Une usine pour produire de l’essence renouvelable à partir d’isobutène. Le rêve est en voie de réalisation. Global Bionergies a produit et livré son premier lot d’essence renouvelable( iso-octane), au constructeur automobile allemand Audi. Dans la foulée, Marc Delcourt, co-fondateur de la société, annonçait le 21 mai sur le site de Pomacle près de Reims, une joint venture baptisée IBN-One avec le sucrier Cristal Union qui devient actionnaire de GBE avec 6% des parts. Bernard Chaud est nommé président d’IBN-One. La construction d’un démonstrateur industriel de 50 000 litres sur le site de Leuna en Allemagne permettra de produire dix fois plus d’iso-octane que son pilote de Pomacle-Bazancourt géré par l’ARD (Agence Régionale de Développement).
Cette biologie industrielle est une alternative à la pétrochime d’origine fossile. Pour être prêt à produire de l’essence renouvelable quand le peak oil sera finalement atteint, GBE va se déployer en vendant des licences à d’autres industriels pour créer des IBN-Two, IBN –n. Chacun construira et exploitera une usine.
IBN-One prévoit de produire 200 000 litres d’iso-octane, une essence pure à 90 %, dans quatre ans. La première usine devrait voir le jour d’ici 2018, sur le site de Pomacle ou sur celui d’Arcy, où Cristal Union est implanté. Cet accord intervient alors que la réglementation européenne 2016 prévoit de supprimer les quotas de production de sucre en Europe. Cristal Union pourra donc augmenter la production agricole de betteraves sucrières localisée en grande partie dans le quart nord-est de la France. Et sa transformation pour d’autres applications dont les biocarburants. Premier exportateur de sucre européen, la France exporte plus de la moitié de sa production principalement en Europe.
« Selon ce modèle économique, il pourrait y avoir des usines au Brésil ou même aux Etats-Unis qui représentent plus de la moitié du marché mondial de l’éthanol, soit plus de dix fois le marché européen » prévoit Bernard Chaud, qui a travaillé au Ministère de l’agriculture, à la réforme du règlement sucre et au plan biocarburants des années 2005-2006, puis chez Terreos à la réglementation des sucres et au marché du bioéthanol dans le monde. La législation européenne prévoit, dans le cadre d’une production de 10 % de biocarburants renouvelables pour les transports, des quotas de 7% de biocarburants à base d’éthanol et 0,5 % à base de biocarburants dits avancés. « Il reste donc 2,5 % dont on ne sait pas bien ce qu’ils seront. Or, Il y a une résistance au marché à utiliser plus d’éthanol » constate-t-il.
“Le procédé de GBE est totalement nouveau puisque cette molécule (l’isobutène) n’avait jamais été produite par voie biologique avant. Les inventeurs, Marc Delcourt et Philippe Malière, l’ont choisie pour trois raisons : la première parce que ce monocube isobutène ne contient pas d’oxygène, un atome qu’on cherche plutôt à éviter dans les biocarburants. Alors que l’éthanol, est composé de deux carbones et un oxygène, l’isobutène, c’est 4 carbones. Deuxièmement, c’est un gaz : il va s’échapper du milieu de fermentation, sans causer de toxicité aux microorganismes en y restant concentré, et, facilitant la séparation d’avec l’eau et d’autres impuretés présentes dans ce milieu. Enfin, La molécule a une double liaison ce qui permet de recombiner facilement deux molécules voire plus entre elles“. Quand on associe deux molécules (8 atomes carbones), ça donne de l’essence liquide, de l’iso-octane, avec une pureté de 98,8 % après purification à Leuna. Testée par Audi, cette essence renouvelable, se substitue parfaitement au carburant fossile. Les tests seront poursuivis et Audi annonce qu’il va faire rouler ses flottes avec cette essence d’ici 2020 pour offrir une alternative aux véhicules électriques.
“Nous voulons diversifer nos approches : nous allons utiliser les véhciules électriques pour de courtes distances en ville, mais pour les moyenenes-longues distances, nous choisissons d’autres options pour répondre aux besoins de tous nos consommateurs. C’est une solutions plus écologique, vu qu’en Allemagne nous produisons notre électricité au charbon“affirme le représentant d’Audi.
L’isobutène existe déjà dans la pétrochimie où il représente un marché global de 25 milliards de dollars. Brique par brique, GBE s’impose comme un industriel émergent développant des procédés de production d’isobutène pour diverses applications dans le domaine des carburants (iso-octane, esters), de la chimie verte (plastiques, caoutchouc), ou encore des peintures avec Arkema ou des cosmétiques…