La convergence entre les biotechnologies, les sciences du médicament et l’IA révolutionne
toutes les dimensions du cycle de vie du médicament, à savoir sa conception, son
développement, sa production, sa distribution, sa dispensation ainsi que son suivi de
pharmacovigilance lors de son utilisation en vie réelle.
DE L’AIDE AU DIAGNOSTIC…
L’IA peut aider les médecins en brassant notamment énormément de données pour, in fine,
influencer les traitements. Dans cette optique d’aide à la décision thérapeutique, l’IA permet
d’optimiser les diagnostics, d’accélérer les décisions thérapeutiques et, au final, d’améliorer
la prise en charge des patients
• Une des applications majeures de l’IA en santé concerne l’analyse d’images médicales à l’aide
réseaux neuronaux entrainés à reconnaitre certaines anomalies, par exemple la présence de
cellules tumorales dans un tissu. A partir des données de l’institut Gustave-Roussy, la société
française Owkin a obtenu fin 2022 la certification en Europe de deux tests d’analyses médicales
par IA pour prédire respectivement le risque de rechute chez des patientes atteintes de
cancers du sein précoce, et la probabilité chez des patients ayant un cancer colorectal de
répondre à un traitement d’immunothérapie.
• A Strasbourg, au service d’imagerie de la femme de l’hôpital universitaire, l’équipe médicale
utilise quotidiennement, depuis septembre 2022, une IA en seconde lecture pour les
mammographies, ce qui a déjà permis à trois reprises d’identifier des microcalcifications,
signes potentiels de précancer, qui n’avaient pas été repérées par l’œil du praticien. Après
biopsie, l’une d’elles s’est révélée cancéreuse. L’IA, un assistant de pointe… « super
reproductible, elle ne se fatigue pas, n’a pas de mal à se réveiller et ne se laisse pas distraire ».
• Pour la première fois au niveau mondial, depuis décembre 2021, à l’institut Curie (Paris), un
algorithme basé sur une intelligence artificielle est validé cliniquement pour le diagnostic du
cancer du sein, grâce à la technologie Ibex, nommée Galen Breast, développée dans l’objectif
de réduire les erreurs et d’améliorer la qualité du diagnostic. Grâce à des méthodes
d’apprentissage profond, l’algorithme de l’IA est aujourd’hui capable d’identifier plus de 50
caractéristiques mammaires spécifiques. L’outil ainsi calibré fournit des informations qui
permettent de détecter l’avancée de différents types de cancer du sein et ainsi affiner la
précision du diagnostic. Mais Galen Breast n’a pas pour vocation de remplacer les médecins.
“Le système est surtout développé pour être un appui aux pathologistes, pour vérifier qu’ils n’aient pas manqué quelque chose, ainsi que pour automatiser le traitement de certains examens chronophages et fastidieux »
• Un algorithme d’IA couplé à des analyses biologiques de tumeurs permet d’identifier l’organe
responsable d’un cancer métastasé d’origine inconnue et d’adapter en connaissance le
traitement. Environ 70 personnes en France ont pu bénéficier de cette approche.
• Après un AVC ischémique, l’IA permet d’évaluer le volume de cerveau potentiellement
sauvable à l’IRM. Au Royaume Uni, une approche algorithmique similaire appliquée à 111 000
patients a permis de tripler (48 % contre 16 %) la part des personnes « récupérant sans
handicap ou avec un handicap minime » après un AVC, ce qui peut notamment aider à
diminuer l’inégalité des soins sur un territoire.
• L’Institut régional du cancer de Montpellier (ICM) propose depuis fin 2020, un logiciel d’IA qui
recalcule, dans le cas d’une radiothérapie guidée par scanner, le protocole à suivre en fonction
de l’évolution de la tumeur. Cet algorithme permet, en cours de traitement, de réduire la zone
irradiée et de protéger les tissus sains si la tumeur a diminué. L’IA n’est pas seulement une
aide au diagnostic, c’est aussi une aide à la thérapeutique sur une autre machine : une
radiothérapie guidée par l’IRM permet de cibler des tumeurs du foie ou du pancréas, organes
dont on établit les contours pour ainsi mieux les suivre.
… au MEDICAMENT « INTELLIGENT »
L’industrie pharmaceutique fait confiance à l’intelligence artificielle (IA) pour :
• Réduire la charge de travail,
• Raccourcir les délais,
• Identifier des possibilités de reconversion des médicaments,
• Augmenter la productivité du secteur
• Améliorer le succès des essais cliniques.
À l’heure actuelle, en effet, il faut compter en moyenne une douzaine d’années et 2,6 milliards de
dollars pour qu’un médicament soit mis sur leur marché. En outre, plus de 93% des candidats-médicaments issus de la découverte classique en laboratoire étaient destinés à être abandonnés à la suite de résultats décevants au cours des études cliniques chez l’Homme, en raison d’une efficacité
thérapeutique insuffisante ou d’effets indésirables non acceptables.
Développer de nouveaux médicaments est de moins en moins rentable pour l’industrie pharmaceutique
En 2022, les vingt plus grandes entreprises pharmaceutiques du monde ont dépensé 130 milliards de francs en recherche et
développement. Cette somme a reculé de 2% par rapport à 2021. Le retour sur investissement a
également chuté : de 7% à 1,2% en un an, le résultat le plus faible depuis 2010 dû à l’augmentation
des coûts pour lancer un médicament et à la diminution des revenus générés.
R&D pharmaceutique : un nouveau contexte
• Les maladies faciles à guérir ont déjà leurs traitements, et ont laissé la place aux cancers,
maladies génétiques et autres pathologies complexes dont l’étude et la recherche de
traitement requièrent des connaissances très poussées et mobilisent des ressources
colossales.
• Les progrès scientifiques et techniques des années 80 et 90 ont permis l’industrialisation de
certaines étapes de recherche, gonflant artificiellement le nombre de prospects en
augmentant la capacité des étapes de sélection sans pour autant en augmenter la qualité.
Ainsi, davantage de molécules se sont retrouvées plus avancées dans la chaîne de valeur – en
ayant consommé des ressources pour y arriver – sans pour autant être de meilleures cibles.
• En somme, beaucoup d’argent est dépensé dans de mauvaises molécules du fait de mauvais
choix dans la sélection de la cible thérapeutique et du candidat-médicament
R&D pharmaceutique : un nouveau défi
Alors que le processus de développement d’un médicament se fait encore de façon assez intuitive. Pour
une cible thérapeutique précise, un chercheur teste une panoplie de molécules, souvent de façon assez
aléatoire, et répète les expériences jusqu’à ce qu’il en trouve une qui est active pour la cible d’intérêt,
tout cela d’une manière très itérative, l’IA permet d’identifier une molécule qui maximise un grand
nombre de critères, de natures très diverses et qui seront testés de façon échelonnée dans le temps.
L’Intelligence Artificielle (IA) permet de bâtir des modèles holistiques de conception de nouveaux
médicaments où ces problématiques sont abordées simultanément et d’emblée dans toute leur
complexité. L’application de ce principe permet une exploration plus simple, plus rapide et plus
exhaustive de l’espace chimique (estimé à 1060 molécules potentiellement utilisables comme
médicament), et in fine, la génération de molécules virtuelles jusqu’alors inaccessibles même via les
plus grandes bases de données (contenant de l’ordre de 106 molécules).
L’IA et les centres de données ouvrent un nouveau chapitre dans la recherche médicale, en
permettant des simulations moléculaires des candidats médicaments, révélant des mécanismes
difficiles à observer expérimentalement. Ainsi, les simulations informatiques et l’IA sont utilisées pour
augmenter et étendre les expériences des ensembles de données contenant des informations sur la
dynamique moléculaire
Relay Therapeutics, par exemple, fait progresser un pipeline de candidats thérapeutiques prometteurs
conçus pour résoudre des problèmes qui étaient auparavant insolubles ou insuffisamment résolus avec
la découverte de médicaments traditionnels. À ce jour, plusieurs candidats médicaments prometteurs
ont été générés en oncologie de précision et pour le traitement de maladies génétiques.
Aqemia, start-up issue de l’École nationale supérieure-PSL, créée en 2019, développe de son côté une
plateforme de découverte de médicaments grâce à la physique statistique inspirée du quantique. Son
fondateur, le chercheur Maximilien Levesque explique : « On invente des molécules qui vont se coller sur une cible biologique spécifique responsable d’une maladie. L’intelligence artificielle est nourrie par la physique : on a juste besoin de connaître la nature physique de la molécule et de la cible pour calculer leur affinité »
La puissance de calcul est désormais facilement disponible et repose sur des accélérateurs qui rendent
les calculs de physique faisables et économiquement viables. Le calcul par GPU piloté par l’IA devrait
permettre d’atteindre une accélération de 1 000 fois par rapport aux microprocesseurs traditionnels
en 2025. Une telle puissance de calcul permet de sélectionner des milliards de candidats et des
simulations basées sur la physique pour concevoir les médicaments candidats les plus prometteurs.
Un des domaines qui a bénéficié de l’utilisation de l’IA est celui de la microscopie, plus précisément la
cryo-microscopie. La cryo-microscopie électronique a révolutionné la biochimie au début des années
80 en permettant l’imagerie de biomolécules à l’intérieur de cellules finement tranchées. L’utilisation
de l’IA (démontrée par des équipes du MIT et de l’UCSF) permet la reconstruction tridimensionnelle
des molécules et de leur mouvement.
