Agro-environnementAgroécologie

Interview

Elicit Plant : un champion de la transition agro-écologique

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La société a validé à grande échelle la performance de son produit Best-a Maïs et envisage une production et un  déploiement à l’échelle mondiale. Le lancement de nouveaux produits, la recherche scientifique et les alliances partenariales se développent.

 

Interview de Jean-François Déchant, CEO d’Elicit Plant

 

C’est une solution innovante pour répondre aux défis du changement climatique grâce à des molécules naturelles, les phytostérols, qui aident les plantes à résister au stress hydrique.

C’est un élément clé. Aujourd’hui les agriculteurs sont dans la rue parce qu’ils ne gagnent pas suffisamment d’argent. Le réchauffement climatique est partout dans le monde. A la Une : ils constatent un impact sur le changement climatique sur leurs cultures, en France, en Europe. A horizon 2030, le problème majeur qu’ils se posent est le suivant : comment allons-nous ajuster d’ici là nos entreprises pour qu’elles résistent à ce réchauffement climatique? Avec des température en février bien supérieures à la moyenne, et 3 mois de record de pluie, le dérèglement climatique est indéniable. L’agriculture est le premier marché économique impacté, en particulier avec les températures d’été qui ont augmenté en France  de 1,5 à 2,5 % depuis 30 ans, causant une évaporation bien supérieure à ce qu’elle était dans les champs cultivés.

L’évaporation de la température du sol ajoutée à l’augmentation de la température de la plante augmente de 30 à 50 % le manque d’eau dans les plantes.

Ces phénomènes climatiques ont un impact très important sur agriculteurs en France ? Notamment dans le sud-ouest où les cultivateurs de maïs ont beaucoup souffert de la canicule de 2022 dans les zones non irriguées avec des pertes de rendement importantes

L’enjeu est là, dès à présent. Une enquête de Bayer réalisée auprès de 500 agriculteurs en septembre 2023, montre que les agriculteurs indiquent  en premier lieu le manque d’eau (à 80 %) comme leur principale préoccupation, devant l’augmentation de la température (45 %), loin devant les difficultés de réglementation (30 %).

Comment votre plateforme technologique de phytostérols permet-elle d’aider les plantes à résister au stress hydrique ?

Pour répondre à cet enjeu, nous avons une approche scientifique basée sur les phytostérols, des molécules lipidiques naturelles qui aident les plantes à résister aux stress, en particulier le stress hydrique. Cette science étudiée depuis plus de 30 ans dans les laboratoires valide notre technologie. Nous l’avons apportée des laboratoires aux champs sur les grandes cultures : blé, soja, maïs, riz, colza, tournesol. En effet, ce sont elles qui fournissent 50 % de l’énergie des calories pour l’alimentation humaine : elles nourrissent l’humanité. Les grandes cultures occupent 90 % des terres arables, si l‘on retire prairies et pâturages. Nous appliquons cette science pour les grandes cultures. Avec une revendication : la réduction du stress hydrique.

Vous avez confirmé ces résultats scientifiques grâce à des essais en pleins champs dont le nombre a doublé en 2023. Vous en étiez à 500 essais depuis 2017 en 2022 ?

Nous en sommes à plus de 1000 essais en plein champ dans le monde (Europe, Amérique du Sud, et Amérique du Nord). La réduction de la consommation des plantes en eau, associée au changement climatique, provoquent un stress hydrique. Avec nos produits, la consommation d’eau des plantes diminue de 20 %. Nous avons un gain de rendement de 12% : en moyenne 5, 7 quintaux/ha, avec parfois des gains exceptionnels jusqu’à 3 tonnes/ha sur du maïs. Nous avons une solution agronomiquement validée à grande échelle : aux Etats-Unis, au Brésil, en France, en Ukraine, en Europe…

Comment s’applique ce produit et quels effets produit-il ?

Le produit est pulvérisé de façon préventive, en amont des périodes de stress hydrique. Best-a, un biostimulant de nouvelle génération, permet ainsi aux plantes de diminuer de 20% leur consommation d’eau et d’optimiser l’utilisation de l’eau dans le sol, par le biais d’un développement racinaire accru et d’une fermeture partielle des stomates, limitant l’évapo-transpiration.

La solution Best-a Maïs est commercialisée depuis 2022 en France. L’est-elle dans d’autres pays? 

Oui, nous avons commercialisé cette solution pour le maïs en 2022, en France, et en 2023, en Ukraine et au Brésil. Nous la distribuerons en 2024 en Europe de l’Est : nous recevons déjà de premières commandes de Pologne, Roumanie, Allemagne, Espagne. Nous avons reçu également des AMM (autorisations de mise sur le marché) et lancé de nouveaux produits tels que le tournesol et l’orge de printemps dans ces mêmes pays.

Vous avez une filiale au Brésil ?

