En ouverture du 26ème congrès ECCMID (European Congress on Clinical Microbiology& Infectious Diseases) à Amsterdam du 9 au 12 avril dernier qui a rassemblé, et c’est un record, 11640 participants de 123 pays, Edith Ingeborg Schippers, Ministre de la santé des Pays-Bas depuis 2010, a annoncé qu’elle allait faire de la lutte contre l’antibiorésistance la priorité de son action lors de la présidence de l’UE. En effet, les Pays-Bas exercent cette présidence depuis le 1er janvier 2016 (en trio avec la Slovénie et Malte). L’ECCMID, présidé par le turc Murat Akova aurait dû se tenir à Istambul pour la dernière année de son mandat, avant que le slovène Mario Poljak ne lui succède.
Cependant le congrès a eu lieu à Amsterdam, un changement ayant été décidé in extremis pour des raisons de sécurité à cause à l’attentat-suicide qui a frappé Istambul le 19 mars 2016 suivi d’un autre huit jours plus tard qui fit 35 morts dans la capitale turque. Edith Schippers considère qu’à l’égal du terrorisme, par l’ampleur des victimes actuelles et potentielles, la priorité est de combattre la résistance aux antibiotiques. C’est une bombe à retardement qui peut frapper encore plus aveuglément si l’on ne prend pas des mesures radicales pour la combattre. Le problème est mondial, en raison des déplacements de populations. Les Pays-Bas promettent de profiter de leur accession à la présidence de l’UE notamment pour « améliorer l’accueil des réfugiés » et appellent à « une politique commune en matière de frontières, d’asile et de migration ». Une manière aussi d’enrayer la crise sanitaire émergente. En effet, la situation migratoire explosive qui existe aux portes de l’Europe et notamment en Grèce et en Italie par où affluent tous les Syriens ou autres migrants venus d’Afrique et du Moyen-Orient est critique sur le plan épidémiologie.
Une des deux priorités annoncées lors de l’ECCMID 2016 est d’assurer le suivi sanitaire de tous les migrants qu’ils soient voyageurs pour des raisons professionnelles ou touristiques, migrants économiques ou réfugiés, pour éviter la propagation des bactéries infectieuses ou des virus dont ils sont les vecteurs. Dans cet objectif, un accord de partenariat a été passé avec Médecins sans Frontières qui a une expérience de l’antibiorésistance dans ces zones géographiques. En effet, ces migrants peuvent être porteurs sains et transmettre les bactéries résistantes sans en être infectés eux-mêmes. L’European Center for Diseases and Control (ECDC) prépare d’ici 2017 des orientations européennes assurant la prévention et l’évaluation des maladies transmissibles parmi les migrants en UE/EEA. Hépatite B et C, HIV, parasites intestinaux, tuberculose (en recrudescence), vaccinations des enfants. Les réfugiés peuvent être porteurs ou pas de certaines maladies transmissibles en quittant leur pays où ils n’ont pas toujours bénéficié d’une bonne couverture vaccinale. Cependant, avant d’atteindre le pays où ils vont se fixer, ils en auront traversé plusieurs autres, dans des conditions de précarité extrême, une situation propice au développement du phénomène de contamination. Les camps de réfugiés constituant autant d’incubateurs potentiels. A l’arrivée, un dépistage des migrants est organisé et un accès aux soins pour un diagnostic et un traitement précoce. Des mesures sanitaires efficaces passent bien sûr par la prévention et les traitements d’urgence, mais elles exigeraient que ces réfugiés soient suivis plusieurs mois. Or, il arrive très souvent qu’on perde leur trace. La priorité N°1, en exergue de l’ECCMID 2016, est d’accélérer la R&D de nouvelles classes d’antibiotiques.