La découverte de médicaments commence par le criblage de milliards de composés ; l’IA optimise la
recherche et aide à craquer la structure moléculaire. Le supercalculateur du Oak Ridge National
Laboratory a permis de cribler 2 milliards de molécules en 1 jour, au lieu de 3 mois auparavant.
Gain de temps… d’argent pour la recherche et l’industrie … et de promesses pour le patient
Grâce aux plates-formes d’IA les molécules peuvent être optimisées avant synthèse. Cela permet aux
développeurs d’explorer beaucoup plus de candidats potentiels, d’éviter les pertes de temps et
d’argent et fournir un médicament de meilleure qualité. Les simulations de l’interaction entre les
candidats sélectionnés et leur cible permettent de sélectionner des molécules aux propriétés
supérieures et d’obtenir de meilleurs résultats cliniques.
Plus de 40% des start-up actives dans la recherche de médicaments utilisent l’intelligence artificielle
pour passer au crible les référentiels chimiques. Disposer d’algorithmes IA capables d’aider les
chercheurs à trouver rapidement les séquences génétiques les moins coûteuses pourrait donc
permettre de diminuer le temps de recherche et de développement des médicaments et ainsi que de
rentabiliser davantage le processus. Les laboratoires planchent aussi sur des modèles capables de
générer de toutes nouvelles protéines qui pourraient être intégrées à des médicaments plus efficaces.
QUELQUES EXEMPLES
Dès juin 2015, à l’ASCO, Berg, société biopharmaceutique engagée dans la découverte de solutions
de santé fondées sur une approche de recherche biologique basée sur les données présente des
données de l’essai du BPM 31510 sur les tumeurs solides qui dévoilent des traitements prometteurs
basés sur le métabolisme Le BPM 31510 est l’un des premiers médicaments contre le cancer guidé
par le développement de l’intelligence artificielle. Il agit en reprogrammant le métabolisme des
cellules cancéreuses, c’est-à-dire en leur réapprenant à subir la mort cellulaire. « En utilisant la plateforme Interrogative Biology™, nous nous attelons à un paradigme de développement de nouveaux médicaments dans lequel les patients peuvent recevoir des traitements correspondant à leur maladie plutôt que d’être traités par l’approche actuelle non personnalisée. »
Janvier 2022 : BioNTech s’offre la start-up d’IA d’aide à la décision InstaDeep pour développer des
immunothérapies dans le traitement de cancers et de maladies infectieuses, en se dotant d’une
capacité entièrement intégrée dédiée à la découverte, la conception et le développement à grande
échelle d’immunothérapies de nouvelle génération grâce à des technologies d’intelligence artificielle
et d’apprentissage automatique. Depuis 2019, les deux entreprises ont développé ensemble des
applications visant à améliorer la sélection des néo-antigènes, à optimiser des séquences d’ARNm dans
les immunothérapies anticancéreuses, et un système d’alerte précoce qui surveille et détecte les
variants à haut risque du Sars-CoV-2.
Une première molécule mise au point grâce à l’intelligence artificielle a été testée sur des humains
au Japon pour permettre de traiter les Troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Développée par
Sumitomo Dainippon Pharma en collaboration avec Exscientia, cette IA a permis d’accélérer le
processus de découverte pour le réduire de 5 ans à 12 mois. « Si l’IA était utilisée pour diagnostiquer des patients et analyser des données et des scanners, il s’agit de la première utilisation directe de l’IA dans la création d’un nouveau médicament » Exscientia.
Un important laboratoire pharmaceutique menait depuis 20 ans un projet de recherche dans le
domaine cardio-vasculaire, sans succès… Il aura suffi de quelques jours à l’IA pour valoriser 20 années
de recherche jusqu’alors infructueuses. Créée en 2016, la société française Iktos a développé une
technologie d’IA capable de générer des molécules à partir du cahier des charges d’une molécule
imaginaire idéale, pour identifier les molécules synthétisables en « construisant» des molécules
virtuelles situées n’importe où dans l’espace chimique et, entraîné sur une base de données du client
qui contient des molécules (déjà synthétisées et testées, en prédisant les propriétés physico-chimiques
d’une molécule seulement à partir de sa structure chimique
Il a fallu 46 jours à l’entreprise Insilico Medecine et à GENTLR, son intelligence artificielle, pour
élaborer un médicament contre la fibrose rénale.
En alliant vision par ordinateur et intelligence artificielle (IA), des chimistes du LIT (CNRS/Université de
Strasbourg) ont réussi à concevoir des nouvelles molécules-médicaments spécialement adaptées à
leur cible en assimilant celles-ci à de simples images tridimensionnelles idéalisées. Des inhibiteurs
puissants d’une protéine d’intérêt pharmaceutique impliquée dans la maladie orpheline de Blackfan-Diamond ont pu être conçus par ordinateur puis synthétisés et testés avec un minimum de ressources
en un temps record.
Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) sont parvenus à utiliser un modèle
de machine learning pour identifier une molécule capable de contrer un des pathogènes les plus
redoutables : la bactérie gastro-intestinale Clostridium difficile (C. diff). La molécule baptisée
l’Halicine, testée sur une souris, s’est révélée efficace avec une structure très différente des
antibiotiques existants. Elle a été trouvée dans une base de données où elle était initialement
identifiée comme un traitement possible pour le diabète. Les auteurs espèrent que leur modèle
permettra de renforcer tout l’arsenal antibiotique, alors que la résistance aux antibiotiques est un sujet
d’inquiétude mondiale des autorités sanitaires. L’Organisation de Coopération et de Développement
Économiques (OCDE) a estimé récemment que les bactéries résistantes pourraient tuer 2,4 millions de
personnes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’ici 2050. Stokes JM, et al. ”A Deep Learning
Approach to Antibiotic Discovery” Cell. 2020. PMID: 32084340
L’IA accélère le processus de compilation des données sur la séquence du génome et d’apprentissage
à partir de celles-ci, permettant un meilleur ciblage des maladies et donc un traitement personnalisé
d’un individu. Elle identifie les marqueurs génétiques à partir d’un génome séquencé, identifie les
variantes (c’est-à-dire où les génomes diffèrent) et calcule les implications structurelles (forme de la
molécule).
Plus de 4 000 gènes ont déjà fait l’objet de preuves expérimentales les reliant à des maladies humaines
ne disposent pas de données structurelles suffisantes pour la conception de médicaments traditionnels
– une augmentation potentielle de 4 fois des médicaments approuvés par la FDA existant aujourd’hui.
L’IRICoR, un centre pancanadien de découverte de médicaments et de commercialisation de la
recherche, l’Université de Montréal, l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC)
de l’Université de Montréal et Valence Discovery, un chef de file émergent dans la conception de
médicaments par l’intelligence artificielle, ont annoncé une collaboration axée sur la mise au point
de médicaments candidats pour le traitement de la dyskinésie causée par la lévodopa dans la
maladie de Parkinson.
L’équipe de recherche aura recours à la plateforme d’apprentissage automatique de Valence Discovery
pour l’apprentissage en peu de coups, la chimie générative et l’optimisation multiparamétrique afin
de relever les défis cruciaux de l’optimisation des composés actifs pour la mise au point de nouveaux
médicaments hautement sélectifs contre la cible Nur77/RXR, présentant une nouvelle approche
pharmacologique pour gérer les limites des traitements actuels.
Valence Discovery a été fondée en 2018 et est conseillée par un des pionniers de l’apprentissage
profond Yoshua Bengio, professeur au Département d’informatique et de recherche opérationnelle de
l’UdeM et directeur de Mila, l’Institut québécois d’intelligence artificielle.
Repositionner les médicaments anciens
BenevolentAI a notamment mis au jour, durant la pandémie, le rôle que peut jouer dans le traitement
des malades du Covid-19 une molécule, baricitinib, utilisée initialement contre la polyarthrite
rhumatoïde.
À Londres, BenevolentAI possède une plateforme d’IA basée sur le cloud qui analyse les données des
rapports de recherche, des brevets, des dossiers des patients et des essais cliniques. La base de
données comporte plus d’un milliard de relations prouvées ou déduites entre les gènes, les
symptômes, les maladies, les protéines, les tissus, les espèces et les médicaments. Utilisée comme un
moteur de recherche, elle permet de générer des graphiques des états médicaux, des gènes associés
et des composés efficaces.
“L’intelligence artificielle peut mettre toutes ces données en contexte et faire apparaître les informations les plus importantes pour les scientifiques travaillant dans la mise au point de médicaments”
Lorsqu’il a été demandé à BenevolentAI de suggérer des traitements pour la sclérose
latérale amyotrophique (SLA), ils ont identifié une centaine de composés existants potentiellement
intéressants. Les scientifiques en ont choisi cinq, qu’ils ont analysés au Sheffield Institue of
Translational Neuroscience, au Royaume-Uni. En décembre 2017, il a été annoncé que quatre des
candidats médicaments étaient prometteurs, et même que l’un d’entre eux retarderait les
symptômes neurologiques chez des souris.
L’ONG Drugs for Neglected Diseases Initiative, qui cherche des remèdes pour des maladies négligées,
a lancé en avril un partenariat avec BenevolentAI pour trouver un traitement contre la dengue.
