La proposition de loi « bien vieillir » a été enrichie de nouvelles mesures positives mais n’apporte pas de réponses concrètes à une partie des enjeux
L’examen en 1ère lecture par l’Assemblée nationale de la proposition de loi « portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France » a débuté le 11 avril. Le Gouvernement et les rapporteures du texte ont rappelé que cette proposition de loi ne se substituait pas à une loi grand âge et qu’elle n’aurait pas vocation à traiter certains sujets comme le financement ou la gouvernance.
Si le texte n’a pas pu être examiné dans sa totalité, les trois premiers jours de débats ont permis des avancées significatives dont certaines correspondent à des propositions portées ou soutenues par la FHF, qui doivent être saluées :
- La création dans chaque département d’un service public territorial de l’autonomie, inspiré du rapport Libault de mars 2022, visant à faciliter les démarches des personnes âgées, des personnes handicapées et des proches aidants, ainsi qu’à apporter une réponse mieux coordonnée et à éviter les ruptures de parcours ;
- La généralisation de la démarche ICOPE de repérage précoce systématique des fragilités, qui doit permettre d’amplifier très concrètement le dépistage et la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées ;
- La création d’un groupement territorial social et médico-social, permettant de généraliser les démarches de coopérations existantes entre les EHPAD et les SSIAD publics autonomes, autour d’une stratégie de groupe public prenant en compte les spécificités territoriales.
La principale avancée, adoptée par amendement, est sans aucun doute celle engageant l’élaboration d’une « loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge déterminant la trajectoire à 5 ans des finances publiques en matière d’autonomie des personnes âgées ». Demandée par la FHF depuis plusieurs années, cette loi constitue une étape indispensable pour répondre au défi démographique. Cette mesure devra être confirmée par l’examen du texte au Sénat mais l’absence d’avis défavorable du Gouvernement et l’adoption à l’unanimité de cet amendement constituent un signal fort et attendu. La définition d’objectifs de financements publics nécessaires et d’une trajectoire financière pluriannuelle de la branche autonomie sont des outils indispensables pour programmer la création de places nouvelles et le renforcement des effectifs en EHPAD.
La FHF estime nécessaire de se donner pour objectif de définir cette trajectoire dans le prochain PLFSS et sera attentive à ce que la programmation financière soit crédible et à la hauteur des besoins reconnus par tous les rapports (au moins 10 Mds€ de mesures nouvelles pour développer l’activité et l’emploi).
Cependant, même avec ces enrichissements, la proposition de loi n’apporte pas, en l’état, de réponse à certains enjeux prioritaires pour le secteur : simplification de la gouvernance, réflexions sur la tarification des EHPAD et plus largement sur leur modèle économique, investissement dans la formation etc. Un projet de loi grand âge véritablement panoramique et qui intégrerait cette programmation financière reste plus que jamais indispensable.
Des demandes de mesures d’urgence qui ne peuvent plus rester lettres mortes
Enfin, à court terme, la FHF rappelle la nécessité de mesures d’urgence pour soutenir financièrement les EHPAD publics. Leur situation budgétaire est dégradée du fait de la déconnexion entre l’évolution des tarifs et les dépenses (effets de l’inflation, mais aussi des revalorisations salariales partiellement compensées). En dépit des alertes formulées depuis des mois auprès des pouvoirs publics, aucune réponse concrète aux difficultés financières des EHPAD publics n’est apportée.
Bien au contraire, le projet de circulaire présenté la semaine dernière ne peut qu’aggraver significativement la situation en sous-évaluant manifestement la prise en compte de l’inflation dans les forfaits soins. Ce projet de circulaire fait état de l’inscription de 52M€ au titre des créations de postes pour 2023, soit 1.000 emplois, alors que le PLFSS voté par les parlementaires en prévoyait 3.000 et que la Première Ministre en a annoncé 50.000 à horizon 2027. La FHF sera vigilante à ce que la trajectoire de création de ces postes soit scrupuleusement respectée. Le secteur n’a pas les moyens d’en faire l’économie.
De même, l’ouverture d’une discussion de fond sur le modèle économique des EHPAD, pourtant annoncé en février par un communiqué de presse conjoint du ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes Handicapées et de l’Associations des départements de France n’a toujours pas démarré et aucun calendrier n’est fixé, malgré l’urgence de la situation.
C’est pourquoi la FHF demande le dégel immédiat des 120 M€ de réserve prudentielle imposés à la branche autonomie, pour accroître les moyens des ESMS de 3% et l’ouverture immédiate de la concertation sur l’avenir des EHPAD publics.
« La FHF se félicite que le débat parlementaire ait permis aux députés et au gouvernement d’enrichir la proposition de loi « bien vieillir » et j’appelle à poursuivre cette démarche dans les semaines à venir. Nous avons pu l’apprécier au cours des débats, le sujet du grand âge intéresse et mobilise l’ensemble de la classe politique et des français. Il ne faut pas décevoir cette ambition pour notre pays afin que le vieillissement de sa population se vive de la façon la plus harmonieuse possible.
À côté des débats parlementaires, la réalité du terrain se tend chaque jour un peu plus. Les gestionnaires des ESSMS publics, principaux acteurs du bien vieillir au quotidien, attendent un geste fort des pouvoirs publics pour faire face à la dégradation inédite de la situation des établissements et services. La situation est aujourd’hui telle que de nombreuses structures sont menacées à court terme de ne plus pouvoir répondre de façon satisfaisante aux besoins de personnes âgées. La réussite de la transition démographique ne pourra se faire sans une offre d’accompagnement modernisée et un service public du grand âge de qualité. »
Arnaud Robinet, président de la FHF