Santé humaineMicrobiote

Communiqué de presse

Le microbiote intestinal participe au fonctionnement du cerveau et à la régulation des humeurs

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur google
Partager sur reddit
Partager sur tumblr
Partager sur pinterest
biotech info articles illustration cp lledo fr

 

9/12/2020

La dépression est un trouble mental qui touche plus de 264 millions de personnes de tous âges dans le monde. La compréhension de ces mécanismes est essentielle pour le développement de stratégies thérapeutiques efficaces. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS ont conduit une étude qui montre qu’un déséquilibre de la communauté bactérienne intestinale peut provoquer un effondrement de certains métabolites qui est responsable de l’état dépressif. Ces résultats, montrant qu’un microbiote intestinal sain contribue au fonctionnement normal du cerveau, seront publiés dans Nature Communications le 11 décembre 2020.

La population bactérienne de l’intestin, ou microbiote intestinal, constitue le plus grand réservoir de bactéries de l’organisme. De plus en plus de travaux montrent combien l’hôte et son microbiote intestinal constituent un bel exemple de systèmes ayant des interactions mutuellement bénéfiques. De récentes observations ont d’ailleurs révélé une association entre troubles de l’humeur et altérations du microbiote intestinal. C’est ce qu’avait mis en lumière un consortium de chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm en démontrant l’existence d’un lien entre le microbiote intestinal et l’efficacité de la fluoxetine, une molécule fréquemment utilisée comme antidépresseur. Pourtant, certains mécanismes de la dépression, première cause d’incapacité dans le monde, restaient encore inconnus.

Des chercheurs viennent de découvrir dans un modèle animal comment une modification du microbiote intestinal, engendrée par un stress chronique, peut être à l’origine d’un état dépressif notamment en provoquant un effondrement de métabolites lipidiques (petites molécules issues du métabolisme) dans le sang et le cerveau.

La baisse de ces métabolites lipidiques, appelés cannabinoïdes endogènes (ou endocannabinoïdes) se traduit par un profond défaut de fonctionnement du système de communication dérivé de ces mêmes métabolites.

© Pascal Marseaud

Ces métabolites se lient sur des récepteurs qui sont également la principale cible du THC, le composant actif le plus connu du cannabis. Les chercheurs ont découvert que lorsque les endocannabinoïdes n’étaient plus présent dans une région clé du cerveau qui participe à la formation de nos souvenirs et des émotions, l’hippocampe, un état dépressif survenait.

Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont étudié les microbiotes d’animaux sains et d’animaux présentant des troubles de l’humeur. Comme l’explique Pierre-Marie Lledo, responsable de l’unité Perception et mémoire à l’Institut Pasteur (CNRS/Institut Pasteur) et co-dernier auteur de l’étude : « de façon surprenante, le simple transfert du microbiote d’un animal présentant des troubles d’humeur à un animal en bonne santé suffit à induire des modifications biochimiques, et conférer des comportements synonymes d’un état dépressif chez ce dernier ».

Les chercheurs ont identifié certaines espèces bactériennes qui sont fortement diminuées chez les animaux présentant des troubles d’humeur. A l’inverse, ils ont montré qu’avec un traitement oral avec ces mêmes bactéries, il est possible de restaurer un niveau normal de ces dérivés lipidiques et, par conséquent, traiter l’état dépressif. Ainsi, ces bactéries pourraient agir en tant qu’antidépresseur. On parle alors de « psychobiotiques ».

« Cette découverte démontre comment le microbiote intestinal contribue au fonctionnement normal du cerveau » poursuit Gérard Eberl, responsable de l’unité Microenvironnement et immunité (Institut Pasteur/Inserm) et co-dernier auteur de l’étude. En cas d’un déséquilibre de cette communauté bactérienne, certains lipides essentiels au bon fonctionnement du cerveau disparaissent, ce qui favorise l’émergence d’un état dépressif. Dans ce cas précis, l’usage de certaines bactéries pourrait être un levier efficace pour rétablir un microbiote sain et lutter plus efficacement contre les troubles de l’humeur.

Source

Effect of gut microbiota on depressive-like behaviors in mice is mediated by the endocannabinoid system, Nature Communications11 décembre 2020.

Grégoire Chevalier1, Eleni Siopi2,#, Laure Guenin-Macé3,#, Maud Pascal1,2,#, Thomas Laval3, Aline Rifflet4, Ivo Gomperts Boneca4, Caroline Demangel3, Benoit Colsch5, Alain Pruvost5, Emeline Chu-Van5, Aurélie Messager5, Franc?ois Leulier6, Gabriel Lepousez2,†, Gérard Eberl1,†,* & Pierre-Marie Lledo2,†,*

1 Institut Pasteur, Microenvironment and Immunity Unit, Paris, France; INSERM U1224, Paris, France
2 Institut Pasteur, Perception and Memory Unit, Paris, France; CNRS UMR3571, Paris, France
3 Institut Pasteur, Immunobiology of Infection Unit, Paris, France; INSERM U1221, Paris, France
4 Institut Pasteur, Biology and Genetics of Bacterial Cell Wall Unit, Paris, France; CNRS UMR2001, Paris, France; INSERM, Equipe Avenir, Paris, France
5 CEA, INRA Université Paris Saclay, Service de Pharmacologie et Immunoanalyse, Plateforme SMArt-MS, Gif-sur-Yvette, France
6 Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon, Université de Lyon, Ecole Normale Supérieure de Lyon, CNRS UMR 5242, Lyon, France

# Contributed equally † Contributed equally