IA et épigénétique ? …
Un programme d’intelligence artificielle (IA) pourrait permettre la première production simple de
protéines personnalisables appelées doigts de zinc pour traiter des maladies telles que la fibrose
kystique, la maladie de Tay-Sachs et la drépanocytose sont causées par des erreurs dans l’ordre des
lettres d’ADN qui codent les instructions de fonctionnement de chaque cellule humaine. en activant
et désactivant des gènes. La nouvelle technologie, appelée ZFDesign, est basé sur des données
générées par le criblage de près de 50 milliards d’interactions possibles doigt de zinc-ADN dans les
laboratoires des chercheurs. Le Dr Noyes, professeur adjoint au Département de biochimie et de
pharmacologie moléculaire de NYU Langone, prévient toutefois que, bien que prometteurs, les doigts
de zinc peuvent être difficiles à contrôler. Puisqu’elles ne sont pas toujours spécifiques à un seul gène,
certaines combinaisons peuvent affecter les séquences d’ADN au-delà d’une cible particulière,
entraînant des modifications involontaires du code génétique. En conséquence, le Dr Noyes l’équipe
prévoit ensuite d’affiner son programme d’IA afin de pouvoir créer des groupements de doigts de zinc
plus précis qui ne déclenchent que la modification souhaitée…
Optimiser la conception des essais cliniques
La variabilité génétique des patients et des maladies rend difficile l’optimisation de la composition du
groupe de patients dans les futurs essais cliniques. Une mauvaise conception de l’essai pourrait
conduire à des résultats non significatifs sur le plan statistique. L’IA peut prédire les réponses des
patients en fonction de leur profil génétique et aider à stratifier dans le groupe des répondeurs et des
non-répondeurs avant de participer aux essais cliniques. Les approches du traitement du langage
mettent en corrélation diverses bases de données, depuis les données de séquençage jusqu’à la
littérature médicale et aux données du monde réel. L’objectif est de sélectionner les profils
moléculaires des patients qui pourraient le mieux répondre aux médicaments candidats en étudiant
toutes les données disponibles de façon à créer un environnement d’accès unifié aux cohortes pour
accélérer la sélection des patients selon des critères plus précis et tester plus facilement des
hypothèses médicales.
La plateforme d’IA de Lantern Pharma utilise l’apprentissage automatique pour construire une carte
de plus d’un milliard de données pour sélectionner les 500 principaux gènes qui contribuent à la réponse
aux médicaments (cancer) 12 fois plus de succès
L’utilisation de l’IA transforme aujourd’hui le processus de mise au point de médicaments en guidant
les choix stratégiques, augmentant ainsi considérablement les chances de succès. L’intelligence
artificielle a aujourd’hui prouvé sa capacité à prédire :
• les paramètres pharmacocinétiques d’un médicament,
• ses récepteurs cibles, ses propriétés physicochimiques,
• sa solubilité,
• son affinité de liaison,
• sa bioactivité,
• sa toxicité
• et d’autres paramètres jouant sur son efficacité.
Les futurs professionnels de santé devront avoir une bonne compréhension des sciences
computationnelles, des sciences des données à des modalités de l’IA et l’apprentissage automatique,
ainsi que des méthodes de simulation par ordinateur. Le premier enseignement ouvert aux étudiants
et aux professionnels de santé dédié à l’utilisation de l’intelligence artificielle en synergie avec les
sciences du médicament à été créé en 2022 dans le cadre de l’Université Paris-Saclay.
MEDECINE PERSONNALISEE
En matière de prévention : les analyses menées sur les données multidimensionnelles récoltées à long
terme sur de larges cohortes de population permettront d’identifier des facteurs de risque pour
certaines maladies comme le cancer, le diabète ou les maladies neurodégénératives.
Elles permettront aussi de caractériser plus rapidement les maladies rares, grâce à une analyse plus
rapide et plus efficace des images (scanners, échographies) et de construire des systèmes performants
d’aide au diagnostic.
En matière de prise en charge : l’intelligence artificielle participera à la personnalisation des
traitements, en particulier dans le cas de certains cancers, de mieux en mieux caractérisés en fonction
de données génétiques, car l’enjeu est d’établir des choix thérapeutiques de plus en plus
individualisés.
Dans le diabète et en cancérologie, des dispositifs « point of care » [« au plus près des patients »],
installés sur les smartphones et rendus intelligents grâce au machine learning, accompagnent les
patients dans le suivi de leur pathologie et de leur thérapie, tout en gardant les professionnels de santé
« dans la boucle ». En impliquant les patients, ces outils changent la donne partout où l’adhésion au
traitement est un facteur-clé de réussite thérapeutique, chez les jeunes et les personnes âgées en
particulier. Capables de collecter et de traiter des données liées au quotidien des patients, d’identifier
des marqueurs biologiques individuels et des mesures de qualité de vie, ces outils remettent aussi le
patient en première ligne dans le design même des solutions destinées au suivi de leurs maladies.
L’agence américaine FDA a autorisé en 2017 la mise sur le marché aux USA du premier comprimé
« intelligent » capable d’indiquer si un patient a bien ingéré son comprimé.
Cette première pilule intelligence fondée sur la technologie Helios de la société américaine Proteus et
développé par la société japonaise Otsuka contient un capteur de la taille d’un grain de sel, libéré
lorsque la pilule est dissoute dans l’estomac du patient. Le capteur est détecté par un patch collé sur
l’abdomen du patient, permettant ainsi via une application de smartphone de confirmer au patient,
mais aussi à son médecin que le traitement a été correctement pris. Ce système de traçabilité très utile
pour confirmer l’observance a été accordé pour un traitement contre la schizophrénie, la manie aigue
et les troubles bipolaires. Il s’agit de l’aripiprazole, commercialisé sous le nom Abilify MyCite.
matière de pharmacovigilance et d’efficience pharmacologique : l’accroissement de l’assise
d’analyse des données, issues de cohortes, de bases médico-économiques et de données en vie réelle
sur le long terme, autorisera des réactions rapides en cas de réaction indésirable aux médicaments,
jusqu’à permettre des réflexions sur de nouveaux modèles économiques et sociétaux de parcours du
soin, rémunérés à l’efficacité.
En avril 2021, l’ANSM a lancé une application basée sur l’IA pour analyser et catégoriser des volumes
importants de déclaration d’effets indésirables non graves afin de suivre la sécurité des médicaments
et des vaccins contre la COVID-19.
La technologie « Medication Shield », basée sur l’intelligence artificielle (IA) de la start-up
bordelaise Synapse Medicine a permis de gérer les déclarations des effets indésirables lors de la
campagne de vaccination Covid-19
La chaîne du médicament au défi de la digitalisation
La crise sanitaire a mis en exergue la forte interdépendance des acteurs et la relative opacité de la
chaîne du médicament. Elle a par ailleurs révélé le besoin de rendre agile et réactif le processus
d’acheminement des composants des médicaments à l’échelle mondiale et nationale.
La digitalisation de la production et de la supply chain pharmaceutiques s’impose du fait de :
• Une circulation plus fluide de l’information entre les acteurs, permettant une plus grande
réactivité en cas d’aléas,
• Un suivi de l’acheminement des produits pharmaceutiques plus efficient permettant
d’anticiper les ruptures ainsi que d’identifier les imprévus et les détournements.
• Un besoin d’efficacité et de suivi de la chaîne du médicament rendu nécessaires par le niveau
élevé de réglementation.
Le coût de développement des nouvelles molécules et la complexité du processus de contrôle par les
autorités réglementaires poussent les acteurs à acquérir des solutions digitales de machine learning.
Vaincre les douleurs chroniques : électricité et intelligence artificielle
Remplacer les médicaments par un appareil électrique portatif ? Ce sera bientôt possible pour
soulager les douleurs chroniques dues entre autres aux inflammations, arthrites, blessures du
sport etc., accélérer la guérison et réduire l’inflammation.
Healables est une start-up basée à Jérusalem qui a conçu des appareils qui se logent dans un
manchon élastique, que l’on enfile comme un vêtement, et qui se contrôle via une application
sur son smartphone. Selon la douleur, le patient attache le dispositif à son genou, sa cheville
ou son épaule entre 30 et 60 minutes par jour.
Électrothérapie
L’utilisation de l’électricité est déjà bien connue et mise en œuvre pour traiter les douleurs
chroniques.
La véritable avancée de Healables consiste d’une part à intégrer la technologie dans des
vêtements (genouillère, manchette, chaussette, bonnet, textile d’épaule etc.) très facile à
mettre seul et que le patient peut utiliser tout en vaquant à ses occupations.
D’autre part, le système est intelligent : le courant électrique délivré est de très faible niveau
(bien plus faible que dans l’électrothérapie traditionnelle de TENS), et les vêtements intégrant
le système sont munis de capteurs qui transmettent des informations par Bluetooth au
smartphone du patient. Les données sont ainsi analysées par l’intelligence artificielle et les
impulsions électriques sont en retour modulées et adaptées au patient.
« Tout le monde peut l’utiliser, des athlètes de haut niveau aux personnes de plus de 80 ans, en raison de sa simplicité et de sa fonctionnalité »
Il suffit d’enfiler le vêtement connecté et de démarrer l’application sur son smartphone.
Le dispositif fait actuellement l’objet d’essais cliniques et pourrait se voir attribuer cette année
la certification médicale de la FDA aux États-Unis. Il fait l’objet d’essais sur des patients
souffrant d’arthrose du genou au Centre médical à Holon, près de Tel-Aviv, et sur des patients
souffrant de neuropathie diabétique au Derby Teaching Hospitals NHS Foundation Trust, au
Royaume-Uni.
