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Communiqué de presse

Doctorat : la CDEFI appelle à une clarification des référentiels de compétences

CDEFI, doctorats, élèves ingénieurs
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Paris, le 15 février 2024

 

Comme elle l’a rappelé dans son communiqué du 14 décembre 2023, la CDEFI est déterminée à renforcer l’attractivité du doctorat pour les élèves-ingénieurs et les recruteurs privés et publics. Elle poursuit ainsi sa participation active à toutes les discussions ayant pour objet la revalorisation du doctorat.

Dans ce contexte, et dans le but d’exposer l’état de leur réflexion, les directeurs et directrices des écoles françaises d’ingénieurs souhaitent s’adresser à tous les acteurs impliqués dans la construction de référentiels visant à améliorer la lisibilité des compétences des docteurs pour les recruteurs.

En effet, nous sommes convaincus que le doctorat, diplôme de niveau bac +8, apporte des compétences différentes1 et complémentaires à celles du titre d’ingénieur, diplôme de niveau bac +5, qui elles-mêmes sont différentes de celles apportées par un diplôme de master en sciences exactes et applications, que les écoles d’ingénieurs sont aussi nombreuses à décerner.

 

Afin de valoriser chaque diplôme, il nous paraît donc crucial de pouvoir distinguer les compétences apportées par les formations correspondantes, dont les objectifs sont résolument différents, dans le but d’éviter toute confusion, d’abord pour les recruteurs français, mais également pour les recruteurs internationaux.

À l’échelle nationale en effet, la confusion quant aux compétences propres à chaque niveau de formation serait incompatible avec les actions et volontés actuelles pour faire reconnaître la qualité des formations doctorales à leur juste valeur auprès des entreprises qui emploient la majorité des titulaires du doctorat dans les domaines des sciences exactes et des technologies.

À l’international, acter une convergence des compétences neutraliserait les efforts menés ces dernières décennies pour faire reconnaître la valeur du diplôme d’ingénieur dans de nombreux pays n’implémentant pas ce type de formation.

 

De la même manière, tandis que la poursuite d’études en thèse ouvre des perspectives d’insertion professionnelle variées, nous pensons que pour ce qui est des métiers spécifiques en lien avec une démarche et une posture forgées pendant la formation doctorale, les compétences effectivement acquises diffèrent non seulement en fonction des diplômes précédemment obtenus mais également en fonction des champs disciplinaires investis. Ces différences doivent par conséquent être saisies à la fois par les titulaires du doctorat eux-mêmes et par les personnes susceptibles de les employer.

C’est pourquoi il s’agit selon nous de savoir reconnaître, distinguer et valoriser lesdites compétences dans une logique distinctive et cumulative qui tienne compte des parcours individuels et des projets professionnels.

De plus, l’acquisition effective de ces compétences doit pouvoir être évaluée dans le cadre de la formation doctorale ou être attestée par des évaluations effectuées lors des formations antérieures. Or,

une fiche RNCP « générique » pour le doctorat ne nous semble pas pouvoir répondre à cet objectif dans la mesure où il est pratiquement impossible d’acquérir la totalité des compétences listées.

 

Ainsi, suite aux échanges auxquels la CDEFI a participé dans différents comités et sur la base des travaux menés au sein d’un groupe interne rassemblant de nombreux acteurs académiques, des représentants d’entreprises et de recruteurs, des associations qui accompagnent l’insertion professionnelle de docteurs, nous souhaitons proposer un recensement synthétique des acquis de l’ingénieur-docteur, tant la formation doctorale nous semble conférer des aptitudes qui se démarquent significativement de celles des ingénieurs sur au moins trois points distincts.

 

Le premier consiste en la capacité à travailler dans un contexte incertain et à savoir construire une démarche méthodique afin de répondre à un problème complexe dont la solution n’est pas encore connue. À la différence des ingénieurs qui sont plutôt formés à exploiter l’état de l’art, le docteur est ainsi censé être capable de contribuer à identifier l’état de l’art et à le faire progresser, grâce à une formation lui permettant de se projeter dans différents scénarios à partir d’un contexte incertain où les approches sont encore à construire.

Le second aspect, ancré dans une démarche propre à la recherche scientifique, consiste à cultiver la capacité à tirer profit d’un échec et à savoir analyser des résultats non probants pour, d’une part, répondre à un questionnement à partir d’hypothèses établies par le docteur lui-même, en maîtrisant leurs limites et, d’autre part, être capable de traiter ce questionnement par une réponse ferme et définitive – un résultat négatif étant par nature une avancée scientifique. Cette culture d’analyse et de rebond à partir de résultats négatifs permet ainsi de sélectionner et tracer de nouvelles voies d’innovation à la fois inventives et solides. L’ingénieur-docteur, par exemple, peut être à la fois moteur d’innovation incrémentale, mais également d’innovations de rupture, apportant ainsi une valeur ajoutée significative aux entreprises.

