par Marc-Antoine Jamet, Président de Cosmetic Valley
L’épidémie que subit la planète entière a accéléré les transformations que connaissaient déjà l’industrie et le marché des cosmétiques davantage qu’elle n’est à l’origine de ruptures nouvelles ou inattendues.
Un secteur touché, comme toute l’économie, mais moins que cette dernière, mobilisé et confiant en son avenir :
- Si les ventes de cosmétiques ont souffert du fait des conséquences du télétravail ou du port du masque, celles des produits d’hygiène et de soin ont augmenté de 50 %. Si l’Europe affiche des résultats à la baisse, l’Asie, notamment la Chine, a vu sa demande progresser. Chiffres d’affaires et exportations des entreprises françaises ont fléchi, notamment pour les PME, mais moins que ceux des autres filières ou de l’économie en général. Les habitudes des consommateurs ont évolué. Leurs achats se sont dirigés vers des produits de maquillage adaptés au port du masque (mascara, rouge à lèvre longue tenue, fard à paupières, etc.) et des produits de soin traduisant la volonté de faire mieux attention à soi. Le confinement a vu les femmes consacrer moins de temps à leur maquillage, tandis que les visio-conférences incitaient les hommes à veiller sur leur apparence. Les instituts de beauté ont souffert, mais pharmacies et grandes surfaces ont tiré leur épingle du jeu. Le travel retail a dépéri tandis que la vente en ligne prospérait. Les produits qui passaient comme des comètes ont vu leur attractivité diminuer, tandis que les marques établies sont redevenues des repères.
- Cette capacité d’adaptation n’est pas étonnante. Protégé par les dimensions quasi civilisationnelles, culturelles, éternelles des cosmétiques, des soins, du maquillage, au-delà de cette pandémie, d’autres crises, par le passé, ont montré à quel point, notre secteur pouvait être résistant et résilient. Cela prendra certainement du temps (faudra-t-il attendre 2022 ou 2023 ?), mais nous savons que les grands groupes, comme les TPE et PME, sauront s’adapter et innover. Cela passera naturellement par de l’entraide, entre les acteurs de la filière (certains géants ont ainsi devancé leurs commandes de fin d’année à leurs fournisseurs…) et, comme en Corée, comme à Taiwan, comme au Japon, par un soutien des pouvoirs publics français manifestement pas assez conscients que la cosmétique française, avec une production supérieure à 40 milliards d’euros, second solde exportateur de la France derrière l’aéronautique, bien que leader mondial, a besoin de leurs aides pour assurer la pérennité financière de ses PME, augmenter le nombre de ses projets de recherche collaboratif ou se développer à l’international.
- Sans doute faudrait-il que chacun conserve à l’esprit que la force du secteur et sa capacité d’évolution se sont formidablement exprimées pendant le confinement lorsque tous ceux qui le pouvaient, ont converti leurs lignes de productions pour fournir en gel hydro-alcoolique non seulement les professionnels de santé, mais aussi le grand public.
- C’est pourquoi il nous est apparu juste que le pôle de compétitivité Cosmetic Valley, chargé par l’État d’animer notre filière à l’échelle nationale, organise, avec ses partenaires (CNRS, ESSEC, FEBEA, CNEP…), en invitant tous les acteurs de notre industrie, mais aussi les responsables gouvernementaux, scientifiques, environnementaux, européens dont elle dépend, cette « semaine de la relance ». Elle verra en moins d’une semaine la tenue, sixième édition entièrement digitale, du salon e-C360, les 12 et 13 octobre, la remise des Cosmetic Victories et, surtout, le 15 octobre, hébergé par la Sorbonne à Paris, au Cloître des Cordeliers, les États Généraux de la Cosmétique. A travers ces trois événements qui réuniront l’ensemble des acteurs industriels et économiques participant à notre activité, nous souhaitons trouver de véritables solutions pérennes. Il s’agit de favoriser le rebond d’un secteur qui est une vitrine française à l’étranger et qui emploie près de 250 000 personnes en France.
L’innovation sera la pierre angulaire de cette reprise
- Depuis longtemps nous pensons que l’innovation est le talisman de la cosmétique. La R&D est essentielle à notre travail. Nos équipes sont composées de nombreux scientifiques. La volonté de découvrir est au cœur même de leur travail. En moyenne, les effectifs des entreprises de notre secteur investis dans cette mission, sont 3 à 4 fois supérieurs à ceux de la moyenne des entreprises françaises.
- Si cette innovation peut être technologique, ce n’en est qu’une infime partie. Elle porte aussi et avant tout sur les ingrédients, les packagings, les matières premières, les services, etc. Nous l’avons vu au cours des derniers mois. Clients, commerçants et producteurs se sont très vite adaptés dans les magasins et sur internet à un nombre de plus en plus grand d’applications et d’appareils connectés. Tester virtuellement des cosmétiques, essayer numériquement des maquillages est devenu une habitude.
- Notre volonté d’innovation s’est également traduite par l’essor de la naturalité, le désir de participer à la protection de la biodiversité, le retour des circuits courts, dans la green beauty, la tech beauty, le safety & healthy. Ce point est aujourd’hui central dans le développement de nouveaux produits et services. C’est une demande forte de nos clients. Ils souhaitent, en ces temps troublés, des produits plus sains, plus respectueux de la planète, etc. Du côté des fabricants, cet enjeu est tout aussi important et, depuis longtemps, la Cosmetic Valley, a la profonde conviction que notre meilleur atout est, et sera, le Made in France et ses quatre piliers (authenticité des produits, sécurité des consommateurs, protection de l’environnement, performance de l’innovation).
Une opportunité unique d’accélérer encore la transformation numérique et développer le e-commerce
- Si la performance du e-commerce peut être variable d’un groupe ou d’une marque à une autre, il y a une certitude : il a considérablement accéléré avec des chiffres de croissance allant de + 40 % à, parfois, + 100 %. De tels chiffres interpellent. Ils signifient deux choses : que nous partons de loin – il faut le reconnaître – mais aussi qu’il y a une véritable opportunité à saisir et urgence à accélérer cette transformation digitale afin de permettre aux clients de se sentir aussi bien sur un site internet que dans une boutique.
- En revanche, il faut être conscient que cette explosion du e-commerce ne permettra pas de compenser les pertes subies ailleurs dans l’immédiat. C’est la raison pour laquelle, il ne faut pas penser seulement digital ou seulement physique, mais omnicanal. Aujourd’hui, nous devons être capables de proposer une offre et une expérience similaires à nos clients qu’ils se trouvent en boutiques, sur leur ordinateur, sur leur smartphone ou n’importe où ailleurs !
- Avec le soutien de l’emploi industriel – de l’emploi durable et qualifié dans nos sites de production français – la transformation numérique déjà bien enclenchée doit être un axe fort pour sortir de cette crise par le haut.
Tenir compte de la planète et de l’internet, suivre les aspirations des consommateurs vers plus de naturalité, plus de digitalisation, plus de personnalisation, être un acteur économique socialement responsable et industriellement performant, ce sont les défis qu’il nous faut relever. Nous en étions déjà convaincus. L’épidémie renforce ce sentiment. C’est cela qui nous pousse à faire le pari de cette « innovation en pleine conscience ».
Marc-Antoine JAMET
Président de la Cosmetic Valley