Vous avez réalisé, en début d’année, une levée de fonds de 15,5 millions d’euros en série A auprès de M Ventures, du Debiopharm Innovation Fund et d’Omnes Capital ? Pouvez-vous revenir sur les fondements de votre technologie et sur l’objectif de ce nouveau financement ?
Nous sommes une société d’Intelligence Artificielle (IA) dédiée à la découverte de nouveaux candidat-médicaments, à partir d’un cahier des charges, le target product profile. L’identification par les chimistes de nouvelles molécules qui soient efficaces sur leurs cibles, sûres et stables est difficile, long, complexe et cher. Notre technologie consiste à accélérer ce processus en s’appuyant sur l’IA et c’est ce que nous faisons avec nos clients, dans le cadre de collaborations de recherche ou de prestations de service. Nous avons développé deux plateformes logicielles : Makya, pour la génération de molécules-candidates, et Spaya, pour l’exploration des voies de synthèse (ou rétrosynthèse).
Cette levée de fonds va nous permettre de continuer le développement de ces deux plateformes mais aussi d’accélérer un projet stratégique important : Iktos Robotics. Ce nouvel outil sera en mesure de réaliser des réactions chimiques en parallèle et en grand nombre, avec les molécules virtuelles imaginées par l’IA, dans le cadre des projets de recherche sur lesquels nous travaillons. En automatisant l’étape de la synthèse chimique, notre plateforme permettra d’accélérer radicalement le processus itératif d’optimisation moléculaire, par la réduction des cycles de « Design Make Test « Cycle (DMT). L’objectif : aller vers une industrialisation de ce processus pour le rendre aussi rapide et efficace que possible.
Dans ce robot, allez-vous intégrer les deux précédents logiciels ?
Plusieurs composantes seront intégrées les unes aux autres dont Makya et Spaya, et une troisième composante, Ilaka, pour l’optimisation du plan de travail des robots et l’exécution automatique des instructions.
Notre objectif est de fournir à nos clients de l’industrie pharmaceutique un service complet et intégré, au-delà du conseil sur la conception des molécules. In fine, l’ambition est de prendre la responsabilité de projets de recherche, de fournir un service de drug discovery intégré et, à terme, de devenir des acteurs de la découverte de médicaments drug discovery.
L’étape de criblage des molécules peut-elle passer entièrement en mode virtuel ?
Dans le cadre de la découverte de candidats médicament de petites molécules, l’approche classique consiste à cribler des librairies de molécules connues, identifier des « hits », les optimiser et arriver à un candidat.
Avec le criblage virtuel, on crible des librairies de molécules virtuelles, ce qui permet d’agrandir la taille de l’espace chimique exploré. En fait, la technologie d’Iktos de « design virtuel » permet de concevoir des molécules nouvelles qui ne sont pas présentes dans des bibliothèques, même virtuelles, et sur lesquelles il sera possible de déposer des brevets. Bien entendu, il faut tout de même synthétiser et tester les molécules conçues par ordinateur pour vérifier si elles se comportent dans les modèles expérimentaux telles que prévu par les modèles virtuels…
Vous travaillez avec l’Université de Dundee, la start-up Galapagos, des groupes industriels tels que Pfizer, Merck, Servier et encore bien d’autres… Quel modèle de collaboration privilégiez-vous ?
Nous intervenons soit en tant que consultants sur les projets, soit comme fournisseur de logiciels pour les équipes internes. Nous avons deux modes de fonctionnement : en SaaS – sur abonnement avec accès au logiciel par internet – ou, pour certains clients, via l’installation du logiciel sur leur propre infrastructure cloud.
Vous dites que vous allez adresser non seulement les petites molécules mais également des peptides ?
Nous avons commencé à développer d’autres briques technologiques d’IA pour la conception d’autres types de molécules, notamment des peptides avec déjà des très beaux résultats. Mais la priorité reste aujourd’hui la découverte de petites molécules.
Polytechnicien, vous êtes passé par l’INRA (INA PG, aujourd’hui AgroparisTech). Pourriez-vous proposer vos services aux industriels de l’agronomie ?
Nous avons un client avec lequel nous travaillons dans ce domaine. C’est assez proche de la chimie médicinale. Il y a aussi de l’intérêt pour nos technologies dans le domaine des parfums et arômes, et avons également eu l’occasion de travailler dans domaine de la pétrochimie. Mais cela reste assez marginal : notre priorité reste le médicament.
Vous êtes trois co-fondateurs ? Quelle est l’histoire d’Iktos ?
Quentin Perron et Nicolas Do Huu sont les concepteurs de la technologie. Quentin est chimiste et a exercé dans l’industrie pharmaceutique. Nicolas est docteur en intelligence artificielle et est un expert de la data.
Ils se sont rencontrés en 2015 avec l’idée d’appliquer des modèles génératifs profonds au domaine de la chimie et d’entraîner ces modèles sur de grosses bases de données chimiques. Les modèles génératifs, maintenant, très connus grâce à Chat GPT, étaient déjà utilisés à l’époque dans le domaine du traitement du langage naturel et le traitement d’image.
Je suis le 3ème homme dans cette histoire. J’ai plus de 20 ans d’expérience dans le domaine de l’industrie pharmaceutique (Servier, Ipsen) et le secteur du diagnostic (Integragen). Ce parcours assez varié, avec une dimension scientifique et des expériences dans le business, le management et le développement commercial ont poussé Quentin et Nicolas à faire appel à moi pour les aider à monter le projet.
Quelle croissance attendez-vous pour les années à venir ?
Nous avons réalisé 2 millions d’euros de CA en 2021 et nous devrions enregistrer en 2022 entre 4 et 5 millions de revenus.
Quelles sont vos perspectives à l’international ?
Nous avons d’ores et déjà une filiale aux Etats-Unis où nous réalisons une partie importante de notre activité, première implantation. En 2023, notre priorité sera la création d’une filiale au Japon, où nous avons déjà aujourd’hui des clients importants. Le développement en Chine est envisagé dans un deuxième temps.
Cette levée de fonds va vous permettre de recruter ?
Aujourd’hui, nous sommes plus de 50 salariés, dont une dizaine à l’international (Etats-Unis, Royaume Uni, Japon). Nous prévoyons de recruter en France et à l’international d’une part pour nos projets de développement technologique (logiciel, plateforme robotique), d’autre part pour soutenir la croissance de notre activité auprès de nos clients.