« Ce que nous aimerions montrer avec nos essais cliniques, c’est que nos produits soient en mesure de supplanter les médicaments »
LA NOUVELLE INTELLIGENCE DU MEDICAMENT
Philippe MOINGEON, Coordinateur du Groupe de veille « Intelligence artificielle et sciences du médicament » de l’Académie nationale de Pharmacie
Docteur en Immunologie (Université Paris XI), titulaire d’un MBA en
management des technologies (Open University, Newcastle, UK). Il a été
chercheur et Professeur à la Harvard Medical School (Boston, USA) ; il
est actuellement Directeur de Recherche dans l’industrie pharmaceutique,
spécialisé dans l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) en vue du
développement de nouveaux médicaments contre les maladies du système
immunitaire. Membre de l’Académie nationale de Pharmacie, où il
coordonne le groupe de travail qu’il a créé sur le thème « Intelligence
artificielle et sciences pharmaceutiques ».
L’Intelligence Artificielle (IA) recouvre les technologies qui reproduisent par la machine quatre
dimensions de l’intelligence humaine, à savoir la perception, l’analyse, l’action et l’apprentissage. Les
progrès technologiques combinés dans ces domaines permettent de générer et analyser des données
massives pour modéliser la réalité d’un phénomène. Ces modèles sont ensuite réactualisés par
l’accumulation de nouvelles données afin d’aider à la prise de décision et prédire le futur.
Une révolution sans précédent est en cours dans l’univers du médicament, soutenue par la
convergence entre les biotechnologies et les sciences pharmaceutiques d’une part, et l’Intelligence
Artificielle (IA) et les technologies numériques d’autre part. Cette synergie a été très concrètement
illustrée par le développement en un temps record de médicaments et vaccins remarquablement
efficaces contre la COVID-19.
L’IA transforme radicalement la conception et le développement des médicaments. Elle permet
d’établir des modèles de maladies à partir de données de profilage moléculaire de patients fournies
par les technologies du vivant. Par sa puissance de calcul, l’IA intègre ces données multimodales
massives dans un modèle permettant (i) de rendre compte de l’hétérogénéité des maladies et (ii)
d’identifier des cibles thérapeutiques importantes dans la causalité des maladies. A partir de ces
connaissances, l’IA permet d’identifier par ordinateur des molécules thérapeutiques interagissant
avec ces cibles, optimiser ces molécules ou repositionner des molécules anciennes dans de nouvelles
indications. Cette validation du choix des cibles thérapeutiques et des molécules médicamenteuses le
plus en amont possible constitue aujourd’hui un enjeu important pour l’industrie pharmaceutique afin
de réduire les coûts et les taux d’attrition. Pour rappel : seulement 6,2 % des candidats médicaments
qui rentrent aujourd’hui en développement seront in fine mis à la disposition des patients, et l’IA devrait
permettre d’augmenter considérablement la probabilité de succès dans l’innovation médicamenteuse.
L’IA donne aujourd’hui naissance à une médecine computationnelle de précision applicable à toutes
les maladies chroniques, permettant d’offrir des traitements remarquablement ciblés prenant en
compte les spécificités du patient quant à sa physiologie, sa maladie, sa relation à l’environnement.
Des médicaments sont aujourd’hui conçus par ordinateur en prédisant parmi des millions de
molécules virtuelles celles qui seront les plus efficaces pour traiter un patient en fonction de ses
caractéristiques biologiques. Avant même que les chimistes ne synthétisent ces candidats-médicaments pour les tester chez des patients en chair et en os, leur efficacité et leur innocuité commencent aujourd’hui à être évaluées sur des patients virtuels et des jumeaux numériques. Dans
les 20 ans qui viennent, une médecine computationnelle de précision intègrera par l’IA des données
issues du profilage moléculaire extensif de chaque patient avec les caractéristiques prédites par
ordinateur d’une infinité de candidats-médicaments. L’efficacité et l’innocuité de ces médicaments
virtuels sera évaluée sur des patients également virtuels et des jumeaux numériques. Le résultat en
sera une vague sans précédent de médicaments innovants, plus efficaces et plus sûrs contre un
nombre croissant de maladies.
L’IA a déjà un impact concret sur la découverte de nouveaux médicaments avec plusieurs
médicaments conçus entrant en évaluation clinique chez l’homme en 1 à 2 ans (à comparer aux 5 à
7 ans traditionnellement nécessaires auparavant). Outre cette accélération considérable dans la
conception, le développement, l’évaluation de nouveaux médicaments, l’IA est également appliquée
à l’amélioration de la production et la dispensation de médicaments à travers la transformation
numérique de l’industrie de santé (industrie 4.0) et de l’hôpital (hôpital du futur).
L’innovation désormais accélérée par l’IA permet l’émergence de « médicaments intelligents ». Ce
qualificatif reflète tout particulièrement le fort rationnel scientifique sous-tendant désormais le choix
de la cible thérapeutique, de la molécule médicamenteuse et des patients pouvant en bénéficier,
aboutissant ainsi à des médicaments parfaitement ciblés aux caractéristiques des patients, quelles que
soient leurs maladies. Certains de ces médicaments sont associés à des dispositifs numériques aidant
les médecins dans leur prescription ou rappelant aux patients de bien prendre leur comprimé. Cette
nouvelle intelligence vient également de la contribution de nouveaux acteurs à l’innovation
médicamenteuse, parmi lesquels les spécialistes en sciences des données, en sciences
computationnelles, les patients eux-mêmes ainsi que les experts réglementaires. Le médicament
intelligent comprend désormais la molécule pharmacologique présentée sous de nouvelles
modalités thérapeutiques toujours plus ciblées, couplée à des dispositifs médicaux et des
algorithmes d’aide à la décision permettant de générer et interpréter des données massives pour
offrir un traitement parfaitement adapté aux spécificités du patient.
De nouvelles frontières permises par cette convergence des technologies concernent les modalités
thérapeutiques de rupture, le patient du futur, la transformation des corps et l’augmentation de la
cognition, ainsi que la perspective de premiers médicaments efficaces contre le vieillissement. Pour
accompagner cette révolution, il est nécessaire de développer de nouvelles compétences en formant
les professionnels de santé à ces nouvelles technologies, mais aussi de mener la réflexion éthique qui
devra présider aux futurs interfaces entre les experts humains et les machines intelligentes, ainsi qu’à
l’utilisation des données personnelles de santé.
« MÉTHODES D’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE POUR L’ANALYSE INTÉGRÉE DE DONNÉES MOLÉCULAIRES »
Anaïs BAUDOT, Directrice de recherche CNRS, Marseille Medical Genetics Institute, Aix Marseille Université, INSERM
Les avancées technologiques et l’accumulation d’ensembles de données
biomédicales offrent des opportunités sans précédent pour mieux
comprendre les maladies humaines. Cependant, la traduction de données
massives et hétérogènes en connaissances nécessite des outils d’exploration
et d’intégration appropriés. L’exposé portera sur différentes stratégies de calcul pour l’intégration de
données omiques hétérogènes. Je décrirai d’abord les réseaux multicouches qui intègrent différentes
sources d’interactions biomédicales, ainsi que les algorithmes d’exploration de réseau associés. Je
mentionnerai ensuite la réduction conjointe de la dimensionnalité pour extraire simultanément des
connaissances biologiques à partir de plusieurs sources omiques. Côté application, je discuterai de
l’application de ces différents algorithmes dans le cadre de l’analyse des maladies génétiques rares,
qui soulèvent divers défis : de nombreux patients ne sont pas diagnostiqués, les phénotypes peuvent
être très hétérogènes, et seuls quelques traitements existent.
« CONCEPTION ET OPTIMISATION DES CANDIDATS MÉDICAMENTS PAR INTELLIGENCE ARTIFICIELLE »
Quentin PERRON, Directeur scientifique, IKTOS
La recherche de nouvelles molécules thérapeutiques est un exercice
complexe, car on estime à ce jour, à environ 1060 le nombre possible de
molécules imaginables. Le chimiste médicinal est donc à la recherche
d’une aiguille dans une boite de foin quasi infinie. Heureusement, des
technologies récentes d’intelligence artificielle (IA) ont réussi à
démontrer leur capacité hors norme à résoudre des problèmes très
complexes. On peut noter la reconnaissance ou la génération d’images, de textes ou de voix, ou
encore l’exploration d’espaces de solutions complexes tels que ceux que l’on peut rencontrer dans le
jeu d’échecs ou le jeu de GO par exemple. C’est donc en faisant appel à ces nouveaux algorithmes
d’IA qu’Iktos, a depuis 2016, développé trois technologies majeures pour le design automatique de
nouveaux candidats médicaments : Makya pour le design de novo de molécules, Spaya pour la
retrosynthèse ainsi que DockAI pour l’estimation de l’activité biologique, des technologies qui
s’articulent afin de permettre aux chimistes, l’accélération de la découverte de nouvelles molécules
thérapeutiques innovantes.
La durée du processus de développement d’un médicament s’explique par le nombre d’étapes
successives que les chercheurs doivent réaliser. Il y a notamment l’identification et la validation de la
cible thérapeutique (souvent une protéine). Mais aussi le criblage de composés, qui est la phase de
présélection des molécules qui présentent des activités prometteuses sur la cible lors des multiples
essais systématiques. Ou encore le développement préclinique et clinique du futur médicament.
