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Dreampore monte en puissance avec sa technologie nanopore pour le diagnostic en molécule unique

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Dreampore publie un article scientifique dans la Revue ACS Central Science (1) co-signé par les Universités CY Cergy-Paris Université, Evry-Val d’Essonne-Paris-Saclay, le CNRS et l’AP-HP. Les chercheurs ont pu détecter des biomarqueurs de la coagulation sanguine grâce à la technologie nanopore brevetée par la société. La start-up prévoit une levée de fonds pour développer un dispositif point-of-care pour le diagnostic de plusieurs maladies graves.

« Nous avons mis en évidence une famille de peptides liés à l’AVC, aux maladies cardiovasculaires  et aux cancers. L’idée c’est de proposer de nouveaux tests de diagnostic médical, rapides, précis, sensibles, peu coûteux, dans des biofluides» annonce le Professeur Juan Pelta de l’Université d’Evry-Val d’Essonne-Paris-Saclay, co-fondateur de la société Dreampore. Avec son équipe de recherche basée à l’Université CY Cergy Paris Université (Labo LAMBE-CNRS) et à Evry,  ils viennent de publier une étude dans la revue ACS Central Science sur la caractérisation de biomarqueurs de la coagulation sanguine réalisée avec leur technologie brevetée nanopore. Cette étude est cosignée entre autres par le Docteur Philippe Manivet, Professeur à l’Hôpital Lariboisière (AP-HP), co-fondateur de la société, Directeur de la Plateforme de Ressources Biologiques BBA-Systems (BioBanking & Analytics Systems) du groupe hospitalier Saint Louis-Lariboisière-Fernand Widal, membre du domaine d’intérêt majeur RESPORE d’Ile de France (2) et par le Docteur Benjamin Cressiot, maître de conférence à CY Cergy Paris Université.

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Docteur Benjamin Cressiot, maitre-de conference à CY Cergy Paris-Université

 

 

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Dr Philippe Manivet, co-fondateur de la société Dreampore

Les troubles de la coagulation associés à un accident vasculaire cérébral, à une crise cardiaque ou à un cancer sont définis par un taux accru du biomarqueur fibrinopeptide A (FPA), entre autres. Ce biomarqueur existe sous plus d’une forme : il peut être modifié post-traductionnellement avec un phosphate et également clivé pour former des peptides plus courts. Or, les essais actuels sont longs et ont du mal à faire la distinction entre ces dérivés : par conséquent, il s’agit d’un biomarqueur sous-utilisé pour la pratique clinique de routine.

« A l’hôpital, c’est difficile de voir la différence entre les différents biomarqueurs de la coagulation sanguine : FPA3, FPA 6, FPA et FPAP (la famille en comprend 8). La technologie nanopore permettra d’aller chercher ces peptides et leurs dérivés, dans des quantités extrêmement faibles de serum. Nous avons démontré dans l’article la possibilité de détecter leur différence et de les identifier en solution ce qui n’était pas encore fait. C’est une preuve de concept, avec une finesse d’analyse, allant des formes, des tailles aux modifications post-traductionnelles, qu’on ne peut pas voir avec les techniques actuelles utilisées à l’hôpital» ajoute Juan Pelta.

L’innovation de DreamPore a pour principe d’utiliser un nanopore (10-9 m) protéique qui, une fois intégré dans un dispositif entre deux électrodes, permet de détecter individuellement des objets moléculaires tels que des biomarqueurs protéiques solubles dans un plasma ou une urine, par exemple, et de les identifier. Les signaux électriques enregistrés par le dispositif sont spécifiques de la séquence et de la taille de chaque protéine et permet de repérer des modifications chimiques.

