AZ se mette en position de livrer les vaccins attendus »

L’objectif que nous nous sommes fixés est d’atteindre le nombre de doses pour vacciner 70 %de la population européenne. Nous n’avons pas besoin d’Astra Zeneca pour atteindre cet objectif. Nous avons des réserves dans les capacités de production pour nous prémunir contre ce risque d’arrêt des livraisons. Nous pouvons faire sans mais ce n’est pas une raison pour que l’industriel anglo-suédois ne livre par les 90 millions de doses de plus qui étaient prévues au premier semestre. Une procédure a été engagée devant les autorités belges. La commission européenne a demandé que les contrats soient honorés. Par conséquent, nous attendons qu’AZ se mette en position de livrer les vaccins attendus.

Il faut régler les contentieux pour voir si nous renouvellerons nos commandes ensuite. Certes, tout le monde rencontre des problèmes. Personne n’avait la possibilité de faire des vaccins aussi rapidement. D’où la position extrêmement significative de notre continent avec des technologies très complexes comme l’adénovirus ou l’ARN messager. Et l’accélération importante de notre politique.

 

 

1un bureau du département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis (HHS) chargé de l’acquisition et du développement de contre-mesures médicales, principalement contre le bioterrorisme, y compris les menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), ainsi que la grippe pandémique et les maladies émergentes.

 

 

En Europe, le PASS Sanitaire sera opérationnel au 1er juillet

Le pass sanitaire sera reconnu dans tous les pays d’Europe dès la fin du mois de juin. avec les mêmes critères, pour un retour à une situation normalisée au 1er juillet. « L’objectif étant d’avoir le plus d’harmonisation et de coordination et l’on prend en compte les situations locales » admet Thierry Breton, le commissaire européen en charge du tourisme « C’est très important, c’est un élément indispensable pour participer à la réouverture de notre continent mais aussi aux activités comme les voyages ou le tourisme ».

« Le pass sanitaire permet d’identifier de façon très précoce la situation d’un patient par rapport à la pandémie » ajoute-t-il. Le certificat vaccinal est établi sur la base du volontariat, sera disponible en France d’ici une semaine, par exemple. En principe, deux semaines après la seconde injection du vaccin, une personne est considérée comme immunisée contre la COVID-19. Certains pays européens pourront continuer à exiger des quarantaines, des tests PCR de moins de 72 h ou des tests antigéniques à 48 h aux frontières, en fonction de l’évolution sanitaire chez eux.

Le tourisme devrait donc reprendre cet été :  les voyageurs américains et canadiens seront bientôt autorisés à venir en Europe, les vaccins étant reconnus par les Etats-Unis et par l’Europe. La réciprocité des échanges sera discutée de façon rapide (notamment pour lever la quarantaine aux Etats-Unis).

En Europe, une recrudescence de l’épidémie risque encore de survenir en raison de la faiblesse sanitaire constatée aux portes de l’Europe, notamment dans certains pays frontaliers des Pays Baltes comme la Biélorussie, l’enclave de Kaliningrad, ou la Russie où les campagnes vaccinales sont très lentes (respectivement 6% injections 1ère dose, 13 % en Biélorussie, 12 % en Russie) avec le risque de voir apparaître des variants indiens, brésiliens ou anglais. « Nous sommes inquiets que ça se passe un peu trop lentement, car nous avons des frontières communes. Nous avons des contacts avec l’Ukraine, la Moldavie, ou la Géorgie des pays qui ont des relations normales avec l’Europe. Nous pourrions aider les autres à condition qu’ils se comportent bien ». Une question politique.

Progression du variant Delta en Europe.

Les pays assouplissent les restrictions en vigueur, mais tout n’est pas gagné, insistait le directeur Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Hans Kluge, jeudi 10 juin, dans une conférence de presse : “Nous sommes loin d’être hors de danger”. Le niveau de vaccination contre le Covid-19 en Europe est insuffisant “pour protéger la région d’une résurgence”, met en garde le médecin. A ce jour, 30% de la population européenne a reçu une première dose de vaccin et 17% est entièrement vaccinée, estime l’OMS, qui prend en compte 53 territoires dans son décompte. Des taux importants mais insuffisants selon lui pour atteindre l’immunité collective. L’organisation craint en effet de voir le scénario de l’été 2020 se reproduire d’autant plus que le variant Delta, identifié pour la première fois en Inde, se propage actuellement sur le territoire européen et est bien “parti pour s’installer ». “Le chemin à parcourir pour atteindre une couverture d’au moins 80% de la population adulte est encore considérable”, rappelle Hans Kluge, qui appelle les pays à maintenir les mesures d’hygiène et de distanciation et à restreindre les voyages à l’étranger.

« Il faut rester vigilant, recommandait le 15 juin le ministre de la santé, Olivier Véran, lors de la visite d’un centre de vaccination « Cette forme du COVID-19 représente actuellement entre 2 et 4% des tests positifs dans l’hexagone, soit « 50 à 150 cas déclarés par jour. Sa présence a été multipliée par 10 à 20 fois.(…) Aujourd’hui ce variant est largement majoritaire en Grande-Bretagne où il est apparu il y a un mois et représente  90 % des contaminations quotidiennes de la COVID-19 » que la couverture vaccinale outre-Manche soit supérieure à la nôtre. » Cependant, dès le lendemain, le même Olivier Véran s’associait au premier ministre Jean Castex pour annoncer la fin du port du masque, en extérieur, dès le jeudi 17 juin, le nombre de nouveaux cas ayant baissé plus vite que prévu. La tension en réanimation est en effet descendue en France à 39 %. Malgré des signaux positifs, la prudence reste de mise comme l’a rappelé le Président Macron aujourd’hui.

 

Thérèse Bouveret

(1) En juin, le programme COVAX a distribué 89 millions de doses dans 133 pays