Dans le processus de conception de médicament ou plus communément dénommé « drug design »,
l’IA permet alors d’aider à prédire la structure moléculaire de la protéine visée ainsi que l’interaction
entre le médicament candidat et la protéine. De plus, dans le cas du « drug screening » qui est le
processus par lequel les médicaments potentiels sont identifiés puis optimisés pour des essais
cliniques, l’IA est employée afin de prédire le niveau de toxicité, la bio activité et les propriétés
chimique du médicament candidat.
L’intérêt de l’IA s’estréellement démontré lors de la propagation rapide du Covid-19. Celle-ci a forcé
le monde médical à mettre au point en urgence, un médicament efficace contre cette nouvelle
menace. Face à un virusinconnu, plusieurs équipes ont employé destechniques de Machine Learning
ou de Deep Learning pour identifier rapidement de nouveaux médicaments candidats. L’entreprise
Iktos s’est associée avec l’institut SRI International pour découvrir de nouveaux composés contre
plusieurs virus, dont le SARS-CoV-2. Ainsi, l’entreprise a mis au point des « modèles génératifs » (à
base de Deep Learning) associée à la plateforme de chimie synthétique du SRI. D’un côté leurs
solutions d’IA aident à déterminer une structure chimique candidate pour une avoir une activité
biologique précise. Et de l’autre la plateforme du SRI synthétise automatiquement cette structure
moléculaire (en suivant des schémas de synthèses optimisés par ailleurs par une autre IA.
« APPLICATIONS DES JUMEAUX NUMÉRIQUES A L’ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DES MÉDICAMENTS ET DISPOSITIFS MÉDICAUX »
Guillaume KERBOUL, Directeur des Activités Conseil, Industrie de la santé, Dassault Systèmes
Les jumeaux virtuels (numériques) sont des copies numériques de systèmes
ou de processus réels qui permettent aux entreprises de l’industrie
pharmaceutique de simuler et d’analyser leur fonctionnement avant de
mettre en œuvre des changements. Cela peut les aider à éviter les erreurs
coûteuses, à optimiser les processus et à innover de manière plus efficace.
Les jumeaux virtuels peuvent également être utilisés pour étudier les interactions complexes entre
les différents éléments d’un système, pour évaluer les performances d’un équipement ou d’un
procédé, ou encore pour prévoir les besoins en ressources et les temps d’arrêt pour maintenance.
Dans l’industrie pharmaceutique, l’utilisation des jumeaux numériques peut réduire les coûts en
accélérant la fabrication, les temps de mise sur le marché et améliorer la qualité des médicaments
pour le patient.
Yohann MESMIN, Siemens
La transformation numérique accompagne tous les secteurs industriels dans
l’optimisation de leur process, l’amélioration de leur performance et la
recherche d’une meilleure prédictibilité. Dans cette optique et pour
compléter l’information obtenue avec les données, les jumeaux numériques
ont une place déterminante et ceci particulièrement dans les industries où
l’information essentielle dans l’analyse comportementale ne peut être
mesurée.
« THE HOSPITAL OF THE FUTURE: IMPROVING EFFECTIVENESS AND EFFICIENCY THROUGH AI »
Eyal ZIMLICHMAN, Director and Founder ARC Innovation, Chief Innovation Officer, Sheba Medical Center, Israel
Médecin interniste et chercheur, il a été directeur de la qualité au Sheba
Medical Center après avoir occupé le poste de chercheur principal au
département des affaires cliniques de Partners HealthCare à Boston, où il a
participé aux efforts visant à fonder une initiative de refonte stratégique des
soins. À ce titre, il a mis en place un programme de renommée internationale
pour la collecte et la communication des résultats des patients tout au long du continuum de soins.
Ancien conseiller du bureau du coordinateur national des technologies de l’information sur la santé
au département américain de la santé et des services sociaux, il est actuellement membre de trois
comités directeurs des politiques au ministère israélien de la santé. De plus, il mène actuellement des
recherches au Center for Patient Safety Research and Practice du Brigham and Women’s Hospital
affilié à la Harvard Medical School. Conformément à sa mission de façonner et d’améliorer l’avenir
des soins de santé, le professeur Zimlichman dirige le programme de leadership médical Talpiot à
Sheba depuis 2017, une initiative visant à promouvoir les jeunes médecins les plus brillants dans des
rôles de leadership. « Nous savons qu’un grand nombre des idées les plus brillantes viennent de
l’extérieur. Ils viennent de startups. Et … si vous êtes fermé à ces startups, si vous êtes fermé à
l’innovation de l’extérieur, vous manquez une énorme opportunité. »
L’ARC, la branche innovation du Sheba Medical Center (Sheba), classé pendant quatre années
consécutives parmi les dix meilleurs hôpitaux au monde (Newsweek), met en œuvre les projets
innovants imaginés dans la communauté « Future of Health » (FOH), un forum proactif de leaders
travaillant comme une tour de contrôle panoramique pour influencer le cours de la santé mondiale.
Pour permettre cette transformation, l’ARC repose sur quatre principes fondamentaux incluant la
santé numérique, l’innovation ouverte et organique, les collaborations internationales et une
méthodologie d’innovation structurée. L’avenir de la santé dépend des outils de santé numériques
développés et déployés à Sheba grâce notamment à l’intelligence artificielle (IA), en particulier dans
le domaine de la radiologie numérique, de la pathologie numérique, de la plateforme d’aide à la
décision d’IA pour les preuves cliniques, de la multi-omique, de la prévention des erreurs de
médication et d’un hôpital d’IA. Toutes les parties prenantes – décideurs politiques, payeurs,
soignants et patients – doivent se mettre tous ensemble autour de la table pour permettre
l’avènement de cette « révolution » et la mettre en œuvre au plus vite.
Vers un « smart hospital » : En Janvier 2022, l’institut Gustave Roussy a présenté un plan de
transformation numérique 2030 pour développer plus efficacement des approches thérapeutiques des
cancers ultra-personnalisées, davantage préventives et ambulatoires.
« QUELLE SECURITÉ POUR LES DONNÉES DE SANTÉ ? »
Nicolas ARPAGIAN, Directeur stratégie cybersanté, Trend Micro Europe, Directeur de la stratégie et des affaires publiques chez Orange cyberdéfense, Enseignant à l’ENSP et à Sciences Po Saint Germain
Nicolas Arpagian est un expert en intelligence économique et en
protection des données. Il est le rédacteur en chef de la
revue Prospective Stratégique.
Les données personnelles de santé exigent une approche spécifique du fait
des menaces qui pèsent sur elles dans un monde numérisé, de l’enjeu stratégique posé par la
problématique de leur hébergement, des mesures de protection ad hoc qu’elles nécessitent.
« STRATEGIE NATIONALE DU NUMERIQUE EN SANTE ET HEALTH DATA HUB »
Muriel DAHAN, Directrice de la R&D d’Unicancer ; membre de l’Académie nationale de Pharmacie
Le numérique en santé a récemment pris un tournant majeur en
France, à travers l’adoption d’une stratégie structurée autour d’une
feuille de route, de mesures adoptées dans le cadre du « Ségur de la
santé », ainsi qu’à travers le « Grand défi IA et santé ». En parallèle,
l’ouverture de PariSanté Campus a vocation à fédérer et structurer
une filière en santé numérique au rayonnement international. Le
cinquième pilier de cette stratégie est intégré au Plan Innovation Santé 2030, issu des propositions
du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS 2021) : c’est la « Stratégie d’Accélération Santé
Numérique SASN », construite à partir de référentiels, de services socles, du déploiement de plates-formes numériques, en intensifiant tant la sécurité que l’interopérabilité, et ce afin de soutenir
l’innovation.
Le Ségur de la santé (représentant 2 milliards d’euros d’investissements) ambitionne de faciliter le
partage fluide et sécurisé des données entre les professionnels de santé et le patient. Ce dernier a
accès à « Mon espace santé » pour obtenir une vision consolidée de son parcours de soins. La
stratégie du numérique englobe un financement d’équipements logiciels basés sur un système ouvert
et non sélectif (SONS), ainsi que des formations pour les professionnels de santé (médecins en milieu
hospitalier ou libéraux, biologiste médicaux, radiologues, pharmaciens). En septembre 2021 a été
lancée une task force focalisée sur la transformation numérique des pharmacies d’officine, dans un
objectif de modernisation des logiciels de gestion d’officine, en passant d’une logique de facturation
à une logique de dossier patient.
Les axes prioritaires de la Stratégie d’Accélération Santé Numérique sont le développement de la
formation aux métiers du secteur sanitaire et médico-social, la structuration des communautés de
recherche, le soutien à la maturation de projets structurants, la mise en œuvre des expérimentations
numériques en vie réelle, l’aide à l’innovation ciblée sur les nouveaux métiers et les nouveaux usages
numériques…
Par ailleurs, la constitution de la plateforme nationale des données de santé (« Health Data Hub »)
ouvre des perspectives majeures, pour autant que les enjeux de sécurité et de protection des
données personnelles de santé soient maîtrisés. Cette plateforme nationale du numérique en santé
rassemble les données issues du système national des données de santé (SNDS) et de registres, bases,
cohortes ou entrepôts de données pour faciliter la recherche médicale, soutenir les professionnels
de santé dans leurs activités et accompagner les politiques publiques.
