Communiqué de presse Université d’Evry-Paris-Saclay, AP-HP, Université de Cergy-Pontoise
Rupture technologique pour le dépistage des maladies graves et leur prévention : des quantités infimes de marqueurs de pathologies jusqu’ici non détectables seront bientôt repérées dans l’organisme. La nanoprotéomique vient de naître.
Avec l’ambition à moyen terme de le rendre portable, peu coûteux, connecté et à réponse rapide, le « smart laboratoire » miniature permettra à tout moment de diagnostiquer précocement un cancer et de surveiller l’apparition d’une récidive. Cette révolution technologique conduira à l’amélioration de l’efficience du système de santé, grâce à l’augmentation de la performance des traitements et d’importantes économies de temps et de coût.
Paris, le 27 Mars 2018 – Des chercheurs français ont mis au point un prototype d’appareil de laboratoire qui permettra de mesurer dans les fluides biologiques, de très faibles quantités (une dizaine de molécules) d’un même biomarqueur d’une maladie humaine, ce qui jusqu’à aujourd’hui était impossible à réaliser avec les méthodes disponibles. Les inventeurs ont récemment publié leur découverte dans la revue scientifique Nature communications (https://www.nature.com/articles/s41467-018-03418-2.pdf) dans laquelle ils détaillent leurs travaux sur des protéines de courtes séquences (peptides). L’innovation fait l’objet d’un brevet déposé avec la société Excilone et une start-up DreamPore existe depuis quelques mois.
Cette innovation est le fruit d’une collaboration multi et interdisciplinaire entre des chercheurs académiques en biochimie, biophysique des Universités de Cergy-Pontoise et d’Evry-Paris-Saclay, en biologie médicale de l’Hôpital Lariboisière et des chercheurs de la PME Excilone basée dans les Yvelines. L’innovation a pour principe d’utiliser un nanopore (10-9 m) protéique qui, une fois intégré dans un système robotisé entre deux électrodes, permet de détecter individuellement des objets moléculaires tels que des biomarqueurs protéiques solubles dans un plasma ou une urine par exemple, et de les identifier. Les signaux électriques enregistrés par le dispositif sont spécifiques de la séquence, la taille, de chaque protéine et permet de repérer ses modifications.
Cette découverte est un changement radical de paradigme dans l’étude de l’infiniment petit en médecine, similaire à celui qu’a connu l’imagerie médicale avec l’invention du scanner et de l’IRM. Désormais il est possible d’analyser le contenu en protéines, d’objets vivants et rares tels que des cellules tumorales circulantes[1] qui jouent un rôle dans la genèse du cancer, ou certaines de leurs parties qu’elles libèrent telles que des vésicules extracellulaires[2]. Pour l’instant au stade du prototype de laboratoire, les chercheurs se dont donnés pour mission de rendre cette innovation portable, de la taille d’un crayon, afin que dans un futur proche, chaque patient ait à son domicile son « mini-laboratoire », connecté à l’hôpital et au médecin par internet. Devenue aussi banale qu’un thermomètre et d’un coût très faible, la large diffusion de cette innovation aura un impact socio-économique gigantesque. En perspective, le désengorgement des consultations hospitalières, une meilleure prise en charge du patient à son domicile et un bénéfice notable pour l’économie de santé.
« La technologie que nous avons mise au point va nous permettre de faire un bond radical en avant dans le diagnostic du cancer et surtout dans la prévention de sa récidive. Nous allons enfin pouvoir réaliser le séquençage du protéome et analyser les marqueurs protéiques présents dans les cellules tumorales circulantes rares que nous extrayons du sang des patients afin de mieux les classer et de repérer les plus agressives, celles qui vont former des métastases. Nous sommes heureux de participer à cette formidable aventure médicale et scientifique et de montrer que le décloisonnement des sciences et de la médecine est nécessaire pour mener de façon optimale notre combat permanent contre la maladie », mentionne le Pr Philippe Manivet de l’hôpital Lariboisière, Directeur de la Plateforme de Ressources Biologiques BBA-Systems (BioBanking & Analytics Systems) du groupe hospitalier Saint Louis-Lariboisière-Fernand Widal, membre du domaine d’intérêt majeur RESPORE d’Ile de France.
« La lecture de la séquence d’ADN, a conduit à l’attribution d’un prix Nobel de chimie dans les années 80 (Frederick Sanger et Walter Gilbert). Mais l’information sur l’ADN ne suffit pas à comprendre de nombreuses maladies. Notre objectif est donc d’appliquer notre innovation de rupture et preuve de concept sur les peptides à la lecture de la séquence de protéines à l’échelle de la molécule unique afin d’aider au dépistage de maladies », mentionne Juan Pelta, Pr des Universités, Laboratoire Analyse et Modélisation pour la Biologie et l’Environnement, Université d’Evry-Université Paris-Saclay, CNRS, Université de Cergy-Pontoise, CEA, Genopole, co-directeur du domaine d’intérêt majeur RESPORE d’Ile de France.
« Lors de la création de notre société Excilone (« l’excellence dans epsilon quantités de biomarqueurs ») il y 10 ans, la médecine personnalisée n’était encore qu’un jeune concept. L’ambition majeure de l’entreprise était alors de développer la micronanogénomique, des techniques d’analyse de l’ADN et de l’ARN de biomolécules à partir d’une très faible quantité de cellules, alors réalisées à partir d’une grande quantité. Le pas de géant que nous venons de franchir avec la « nanoprotéomique » n’était même pas imaginable il y a 10 ans. Dorénavant, l’analyse d’une quantité aussi faible de protéines que celle par exemple d’un facteur de transcription dans le noyau d’une cellule unique, est désormais accessible aux chercheurs », complète le PDG de la société Excilone, Mr Pierre Defrenaix.
Soutien des institutions
Nous avons reçu le soutien de la Direction Générale de l’Armement et celui du Domaine d’Intérêt Majeur RESPORE (Réseau d’Excellence en Solide POREux) d’Ile de France, de l’Agence Nationale de la Recherche.
[1]Sophie Séronie-Vivien. Annales de Biologie Clinque. 2014, 72, p153.