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Pourquoi le dépistage de la drépanocytose est-il un enjeu de santé publique majeur ?
Marina Cavazzana : La drépanocytose est une des maladies génétiques les plus courante en France. Du fait d’un brassage des populations important, de plus en plus de bébés naissent chaque année avec cette maladie, avec 557 cas dépistés en 2020 contre 412 en 2010.
Dans ce contexte, le dépistage à la naissance, fiable à 100%, est très important car il permet de mettre en place, dès les premières semaines de vie, des mesures préventives, notamment anti-infectieuses à l’égard de complications aigues potentiellement mortelles à cet âge.
Jusqu’à maintenant quelle était la politique de dépistage pour la drépanocytose ?
MC : Dès 1985, le dépistage néonatal de cette maladie a été mis en place de façon systématique dans les départements et régions d’outre-mer, où la population est le plus à risque. Depuis 1995, il a été étendu à la France métropolitaine, mais sur des populations ciblées, jugées plus à risque comme les populations antillaises, africaines et méditerranéennes.
Que signifie pour vous cette nouvelle recommandation de la HAS ?
MC : C’est vraiment une avancée très importante pour les patients ! Avec l’ensemble des experts de cette maladie dévastatrice, nous plaidons depuis plusieurs années pour une généralisation du dépistage de la drépanocytose à l’ensemble de la population française. Ce qui est déjà le cas dans d’autres pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Unis, la Belgique, etc. En étroite collaboration avec la Fédération parisienne pour le dépistage, la prévention du handicap chez l’enfant (AFDPHE), sous l’égide de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs et des salariés (CNAMTS), nous avions publié en 2018 une étude qui démontrait toute l’intérêt de cette approche. Entre le 15 février et le 21 mai 2017, nous avions mis en place un dépistage systématique de la drépanocytose chez tous les nouveau-nés de la région Île-de-France, dans les 72 heures après l’accouchement. Au total, 48 143 bébés ont été testés, dont 65% appartenaient à la population à risque habituellement ciblée par le dépistage et 35% appartenaient à la population non-ciblée. Résultat : 61 enfants atteints d’un syndrome drépanocytaire majeur ont été dépistés dans la population ciblée ; et 5 l’ont été dans la population non-ciblée. Sans un dépistage généralisé, ces 5 enfants auraient totalement échappé aux radars et n’auraient pas eu accès aux meilleurs soins.
Comment expliquer les imperfections d’un dépistage ciblé tel qu’on le pratique aujourd’hui ?
MC : Il y a plusieurs éléments pour expliquer le manque de précision du ciblage. D’abord, la mixité de la population rend difficile l’identification des sujets à risque. Ensuite, les parents interrogés sur leurs origines géographiques ne donnent pas toujours des réponses claires et interprétables. Une étude réalisée au Royaume-Uni a montré que 20% des réponses sont absentes ou erronées. Enfin, il est difficile sur le terrain, avec la charge de travail du personnel soignant, de recueillir toutes ces informations. La dernière recommandation de la HAS est donc une vraie victoire en termes de santé publique. C’est la garantie de ne plus laisser d’enfants au bord de la route et d’apporter une prise en charge adaptée à chaque enfant.