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La Science au cœur du débat sur les perturbateurs endocriniens
Le colloque « Oui à l’innovation » sur les perturbateurs endocriniens (PE) avait lieu au Sénat le 16 juin. Organisé par le groupe de travail et de recherche sur la santé et l’environnement, fondé par l’économiste Pascal Perri, il avait surtout pour objectif de lancer un manifeste réclamant l’introduction du droit à l’innovation dans la constitution. Lequel a été signé par Alain Fouché et Roland Courteau, les deux sénateurs, de la Vienne et de l’Aude, hôtes de ce forum. Ce manifeste sera soumis aux candidats à la présidentielle de 2017. Il a été montré durant cette matinée comment le principe de précaution peut entraver l’essor de l’économie française. Le cas des plantes génétiquement modifiées qui a fait l’objet d’une polémique de la part de mouvements écologistes a ralenti le secteur de la recherche agronomique au point que la France ne produit quasiment plus de semences. A cette aune, le sujet des perturbateurs endocriniens est happé par le débat polémique et politique. Les deux tables rondes menées par l’animateur radio, Pascal Perri, rassemblant des représentants des industriels, des scientifiques, des membres d’ONG ou du gouvernement ont permis de l’entrevoir : les P.E. sont au cœur d’une controverse scientifique. « L’émotion censure le débat » a affirmé le Pr Jean-François Narbonne, toxicologue renommé, commentant la décision prise par le Ministère de l’environnement d’interdire les biberons fabriqués en Bisphénol A en 2012 avant même la réglementation de 2013. Désormais, le BPA est interdit en France, alors que selon la définition de l’OMS (1), ce produit n’est pas un PE puisque sa cancérogénicité n’a pas été prouvée pour le contact alimentaire. Le BPA est un produit irremplaçable pour fabriquer les polycarbonates en contact alimentaire, ont souligné les industriels présents, faisant remarquer qu’il est toujours fabriqué et vendu à l’étranger, notamment dans d’autres pays européens qui, eux, ne l’ont pas interdit. La substitution de ce genre de produit ne se décrète pas, au risque d’aboutir à de très coûteux ratés industriels.
Hasard du calendrier ? La veille, le 15 juin, la Commission Européenne a proposé au Conseil et au Parlement européen d’adopter « une approche scientifique solide aux fins de l’identification des perturbateurs endocriniens, et d’approuver la définition de l’OMS »(1). La CE présente deux projets d’actes législatifs avec des critères scientifiques qui permettront une identification plus précise des substances chimiques constituant des P.E., dans les domaines des produits phytopharmaceutiques et des biocides. « Des critères stricts – fondés sur la science – qui feront du système réglementaire de l’UE le premier dans le monde à définir ces critères scientifiques sur le plan législatif », a déclaré Jean-Claude Juncker, président de la CE. La définition de l’OMS fut donc largement commentée au Sénat. « Les P.E. sont des substances, à la fois naturelles et chimiques, qui peuvent altérer les fonctions du système hormonal et ainsi avoir des effets indésirables sur les personnes et les animaux ». Le soja, une substance exogène, naturelle, présente dans les baby food, étant largement cancérogène selon une étude de l’ANSES (EAT2), la plus grande étude européenne de l’Alimentation Totale dont la France est le leader. L’ANSES a établi une liste de 50 PE dont font notamment partie les phtalates (PBA). Question de définition : en français, le mot perturbateur n’a pas le même sens que le mot disruptors en anglais qui signifie « coupe-circuit », ou interrupteur. Les sénateurs ont plaidé pour remettre la science au coeur du débat. “Que les réseaux scientifiques de l’OCDE se mettent autour de la table pour approfondir le triple critère de l’OMS“. Il y a, en effet, toute une chaîne qui mène une substance dite « sans seuil » à passer au stade de la mutagénèse ou de la cancérogénèse et elle se mesure par des tests : tests in vitro pour voir si la dite substance perturbe l’interaction sur un récepteur (action sur une hormone), test in vivo pour vérifier si elle perturbe le fonctionnement chez un animal et enfin l’étude des facteurs de causalité (naissance prématurée ou problème de reproduction). “Il faut mettre en place des solutions validables et reproductibles ” a déclaré le Pr Philippe Hubert, directeur de l’Ineris évoquant la plateforme publique-privée mise en place pour réaliser les tests scientifiques. L’objectif est de réaliser des essais validés. La reconnaissance européenne par l’OCDE du panel disponible est prévue pour 2025. La France pourrait bien être en avance.
(1) « L’OMS définit une substance comme un perturbateur endocrinien 1)si elle a des effets indésirables sur la santé humaine ;2) si elle présente un mode d’action endocrinien;3) s’il existe un lien de causalité entre l’effet indésirable et le mode d’action ». Les critères approuvés aujourd’hui précisent également de quelle manière un perturbateur endocrinien devrait être identifié:” 1) en mettant en évidence des preuves scientifiques pertinentes; 2)en utilisant la pondération d’une approche fondée sur des éléments concrets; 3)en procédant à un examen systématique et solide ».