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Hépatite C : une révolution thérapeutique
“Je travaille sur l’hépatite C depuis 30 ans et j’assiste enfin au succès du traitement complet du VHC. Les progrès thérapeutiques se sont accélérés jusqu’à l’éradication complète de la maladie“?, déclare le Pr Patrick Marcellin, hépatologue et directeur de l’unité de recherche INSERM sur les hépatites virales à l’Hôpital Beaujon, président de la 8ème Hepatitis Conference qu’il organise tous les ans depuis 2004.
Plus de 1300 spécialistes de 84 pays étaient réunis au Palais des Congrès à Paris, le 12 et 13 janvier 2015, pour ce congrès de très haut niveau. Son objectif : aider chaque pays à déterminer un programme de soin apte à guérir un maximum de malades, dépister, donner accès aux traitements et travailler du côté des politiques pour les aider à prendre les décisions qui s’imposent.
Alors que de nouveaux traitements qui guérissent le VHC ont été mis sur le marché en 2014, il reste de nombreux verrous à lever pour qu’ils soient accessibles au plus grand nombre (170 millions de malades dans le monde) en Asie, Afrique, Russie, Europe de l’Est. Et même en France qui est pourtant ?un pays béni? selon le Pr Marc Bourlière, chef de service hépatologie à l’Hôpital Saint Joseph à Marseille.
“?Il y a en France 230 000 patients atteints du VHC, une maladie qui est cause majeure de cirrhose, de cancer du foie et de transplantation hépatique. L’Hépatite C représente un coût très important en matière de santé publique pour la prise en charge des patients atteints. Il reste encore 100 000 malades qui ne sont pas encore dépistés et diagnostiqués. Ces sont les limites du dépistage qu’il faut renforcer”,? insiste le Pr Patrick Marcellin.
“?Il faut une collaboration entre les médecins, les patients, les politiques et l’industrie“? estime le Pr Tarik Asselah, hépatologue dans l’équipe du Pr Marcellin à l’hôpital Beaujon. Il y a une possibilité d’éradiquer la maladie et de guérir les patients qui peuvent la transmettre autour d’eux. Il faut que les citoyens soient informés que c’est une maladie silencieuse dépistée fortuitement dans les deux tiers des cas.
“?Nous avons la chance en France d’avoir accès aux meilleurs médicaments et de guérir jusqu’à 100 % des patients“? insiste le Pr Marcellin. Plusieurs nouveaux antiviraux à actions directes (AAD) contre le VHC ont été enregistrés par l’EMA (Agence Européenne du Médicament) et ont obtenu en France une Autorisation de mise sur le marché en 2014 : le Daclatasvir (Bristol-Myers Squibb), inhibiteur de la prothéase NS5A, le Simeprevir de Janssen-Cilag, inhibiteur de la deuxième génération de la protéase NS3/4A, le Sofosbuvir de Gilead Science, inhibiteur de la polymérase NS5B et enfin le Sofosbuvir+Ledipavir de Gilead.
Ces nouvelles molécules, administrées à raison d’un ou plusieurs comprimés par jour, sans association avec de l’interféron pégylé, ont permis la guérison de 80 à 100 % des malades de tous les génotypes. Trois types d’association ont été essayées en 2014. En 2015, des combinaisons de 2 ou 3 AAD le seront et le traitement de l’hépathite C chronique sera une association de 2 ou 3 antiviraux directs (Gilead, BMS, Janssen, AbbVie en mars, Merk en 2016) sans interféron pendant 12 semaines (24 semaines dans les cas difficiles), avec de la ribavirine chez les patients cirrhotiques.
En 2014, seuls 150 000 malades surtout sévères (cirrhotiques, avant ou après transplantation ou non cirrhotiques avec des symptômes sévères) ont été traités en France. La même hiérarchisation prioritaire est prévue en 2015. “Ces médicaments sont bien tolérés et efficaces. La qualité de vie des malades est transformée et, quand ils sont guéris, le virus est éliminé. Alors que durant des dizaines d’années, ils ont vécu une fatigue et une dépression caractéristiques de l’hépatite C, ils retrouvent toute leur énergie. C’est une deuxième vie” se réjouit le Pr Marcellin.
Agnès Feuardant