Surtout, le bénéfice attendu du développement accéléré du numérique en santé dans toutes ses
composantes sera pour les patients, qui auront un accès amélioré à la recherche, à la prévention, au
diagnostic, et seront mieux informés, accompagnés, pris en charge, puis soutenus dans les suites de
leur maladie.
Axelle MENU, Oncologue médicale (Bondy) ; Experte médicale du Health Data Hub (HDH)
Le Health Data Hub vise à garantir un accès aisé et unifié, transparent
et sécurisé aux données de santé pour favoriser la recherche et
l’innovation et ainsi améliorer la qualité des soins et l’accompagnement des patients. Il conduit quatre
activités principales :
• Un guichet unique pour accompagner les porteurs de projets dans leurs démarches
administratives ;
• La mise à disposition d’une plateforme sécurisée à l’état de l’art, offrant des capacités avancées
de stockage, de calcul, de rapprochement et d’analyse des données ;
• Un accès à des bases de données partenaires ;
• L’animation de l’écosystème pour accélérer la recherche et l’innovation.
Concrètement, le Health Data Hub accompagne des projets mobilisant diverses bases de données
de santé (cohortes, registres, données de vie réelle (médicaments, DMI, …), …), et promeut
l’utilisation de la base principale et du catalogue du Système national des données de santé (SNDS)
(cf. arrêté du 12 mai 2022).
La base principale désigne la réunion de données pseudonymisées et chainées, couvrant l’ensemble
de la population française, en provenance de l’Assurance Maladie (base SNIIRAM), des
établissements de santé (bases PMSI) ainsi que les causes médicales de décès (base du CépiDC de
l’Inserm), et des données relatives au handicap (en provenance des MDPH – données de la CNSA).
Ce système de données est très puissant pour des études en pharmaco-épidémiologie, pour des
évaluations médico-économiques des produits de santé ou pour l’analyse des ruptures de parcours
de soins ainsi que les liens avec la consommation de médicaments.
Le catalogue désigne quant à lui une collection de bases de données dont la construction itérative
permet de s’adapter aux enjeux et besoins de l’écosystème. Le catalogue compte par exemple une
base de données ATU Roche, portant sur les données collectées dans le cadre d’un accès précoce
(atézolizumab et cancer bronchique à petites cellules).
Les travaux du HDH sur les médicaments et les produits de santé se font également au niveau
européen : le HDH et 4 établissements de santé sont lauréats d’un appel d’offre de l’Agence
européenne du médicament (EMA) visant à constituer une base de données multicentriques
documentée avec une identification précise des médicaments hospitaliers administrés à chaque
patient.
Afin d’augmenter la capacité à mener des études multicentriques, le HDH contribue à l’appel à
projets d’accompagnement et soutien à la constitution des EDS hospitaliers, ainsi qu’au projet
d’entrepôts de données de médecine de ville (P4DP).
« PLACE DE L’IA DANS LA PERSONNALISATION DE L’IMMUNOTHERAPIE ET DES TRAITEMENTS LOCAUX EN CANCEROLOGIE »
Éric DEUTSCH, Directeur du Département de Radiothérapie, Gustave Roussy
Oncologue-radiothérapeute, spécialiste des innovations
thérapeutiques appliquées à l’irradiation des tumeurs, le Pr Éric
Deutsch est le chef du département de Radiothérapie de Gustave
Roussy et dirige le pôle “Enseignement et Relations à l’université” de
l’Institut. Titulaire d’un doctorat en Radiobiologie, il est professeur en
oncologie-radiothérapie à l’Université Paris-Saclay, où il enseigne la
cancérologie ainsi que la radiobiologie.
Responsable de l’unité mixte de recherche Inserm 1030 « Radiothérapie moléculaire et innovation
thérapeutique”, ses travaux de recherche sont consacrés à l’étude de la combinaison de nouveaux
médicaments anticancéreux à la radiothérapie. Son intérêt se concentre sur la compréhension des
effets biologiques de la radiothérapie, l’interaction de la tumeur avec son microenvironnement et les
mécanismes de la mort cellulaire.
Cette équipe de recherche constituée de médecins, mathématiciens, physiciens, ingénieurs,
informaticiens… intègre l’intelligence artificielle dans la prise en charge des patients pour
personnaliser les traitements contre le cancer et les rendre plus efficaces.
Une “révolution en cancérologie”
L’intelligence artificielle peut aider à mieux cibler les traitements contre le cancer
L’équipe d’Éric Deutsch a montré pour la première fois au monde qu’il était possible, grâce à
l’intelligence artificielle, de prédire la résistance à un traitement par immunothérapie à partir
d’images de scanner. Les chercheurs mènent actuellement de front plusieurs autres projets axés sur
la radiothérapie : ils cherchent notamment à utiliser l’intelligence artificielle pour reconstruire des
images médicales et ainsi faire de la radiothérapie ultraprécise.
L’immunothérapie est un procédé qui agit sur le système immunitaire d’un patient pour l’aider à
combattre sa maladie. Dans le cas d’un cancer, au lieu de s’attaquer directement aux cellules
cancéreuses, l’immunothérapie va aider les cellules du système immunitaire à les reconnaître et les
détruire. Les principaux médicaments utilisés en routine en cancérologie, en immunothérapie,
réveillent des lymphocytes qui vont aller induire une immunité antitumorale. Mais pour que ces
traitements puissent être efficaces, il faut qu’il y ait des lymphocytes dans la tumeur et que
l’immunothérapie puisse les réveiller. Malheureusement, les patients pour lesquels il n’y a pas de
lymphocytes dans la tumeur ne bénéficient pas d’immunothérapie.
L’étude a donc consisté à voir s’il était possible, grâce à un programme informatique, de pouvoir
déterminer la présence ou l’absence de ces fameux lymphocytes T dans les tumeurs. Et elle a
montré qu’on pouvait ainsi prédire la réponse à un traitement contre le cancer.
“On a mis en place une banque de données qui était constituée de prélèvements de tumeurs de patients pour lesquels on savait s’il y avait ou pas des lymphocytes. Et on avait en même temps les scanners de ces patients” L’équipe a ensuite “entraîné et développé un algorithme pour, à partir d’une image, être capable de retrouver la présence ou l’absence de lymphocytes dans une tumeur“.
Résultat : “On a pu montrer que l’algorithme qu’on avait développé faisait aussi bien que le microscope avec un médecin spécialiste pour voir s’il y avait ou pas des lymphocytes dans la tumeur, et qu’il était capable de corréler ces données avec la réponse au traitement de patients traités par immunothérapie“. Depuis, ces travaux ont pu être confirmés par d’autres études internationales.
Les algorithmes peuvent aussi améliorer la radiothérapie
« Plus on est précis, plus on est efficace et moins on est toxique”
« La radiothérapie est un traitement qui a 100 ans, en constante évolution et qui bénéficie des progrès de l’imagerie, de l’informatique et des progrès de la biologie… Nous voulons la rendre plus efficace, moins toxique, mieux cibler les zones qu’on veut traiter et mieux définir les doses qu’on veut donner. Et pour ça, l’intelligence artificielle peut nous aider énormément“. En effet, la radiothérapie est le
“deuxième contributeur à la guérison des cancers après la chirurgie, utilisée pour la quasi-totalité des tumeurs en pratique courante. On utilise déjà l’IA pour définir les volumes cibles qu’on veut traiter, quelque chose qui, normalement, est fait à la main. Cela nous fait gagner à la fois énormément de temps et de précision. »
« APPLICATIONS DE L’IA A LA PHARMACOVIGILANCE »
Irène Rina FERMONT, membre correspondante étrangère (Israël) de l’Académie nationale de Pharmacie
Immuno-hématologue, elle a débuté par la mise en place de l’unité de
greffe de moelle osseuse à la Banque de sang de Versailles et a mis en
place une première expérience en son genre à l’Hôpital de l’Ouest Parisien
: mise en place de procédures et de plusieurs techniques
d’autotransfusion, formation de l’ensemble du personnel, ce qui a permis
de réduire les transfusions sanguines de 50 % en un an. En complétant sa
formation par un Master en Bio-ingénierie à l’École Centrale Paris, elle a
initié de grands projets tels que des banques de sang clé en main pour les
pays en développement et elle a travaillé avec le transfert de technologie
de l’Université hébraïque. Pendant plus de 20 ans, elle a créé et dirigé des départements de
Pharmacovigilance et de Gestion des Risques ou des entreprises au niveau international. Elle a créé le
groupe de travail de Mauvaise Utilisation et Erreur de Médicament, regroupant les centres de
Pharmacovigilance, l’industrie et les autorités, dont les résultats ont été inclus dans les Bonnes
Pratiques de Pharmacovigilance françaises, plusieurs années avant les recommandations
européennes.
Évelyne PIERRON, Cheffe de pôle de gestion du signal · ANSM Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
Médecin urgentiste de formation, elle commence une activité de
pharmacovigilance par hasard il y a 20 ans en assurant des vacations au
Centre Régional de Pharmacovigilance de Paris Fernand Widal, puis
pendant 8 ans à l’Agence du Médicament, l’Afssaps en pharmacovigilance
et en biovigilance, en tant qu’expert national et européen à l’agence
Européenne (EMA).