 

 

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“On distingue des familles différentes au sein d’une même famille de peptides.  Nous avons pris la famille des peptides FPA,  les Fibrinopeptides A. Nous voulions voir s’il était possible de les détecter individuellement, dans un mélange, avec un biomarqueur qui peut être modifié (post-traductionnellement) avec un phosphate FPAP (Fibrinopeptides A Phosphate) pour donner de plus petits peptides” Pr Juan Pelta – Discrimination électrique des biomarqueurs à molécule unique

Spécificité de cette technologie Nanopore : elle permet de mesurer deux paramètres électriques, la profondeur de blocage (blockade ratio) et le temps de résidence (dwell time). « Quand on fait ce diagramme bidimensionnel à partir des deux entrées, les peptides sont extrêmement bien identifiés. précise Juan Pelta.

« Après la fabrication d’une protéine, certains acides aminés sont modifiés, la cellule ajoute des motifs chimiques, des phosphates, des sulfates, des sucres etc… Ce sont des modifications chimiques qui vont nous suivre toute une vie. Ce qui est très important parce que les modifications post-traductionnelles  sont un marqueur de notre état de santé, de bien-être, de mal-être. Le protéome va refléter notre état de santé » explique Juan Pelta.

Un dispositif de diagnostic Point of care pour des besoins cliniques

Juan Pelta et Philippe Manivet sont deux des co-fondateurs de la société Dreampore en 2018 pour réaliser des nouveaux tests Point of care. La société avait alors réalisé une levée de fonds (BPI-iLab) pour réaliser un prototype d’analyses des marqueurs peptidiques sanguins de taille et de séquence différentes. « C’était à l’issue des précédentes recherches parues dans Nature Communication (3) où l’on essayait de déterminer la taille des peptides avec une précision d’un acide aminé et la séquence de peptides modèles qui n’avaient pas a priori de propriétés biologiques ou médicales. Nous avons préféré utiliser ces fonds pour faire la preuve de concept.  Cette nouvelle étude met en évidence une série de peptides impliqués dans l’AVC, les maladies cardiovasculaires, le cancer ».

Aujourd’hui, il est encore trop tôt pour réaliser un prototype de dispositif Point of care mais c’est l’objectif d’ici 3 à 5 ans. Le chercheur et le clinicien n’ont pas encore étudié les échantillons de patients à partir de la biobanque (Plateforme de Ressources Biologiques BBA-Systems). Ils en sont encore au stade des réflexions partagées.

Au-delà de cet article scientifique, Dreampore a déposé un second brevet avec les co-inventeurs (universités Cergy-Evry, AP-HP) décrivant (comme le premier brevet) le dispositif de diagnostic et les biomarqueurs et familles visées. Par exemple la famille des amyloïdes. « çela va toucher tous les problèmes de dégénérescence liés à l’âge comme la maladie d’Alzheimer. La population augmente et elle vieillit. Il y aura de plus en plus de maladies à cause du mauvais repliement de protéines et de l’agrégation des protéines. Les maladies neurodégénératives vont donc augmenter mathématiquement mais pas seulement ces maladies ».

Autres applications cliniques possibles : la détection du cancer et la surveillance de l’apparition des récidives. Grâce à la nanoprotéomique qui représente un changement radical de paradigme dans  l’étude de l’infiniment petit en médecine, il est désormais  possible d’analyser le contenu en protéines d’objets vivants et rares tels que des cellules tumorales circulantes qui jouent un rôle dans la genèse du cancer, ou certaines de leurs parties qu’elles libèrent telles que des vésicules extracellulaires. « Nous allons enfin pouvoir réaliser le séquençage du protéome et analyser les marqueurs protéiques présents dans les cellules tumorales circulantes rares que nous extrayons du sang des patients afin de mieux les classer et de repérer les plus agressives, celles qui vont former des métastases. », indiquait déjà le Dr Philippe Manivet en 2018.