Troisièmement, le docteur, qui bénéficie d’une formation à la fois transdisciplinaire et pointue, est capable d’adopter un profil en « T », en ayant les capacités d’embrasser un problème complexe dans son ensemble, tout en sachant creuser des éléments spécifiques de la problématique de manière particulièrement approfondie.

 

Au-delà de ces caractéristiques distinctives qui relèvent à la fois de la posture et de la méthode, la temporalité du cadre de travail du docteur semble également rompre avec celle de l’ingénieur. Alors que ce dernier est avant tout destiné à répondre à une problématique immédiate à partir de méthodes et outils connus, le docteur inscrit sa démarche dans une perspective de long terme, anticipant et construisant lui-même les évolutions afin d’affronter les enjeux à venir.

Ceci s’applique également dans un environnement de travail international, dans lequel l’ingénieur se destine à collaborer grâce notamment à ses capacités d’adaptabilité, de compréhension de l’actualité des problèmes, d’appropriation des procédés connus pour y répondre, tandis que le docteur est particulièrement efficace dans un travail de veille, d’identification des signaux faibles avant-coureurs d’innovations et de ruptures scientifiques et technologiques, sur lesquels il saura s’appuyer pour construire des méthodes qui permettront de nouvelles découvertes.

 

Enfin, la plus-value de la formation doctorale pour un ingénieur tient notamment au caractère transversal des compétences spécifiques qu’elle permet d’acquérir.

Citons d’abord une connaissance fine du monde de la recherche, par le biais d’un réseau, à la fois au niveau académique et industriel, permettant de créer des ponts afin de transcender les moyens, objectifs et missions de chacun de ces secteurs d’activité. L’aptitude à la médiation scientifique est également une compétence spécifique du docteur, qui lui confère une capacité à fédérer autour de lui

une équipe large qu’il est capable de gérer, tout en facilitant d’autre part le dialogue entre science et société.

 

 

En somme, l’ingénieur-docteur n’est en aucun cas un « super-ingénieur », les deux formations ayant leurs objectifs spécifiques qui ne se recouvrent pas. Ainsi, par extension, l’ingénieur-docteur, double qualification bénéficiant d’une reconnaissance particulière dans de nombreux autres pays et qui a longtemps constitué un statut « à part » en France, présente une capacité à transcender ces compétences spécifiques et à utiliser ses acquis afin de dépasser la seule somme des compétences.

L’ingénieur-docteur sait adopter une posture adaptée à une situation nouvelle, que ce soit temporellement (synthèse ou prospective, action ou réflexion, etc.), ou au niveau de la maturité d’application (expertise sur une très large gamme de niveaux de TRL, de la conception à l’application), tout en ayant les capacités de développer une problématique pour ouvrir de nouveaux champs de réflexion, avec le recul quant à l’applicabilité des réponses à apporter (technique, économique, organisationnelle).

L’ingénieur-docteur, grâce à la variété du réseau qu’il aura constitué au cours de ses passages en entreprise et de sa formation, possède par ailleurs une faculté exceptionnelle à mobiliser les acteurs les plus pertinents.

 

L’exposé de compétences que nous partageons ici tient compte des éléments listés dans les fiches RNCP des titres ingénieurs, des diplômes nationaux de masters, et du doctorat.

Par cette démarche, la Conférence souhaite ouvrir le dialogue visant à une meilleure clarification des référentiels qui ne sauraient, pour être bien compris, contenir de trop nombreux et trop vagues éléments, préjudiciables nous semble-t-il à la reconnaissance des compétences spécifiques de chacune des formations référencées, reconnaissance qui participera à coup sûr à la souveraineté nationale en matière d’innovation.

 

 

 

À propos de la CDEFI

Fondée en 1976, la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) réunit l’ensemble des directeurs et directrices des établissements ou composantes d’établissements, publics ou privés, accrédités par la Commission des titres d’ingénieur (CTI) à délivrer le titre d’ingénieur diplômé. Elle a pour principale mission d’étudier tous sujets relatifs au métier et à la formation des ingénieurs, ainsi qu’au développement de la recherche et à la valorisation de celle-ci. Elle a, de plus, vocation à promouvoir l’Ingénieur de l’école française, dans le monde comme en France. Ainsi, la dimension internationale est au cœur de ses préoccupations, notamment dans l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche.

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