Au Brésil, nous sommes positionnés surtout sur le maïs et nous allons lancer un produit soja. Nous travaillons avec des Fondations brésiliennes qui sont des instituts techniques pointus qui valident les solutions innovantes auprès des agriculteurs, des coopératives et des distributeurs.

Vous avez annoncé récemment que Pam Marrone, avait été nommée à votre conseil d’administration. Cette américaine préside la Foundation for Food and Agriculture Research aux Etats-Unis.

Oui, et nous allons annoncer prochainement la nomination de notre nouvelle  responsable scientifique américaine.

Johan de Saegher, Vice-président d’Agrosciences, a été également nommé à votre CA. Il aidera la société à se développer sur de nouveaux marchés en Amérique du Sud et en Asie ?

Oui, Johan apporte une excellente connaissance de l’Europe. Et nous sommes présents au Brésil avec le lancement de notre produit pour le Maïs. Les Etats-Unis sont notre prochaine cible : nous ciblons  tous les marchés importants  de grandes cultures. Mais la commercialisation en Asie se développera plus tard, dépendant en effet des autorisations réglementaires sur ces différents marchés.

 Vous travaillez sur de nouvelles solutions à l’échelle de 3 à 5 ans ?

Nous venons de lancer des solutions pour l’orge de printemps et le tournesol pour lesquels nous avons sommes en conformité avec la nouvelle norme européenne, la plus exigeante (1009-2019). Nous finalisons la préparation du lancement du produit blé à l’échelle Européenne. Enfin nous avons un autre produit sur la vigne en cours de développement.

Agnès Panier-Runacher dans la conclusion du colloque INRAE sur la transition écologique et les territoires au SIA 2024 a souligné cette question du stress hydrique. Elle a pris pour exemple le cas de la vigne dans le sud de la France où l’on va jusqu’à conseiller aux viticulteurs d’arracher les pieds.

Cette sécheresse se ressent particulièrement en Occitanie. Moins en Région Aquitaine pour l’instant.

Votre entreprise a été fondée en 2017. Vous avez également une ferme expérimentale de 1000 hectares en Charentes à Moulins-sur-Tardoire ? Vous êtes trois co-fondateurs, quelles sont vos compétences respectives ? Vous êtes le CEO ?

Oui. Serial-entrepreneur depuis 25 ans, spécialisé dans le domaine de la cybersécurité, j’ai travaillé quelques années dans la Silicon Valley, puis j’ai éprouvé la nécessité de travailler sur des sujets plus importants, qui aient plus de sens. Le second co-fondateur, Aymeric Moulin, agronome et agriculteur, est le CTO, le responsable agronomique. La ferme est son exploitation familiale. Le troisième, Olivier Goulay, spécialisé dans l’innovation et l’adoption des produits, est responsable du développement, et expert des développements internationaux.

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Combien de salariés avez-vous aujourd’hui?

Nous sommes 80 personnes et avons une équipe dirigeante internationale de 5 personnes : la responsable scientifique, américaine, le directeur du marketing, belge, le responsable des alliances stratégiques, israélien, et le directeur de la filiale Brésil, brésilien.

Votre brevet est-il issu de la recherche publique?

Non, nous avons développé nos propres brevets (il y en an 4) et initialement, ce projet de recherche était issu d’une découverte d’un laboratoire scientifique de la cosmétique.

2022 a été une année faste pour vous. Vous avez levé 16 millions d’euros auprès de Sofinnova Partners et de Bpifrance. Vous avez reçu également une aide supplémentaire de 10 M€ de France Relance ? 

En fait, les 10 M€ supplémentaires se répartissaient ainsi : France Relance, 4 M€, EIC (European Innovation Concil) Grant, 2,5 M€ plus une partie en equity (investissement en capital) de 7,5 M€, Prix SADEA France 2030, 4 M€.

 

Ces montants sont-ils destinés à développer la R&D et les essais en plein champ ?

L’un ne va pas sans l’autre. Les recherches biologiques et chimiques de formulation des produits sont à un bout de la chaîne, les essais dans les champs à l’autre avec les observations agronomiques. Côté recherche, nous essayons de répondre à d’autres stress des plantes afin de lancer de futurs produits.

Vous avez des collaborations scientifiques en France avec l’INRAE ?

Oui, nous travaillons avec plusieurs des fermes expérimentales de l’INRAE : à Dijon, Bordeaux, Montpellier etc…

Votre société devrait connaître une croissance importante les prochaines années ?

C’est le début de l’histoire. Les technologies innovantes nécessitent une adoption par les agriculteurs, en vue d’un déploiement à plus grande échelle.

Notre développement dans les nouveaux pays  est très rapide et dès l’année prochaine, nous prévoyons un CA de 20 M€ dont 80 % à l’international. Cela prendra du temps, même aux Etats-Unis, où nous n’avons pas encore obtenu les autorisations réglementaires (FDA).

Propos recueillis par Thérèse Bouveret