L’analyse à grande échelle par l’IA des données médicales permet d’améliorer pharmacovigilance,
c’est à dire le suivi en termes d’efficacité et de sécurité des médicaments mis sur le marché. A cet
égard, l’IA intègre des quantités massives de données cliniques, biologiques, d’imagerie médicale,
colligées à partir de dossiers médicaux électroniques de millions de patients pour entrainer des
réseaux neuronaux et produire des algorithmes prédictifs de risques ou capables de détecter des
signaux faibles d’effets indésirables. En parallèle, des analyses multi-langue des données de santé sur
les réseaux sociaux (Doctissimo, Facebook, Twitter, YouTube, Instagram) avec des algorithmes
d’analyse sémantique sont aujourd’hui utilisés pour aider à la détection précoce d’effets secondaires
de médicaments.
« La pharmacovigilance est une très vieille dame comme nous aimons le dire dans le milieu, dont la
difficulté aujourd’hui bien évidemment pour elle est de s’adapter le mieux possible aux évolutions
technologiques… En France, nous avons pris énormément de retard mais la déclaration en ligne est
désormais possible depuis la fin de l’année 2013, même si elle reste un dispositif peu connu du grand
public et considéré encore comme lourd par les professionnels de santé. Des sociétés ont compris le
marché (Drugee, EveDrug) et développent des outils (service sécurisé de notification en ligne,
applications mobiles) qui facilitent la collecte et la déclaration des effets indésirables.
L’autre gros impact en pharmacovigilance est l’arrivée de nouvelles sources d’informations telles que
les forums de discussion patient, blogs, réseaux sociaux (Facebook, Twitter), moteurs de recherche
et forums internet spécialisés, identifiées comme possible sources complémentaires dans le
processus de surveillance des effets indésirables et une mine infinie de renseignements à explorer.
Être à l’écoute des réseaux sociaux pourrait permettre de détecter des signaux faibles.
L’ANSM a également retenu un projet dans ce sens l’année dernière et au niveau européen, un gros
projet est en cours (Innovative Medicines Initiative) pour intégrer les réseaux sociaux dans la
détection de signal et dans le dispositif d’identification des effets indésirables.
La révolution est en marche c’est indubitable et l’impulsion est d’autant plus marquée avec un
acteur de santé de plus en plus présent, au cœur du dispositif : le patient. Toutes les enquêtes
menées le confirment, qu’un internaute sur deux recherche une information santé sur le Web. Les
politiques de santé publique amorcent ce virage avec difficulté mais devront prendre en compte
l’essor et la puissance de toutes ces nouvelles technologies pour améliorer la gestion des risques et
la sécurité des patients. Les industriels ont déjà pris conscience de l’impact digital et s’organisent.
L’environnement réglementaire doit évoluer afin de définir une véritable stratégie digitale des
acteurs impliqués (autorités de santé, société prestataire, laboratoire).
IA ET MÉDICAMENTS NOUVELLES COMPÉTENCES ET NOUVEAUX BESOINS EN FORMATION
Table ronde autour des compétences techniques sciences computationnelles, sciences des données,
graphes de données, théorisation de la prise de décisions…) et comportementales (inter et
multidisciplinarité, aptitudes à l’open innovation…) désormais souhaitables dans les métiers du
médicament. Acculturation et formation des étudiants et des professionnels confirmés aux apports
des nouvelles technologies en santé.
Christiane GARBAY, Présidente honoraire de l’Académie nationale de Pharmacie, membre du Groupe de veille « Intelligence artificielle et sciences du médicament » de l’AnP
Professeur émérite à l’Université Paris Descartes, maitre ès sciences et
docteur d’État ès sciences physique-chimie, elle a été professeur de chimie
organique à la Faculté de pharmacie de Paris, responsable de DEA et de
master .M2 et directrice d’école doctorale (2007-2012). Directrice d’unités
CNRS et Inserm, elle est reconnue pour ses travaux précurseurs dans
l’inhibition des protéines tyrosine kinases et des interactions inter-protéines.
Experte auprès de nombreuses instances, universités, CNU, Inserm, CNRS,
ANRS, ANR, Ligue contre le cancer, INCa.
Sarah COHEN-BOULAKIA, DATAIA, Université Paris-Saclay
Informaticienne, spécialiste des questions liées à l’analyse et à
l’intégration de données biologiques et biomédicales. Professeure des
universités, enseignant-chercheure, elle a notamment publié des articles
dans le domaine de la reproductibilité des analyses bioinformatiques et
a été depuis 2020 impliquée dans la gestion de données COVID. Elle est
très investie dans l’enseignement de l’informatique à des publics divers,
notamment issus de la biologie.
Fabrice DENIS Pionnier de la télésurveillance en cancérologie et créateur de la première application de santé remboursée, cet oncologue a fondé et préside l’Institut National de l’e-Santé
Cancérologue radiothérapeute (Le Mans), enseignant à la Faculté de
Santé de Paris, expert en e-santé auprès de la Haute Autorité de Santé,
membre de la task force ePROMs de l’European Society of Medical
Oncology, chercheur associé au CNRS, directeur médical et scientifique
de la start-up Kelindi, qu’il a co-fondée, Lors de la crise sanitaire. Il est en
effet à l’origine de MaladieCoronavirus.fr, une application web
permettant d’orienter les patients à partir de leurs symptômes qui aura
permis, au plus fort de la crise, de suivre l’épidémie mais aussi de « désemboucher » le SAMU, « en
divisant par huit le nombre d’appels inutiles au 15 » Une des dernières applications : Malo, qui fait
office de carnet médical de suivi pour les enfants de 0 à 7 ans. « Toujours par le biais de questionnaires, Malo permet aux parents de suivre l’évolution du développement de leur enfant sur une dizaine de domaines : langage, motricité, audition, vision…, ce qui permet de détecter, de manière précoce, un éventuel trouble du neuro-développement »
L’INeS vise à promouvoir la connaissance et le développement de l’écosytème de la e-santé
L’Institut est composé d’enseignants et experts reconnus en e-santé issus du monde académique,
industriel et institutionnel. Alors que le marché de la santé numérique est en plein essor, les acteurs
sont confrontés à de nombreuses difficultés :
– Enseignement de la e-santé insuffisant pour les étudiants en santé/personnels de santé/ingénieurs
– Structures d’accompagnement des projets de l’idée au marché insuffisamment nombreuses
– Absence de labels de qualité pour soutenir les bonnes solutions et éclairer les prescripteurs potentiels
de ces outils
– Sources de communication de recommandations/informations en e-santé disparates
– L’INeS est un institut citoyen dédié à l’enseignement, au développement de la e-santé et à l’aide à
l’évaluation de solutions. L’INeS est aussi composé d’un think-tank avec des acteurs spécialistes
impliqués dans les secteurs de la santé et de la e-santé. https://ines-france.fr
Léa WALDURA Étudiante en 3ème année de pharmacie à l’UFR de Pharmacie de Grenoble Vice-Présidente numérique, Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France (ANEPF)
Après une importante mobilisation de l’Association Nationale des Etudiants en
Pharmacie de France (ANEPF) sur de nombreux versants du numérique en santé
dont Mon Espace Santé, l’association s’est tournée dès 2021 vers le Health Data
Hub pour son expertise sur l’exploitation secondaire de la donnée de santé et bénéficier d’un
accompagnement pour sensibiliser les étudiants. Des membres de cette association ont ainsi pu être intégrés
dans des projets de la direction citoyenne du Health Data Hub leur permettant d’appréhender les enjeux
d’utilisation du système national des données de santé. Au total, ce partenariat a permis à plus de 1000
étudiants d’être sensibilisés.
Des étudiants qui souhaitent être mieux informés et formés sur l’usage secondaire des données de santé
En 2018, un questionnaire portant notamment sur le numérique en santé a été diffusé par l’ANEPF auprès des
étudiants en pharmacie. D’après les répondants, il y avait un manque de formation et une volonté d’en
apprendre plus. En 2022, l’ANEPF s’est saisie d’un baromètre de connaissances sur les données de santé et de
leur usage secondaire, réalisé par France Assos Santé et le Health Data Hub, pour le diffuser auprès de sa
propre communauté. Même constat : 83,5% des étudiants en pharmacie interrogés souhaitent en savoir
davantage sur l’utilisation des données de santé, notamment dans le cadre de projets de recherche.
Plus de 1000 étudiants sensibilisés en un an grâce au partenariat entre l’ANEPF et le Health Data Hub
Grâce à l’importante mobilisation de l’ANEPF et à sa volonté de sensibiliser les étudiants en pharmacie aux
données de santé, le partenariat lancé en juillet 2021 avec le Health Data Hub a tenu ses objectifs. Des
membres de cette association ont pu être intégrés dans des projets de la direction citoyenne du Health Data
Hub. Ils ont par exemple participé à la création du site du débat des données de santé du projet Tehdas “Vers
un espace européen des données de santé”. Un groupe de travail a aussi été constitué pour co-construire un
quizz pédagogique sur le Système National des Données de santé. Des ressources dont l’ANEPF a pu se saisir
pour mener différentes actions de sensibilisation : des ateliers lors de leur assemblée générale et des forums
étudiants, des informations via leurs réseaux sociaux, l’envoi de 5 newsletters sur les données santé, la
publication d’une infographie sur la seconde vie des données… En un an de partenariat ce sont plus de 30
publications (vidéos, posts, story, etc.) partagées sur les réseaux sociaux, une dizaine de conférences réalisées
dans toute la France et plus de 1000 étudiants sensibilisés ! Aussi, cela permet à l’ANEPF de s’inscrire dans le
cadre des engagements pris par le Health Data Hub au Partenariat pour un Gouvernement Ouvert.