Pourtant ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. « Nous avons publié un article en 2022 dans la Revue ACS Sensors qui a donné lieu à une discussion sur les perspectives pour déceler les cellules tumorales circulantes à partir d’un biofluide. Il n’y a pas encore un outil utilisable à l’hôpital (en clinique), parce qu’on n’arrive pas à les classifier. Ces cellules tumorales (qui vont quitter la tumeur primaire) ont 3 destins possibles : soit elles sont éliminées par le système de défense immunitaire, soit elles vont devenir des tueuses, soit elles vont se cacher dans les ganglions d’où elles ressortiront quelques années plus tard pour devenir des cellules tumorales ou des tueuses. Nous n’avons pas encore réussi à obtenir des biomarqueurs des cellules tumorales circulantes, en distinguant celles qui sont tueuses ou pas. Pour cela, il faut sélectionner quelques cellules, sans les abîmer… » commente Juan Pelta concédant pourtant « avoir fait la preuve de concept sur une famille de peptides associés à plusieurs cancers, dont les résultats seront publiés prochainement».

« La première revendication du brevet est de répondre aux besoins cliniques. A partir d’une goutte de fluide, on pourrait détecter quelques copies de biomarqueurs. A titre d’exemple, les tests antigéniques pour la détection de la Covid, nécessitent beaucoup plus de molécules (107 à 108 molécules). La sensibilité du test nanopore dépasse de loin celle des méthodes actuelles, test Elisa et spectrométrie de masse, qui ne suffisent pas à l’hôpital pour détecter des différences de formes, de changement d’un acide aminé, et les modifications chimiques », poursuit-il.

Une levée de fonds en vue

Juan Pelta a reçu en 2016 une Attige (Action incitative Thématique pour créer une jeune équipe) sur les nanopores, peptides et protéines et applications suite à un Concours du Genopole, « Peptides, protéines et applications », ce qui lui donne le Label Genopole. La société a reçu une aide de la BPI il y a quatre ans, puis du DIM Respore d’Ile de France. Ce qui lui a permis de publier ces résultats scientifiques. Maintenant, il faut monter en puissance.

Dreampore est actuellement en phase de levée de fonds (entre 3 et 5 millions), via l’incubation par beta d’Orion, pour monter ce dispositif et faire la preuve de concept clinique avec le coût/bénéfice pour des patients. Faire de la prévention et éviter la récidive de maladies graves est l’un des objectifs visés. « Les fonds permettraient à l’entreprise qui a deux salariés actuellement de gagner du temps et d’embaucher des post-docs et des techniciens pour réaliser le prototype avec une machine. Il y a une compétition internationale extraordinaire (EPFL, Harvard, Cambridge) dans la nanoprotéomique avec plus de 50 laboratoires. Nous avons collaboré notamment avec Gisou Van der Goot, la directrice de toute la recherche en biologie à l’EPFL, sur l’aerolysine.  Il faut continuer à améliorer la sensibilité de détection des biomarqueurs en faisant de l’ingénierie sur les têtes de lectures, constituées par les pores d’aerolysine. Montrer qu’à partir d’un biofluide quand les peptides passent à travers les pores on a bien une signature spécifique ». Et d’anticiper : « Si tout va bien, je demanderai une décharge d’enseignement à mon université via le dispositif de concours scientifique pour rejoindre l’entreprise une partie de mon temps, notre nouveau président, Vincent Bouhier, souhaite développer, en particulier, la valorisation

 

Thérèse Bouveret

 

(1) Nanopore Discrimination of Coagulation Biomarker Derivates and Characterization of a Post-Translational Modification –ACS Central Science

Aïcha Stierlen, Sandra J. Greive, Laurent Bacri, Philippe Manivet, Benjamin Cressiot,* and Juan Pelta* Cite This: https://doi.org/10.1021/acscentsci.2c01256

(2) DIM RESPORE Domaine d’intérêt majeur lancé par la Région Ile de France qui a permis de financer le projet de R&D pendant 5 ans.

(3) https://www.nature.com/articles/s41467-018-03418-2.pdf