Communiqué de l’Académie nationale de Médecine
20 avril 2020
En cette période de confinement prolongé, l’isolement, l’ennui et le désœuvrement favorisent les comportements addictifs et aggravent la dépendance des personnes vulnérables vis-à-vis du tabac, de l’alcool, d’autres drogues, des écrans, des jeux d’argent et de hasard…
Le tabac cause chaque année en France 75.000 décès, l’alcool 41.000 sans compter les nombreux handicaps et maladies chroniques affectant des millions consommateurs. Avec 4 à 5 millions d’alcoolo-dépendants, 13 millions de fumeurs de tabac et un million et demi d’adeptes du cannabis, la France compte parmi les pays européens les plus exposés aux risques d’aggravation liés au confinement.
La cohabitation forcée dans un espace domiciliaire exigu expose au tabagisme passif qui fait chaque année 880.000 victimes dans le monde dont 3.000 en France. L’altération pulmonaire préexistante du fumeur le rend plus vulnérable à l’agression par le Sars-CoV-2 [1]. En cas d’infection déclarée, toute consommation de produits inhalés (tabac, cannabis, cocaïne…) semble augmenter le risque de forme sévère [2].
Les conditions de confinement à domicile favorisent les violences conjugales et intrafamiliales, ainsi que les accidents domestiques, notamment à la faveur d’alcoolisations aiguës. Chez les personnes souffrant d’affections psychiatriques chroniques, l’interruption du suivi médical peut laisser s’installer des états de décompensation avec un recours accru à l’utilisation d’alcool et de drogues [3].
L’Académie nationale de médecine recommande :
- de diffuser largement les numéros d’appel pour informer la population sur les possibilités d’aide aux personnes à risque de dépendance ;
- de sensibiliser les professionnels sanitaires et médico-sociaux au risque d’interruption des soins chez les personnes suivies pour une pathologie addictive ;
- de ne pas interrompre l’activité des structures sanitaires médico-sociales spécialisées en addictologie dans leurs actions visant à une réduction des risques associés à la consommation de drogues ;
- de ne pas attendre du tabac un hypothétique effet protecteur contre le Covid-19, mais de considérer les risques bien réels liés à sa consommation en zone confinée, pour le fumeur lui-même, et autour de lui, pour les enfants, les femmes enceintes, les malades et les personnes âgées.
[1] World Health Organization. Tobacco Free initiative: Tobacco and waterpipe use increases the risk of suffering from COVID-19. www.emro.who.int/tfi/know-the-truth/tobacco-and-waterpipe-users-are-at-increased-risk-ofcovid-19-infection.html
[2] http://www.emcdda.europa.eu/publications/topic-overviews/covid-19-and-people-who-use-drugs_en
[3] Covid-19 et Psychiatrie, Communiqué de l’Académie nationale de médecine du 17 avril 2020.