L’ANEPF se positionne sur le sujet des données de santé dans son livre blanc numérique
Celui-ci recense l’ensemble des positions portées par le bureau national sur le sujet du numérique en santé.
Une des propositions soutenues par l’association est que Mon Espace Santé soit connecté au Health Data Hub,
de façon sécurisée et dans le respect des droits des personnes qui pourront exercer un droit d’opposition.
ASPECTS ÉTHIQUES ET JURIDIQUES DE L’iA EN SANTÉ
Table ronde autour des questions posées par l’utilisation sous différentes formes de l’IA en santé.
Jusqu’où faire confiance à l’IA ? Comment coordonner une évaluation nécessairement continue des
modalités de l’IA en santé ? Intérêt d’une éthique de l’IA par design ? La responsabilité et la garantie
humaine dans la délégation de tâches à la machine intelligente ? Nécessité d’une IA davantage
transparente… ?
Ali BENMAKHLOUF, ancien membre du CCNE, membre de l’Académie nationale de Pharmacie
Agrégé de philosophie. Philosophe, professeur de philosophie arabe et
de philosophie de la logique. Membre senior de l’Institut universitaire
de France. Ancien membre du Comité consultatif national d’éthique et
du comité d’éthique et de déontologie de l’Institut de recherche pour le
développement. Il est membre de la Société française de philosophie et
de l’Institut international de philosophie.
« Éthique de la santé publique » (séance académique du 16 septembre
2020)
Parler de santé publique, de santé de la population, c’est parler de santé
globale. « Cette notion de « global Health » correspond à la prise de
conscience que n’importe quel événement de santé se produisant à l’autre bout de la terre concerne
désormais tout le monde ». Elle se rapporte plus généralement à la « prévention, la vaccination, l’accès
à l’eau, l’assainissement, l’éducation à l’hygiène, les soins primaires, la pénurie des soignants, l’accès
aux médicaments, la disponibilité de l’information sanitaire ». D’où la nécessité d’une éthique élargie
au respect du monde vivant dont l’homme est un élément, une éthique qui n’est pas limitée au respect
des droits humains, ni aux questions traditionnellement considérées comme des questions d’éthique
médicale (AMP, DPN, DPI, modification du génome, fin de vie, etc.). Les questions de santé publique
comme celles de l’émergence de nouvelles pandémies, de l’accès de tous aux soins, comme celles de
l’allocation des ressources, ou celles de la prévention, sont à la frontière des sciences de la vie et de la
santé, des sciences humaines (philosophie, anthropologie) et des sciences sociales (économie, droit).
L’éthique, entre prudence et étude, au croisement de toutes ces disciplines, se saisit de ces questions
de façon pluraliste. L’éthique de la santé publique oblige à agir en situation d’incertitude. Celle-ci nait
de la discordance entre le temps de la recherche scientifique et celui de l’action publique car, le temps
long de l’une ne fournit pas de motif pour retarder l’autre.
Alexei GRINBAUM, physicien et philosophe. Directeur de recherche. Président du Comité opérationnel pilote d’éthique du numérique du CEA
Après des études à l’Université de Saint-Pétersbourg et à l’École
Polytechnique, il soutient une thèse sur le rôle de l’information en
théorie quantique. Depuis, il explore les fondements de la physique avec un intérêt pour les questions
éthiques des nouvelles technologies. Il s’intéresse aux questions éthiques et sociales des nouvelles
technologies, en particulier des nanosciences et des nanotechnologies. Il étudie les incertitudes du
progrès technique et leur impact sur la gouvernance, l’application du principe de précaution et la
perception des innovations technologiques par le public. Ses publications sont également dédiées aux
grands récits technologiques et à l’analyse de la responsabilité des chercheurs. Il applique les concepts
anthropologiques afin de comprendre la fonction des images des nanoobjets. Ses recherches plus
récentes portent sur les questions éthiques de la biologie de synthèse, notamment la notion de vie
dans le contexte éthique et historique. Il a été coordinateur pour la France du projet « Observatoire
européen des nanotechnologies » et a contribué au Toolkit for Ethical Reflection and Communication
on Nanotechnology. Il est membre de la Cerna (Commission de réflexion sur l’éthique de la recherche
en sciences et technologies du numérique) d’Allistene. Il a publié « Mécanique des étreintes » (Encre
Marine, 2014).
Étienne KLEIN, Directeur de recherche au CEA Physicien et philosophe des sciences.
En 2007, il fonde et dirige le Laboratoire de recherche sur les sciences de
la matière (LARSIM) abrité au sein de l’Institut de recherche sur les lois
fondamentales de l’univers (IRFU) du Commissariat à l’énergie atomique
(CEA) à Saclay. Composé de physiciens et de philosophes, on y étudie les
fondements de la physique, les implications philosophiques des
découvertes des physiciens (notamment en physique quantique,
en cosmologie et en physique des particules), ainsi que l’évolution des rapports entre la science et la
société et les questions éthiques soulevées par l’avancée des sciences et des technologies.
Caroline MASCRET, MCU Droit pharmaceutique Paris-Saclay, directeur Master Marketing Pharmaceutique DU Digital Health à la Faculté de Pharmacie de Chatenay-Malabry
GLOSSAIRE
L’Intelligence artificielle (IA) associe des technologies qui combinent données, algorithmes et
puissance de calcul. Les progrès en matière de calcul et la disponibilité croissante des données sont
donc des moteurs essentiels de l’essor actuel de l’IA
Algorithme
Première étape de la conception d’un logiciel en vue de la réalisation d’un processus
informatique qui est souvent l’analogue virtuel d’un processus purement expérimental. Son
écriture consiste :
1. en l’identification des opérations logiques à effectuer pour la réalisation du processus.
2. en leur classement par ordre chronologique (l’ensemble des deux premières
opérations étant souvent appelé établissement du modèle).
3. en leur écriture en suivant la logique de fonctionnement des ordinateurs. Il est souvent
écrit en langage courant et doit l’être, en principe, de telle sorte qu’il puisse être
transcrit aisément dans n’importe quel langage informatique par un informaticien ne
connaissant pas le processus étudié. Il ne s’agit en aucun cas d’un programme
informatique.
(Dictionnaire de l’Académie de Pharmacie)
Deep learning / apprentissage profond
Un type d’intelligence artificielle dérivé du machine learning (apprentissage automatique) où
la machine est capable d’apprendre par elle-même, en mimant les actions du cerveau humain
grâce à des réseaux de neurones artificiels, contrairement à la programmation où elle se
contente d’exécuter à la lettre des règles prédéterminées.
Drug design
Expression anglaise désignant une voie de recherche pharmacologique partant d’une
modélisation de la structure moléculaire et spatiale d’une cible (exemple récepteur, site
enzymatique) pour construire ou modifier la structure d’une molécule afin d’obtenir une
activité biologique nouvelle ou améliorer ses capacités précédentes. (Dictionnaire de
l’Académie de Pharmacie)
La technique dite Structure Based Drug Design (SBDD) combine à la fois les progrès de la
chimie, de la biologie moléculaire et cellulaire, de la pharmacologie et de la simulation
numérique.
Jumeaux numériques
Les jumeaux « virtuels » sont des copies numériques de systèmes ou de processus réels qui
permettent de simuler et d’analyser leur fonctionnement avant de mettre en œuvre des
changements. Les jumeaux numériques peuvent être utilisés pour étudier les interactions
complexes entre les différents éléments d’un système, pour évaluer les performances d’un
équipement ou d’un procédé, ou encore pour prévoir les besoins en ressources et les temps
d’arrêt pour maintenance.
Un jumeau numérique peut être utilisé pour la surveillance, le diagnostic et le pronostic afin
d’optimiser la performance et l’utilisation des actifs. Dans ce domaine, des données captées
peuvent être combinées avec des données historiques, l’expertise humaine et l’apprentissage
machine et la simulation pour améliorer les résultats des pronostics
Dans le domaine de la santé, les jumeaux numériques sont utilisés pour :
• Tester des traitements ou des dispositifs médicaux avant leur utilisation chez le patient
réel. A titre d’exemple, le développement par l’agence réglementaire américaine FDA
et Dassault Systèmes d’un jumeau numérique du cœur humain vivant a été utilisé pour
modéliser l’effet de pacemakers et de stents. La start-up Exactcure a construit un
jumeau numérique de l’utilisateur afin de prédire la réponse médicamenteuse
personnelle de chaque patient. Ce double numérique prévient ainsi les incidents dus
au mésusage du médicament. Pour contribuer à apporter à chacun le meilleur
traitement face au coronavirus, la start-up niçoise, a modélisé l’effet de certaines
molécules testées par des chercheurs contre le coronavirus, comme
l’hydroxychloroquine, le lopinavir/ritonavir (Kaletra), ou le Remdesivir
• Développer la simulation d’opérations complexes, par exemple, un processus de
production et de contrôle qualité de médicament. Cet outil de modélisation est
aujourd’hui utilisé par de nombreux industriels du médicament.
De nombreuses initiatives et expérimentations ont été lancées dans l’Hexagone.
Pharmacogénomique : Les interactions et l’efficacité des médicaments varient d’une
personne à l’autre et sont influencées par les variations génétiques. La pharmacogénomique
vise à comprendre l’effet de ces variations sur les réponses individuelles aux médicaments.
L’utilisation de l’IA pour passer au crible la grande quantité de données produites par les
études génomiques peut donner des indications utiles sur les mécanismes d’administration
des médicaments.