Le prix Nobel de physiologie et de médecine 2019 a été attribué conjointement, lundi 7 octobre, aux Américains William Kaelin et Gregg Semenza et au Britannique Peter Ratcliffe pour leurs recherches sur l’adaptation des cellules à l’apport variable d’oxygène, permettant de lutter contre le cancer et l’anémie.
« L’importance fondamentale de l’oxygène est connue depuis des siècles, mais le processus d’adaptation des cellules aux variations de niveau d’oxygène est longtemps resté un mystère », a indiqué l’Assemblée Nobel de l’Institut Karolinska à Stockholm dans ses attendus. « Le prix Nobel de cette année récompense des travaux ayant révélé les mécanismes moléculaires à l’œuvre dans l’adaptation des cellules à l’apport variable d’oxygène » dans le corps, a-t-elle souligné.
Gregg Semenza dirige le programme de recherche vasculaire au John Hopkins Institute de recherche sur l’ingénierie cellulaire. Dès les années 1990, le chercheur et son équipe ont commencé à s’intéresser au gène de l’érythropoïétine (EPO), cette hormone qui augmente le nombre de globules rouges dans le sang en réponse à une baisse d’oxygène (hypoxie), cherchant à comprendre comment elle réagit à la pénurie d’oxygène. « Ils ont découvert, en 1995, qu’un complexe protéique, nommé HIF (hypoxia-inducible factor) se liait à cette portion d’ADN, de façon dépendante de l’oxygène » selon un article de Pour la Science.
Peter Ratcliffe, directeur de la recherche clinique au Francis Crick Institute de London et du Target Discovery Institute d’Oxford, et ses collègues s’intéressaient aussi à la régulation de l’EPO par l’oxygène, et s’étaient aperçus que ce mécanisme était présent dans toutes les cellules de l’organisme.
En temps normal, HIF-1 alpha, la partie sensible à l’oxygène du complexe HIF, est dégradée dans la cellule, grâce à une petite étiquette, un peptide nommé ubiquitine, qui s’attache à elle et signale à un complexe d’enzymes, le protéasome, qu’il doit la dégrader. Mais en cas d’hypoxie, elle s’accumule, se lie au gène de l’EPO et à d’autres gènes voisins, et modifie la production d’EPO.
Ces mécanismes sont également impliqués dans les tumeurs, dont la croissance dépend de l’apport en oxygène du sang. William Kaelin, à l’école de médecine de Harvard, à Boston, aux États-Unis et ses collègues étudiaient la maladie de von Hippel-Lindau (VHL), un syndrome de prédisposition au cancer. Cette maladie héréditaire est causée par des mutations sur un gène, VHL. Quand il est fonctionnel, ce gène est impliqué dans la protection contre le cancer, lorsqu’il est muté, des gènes sensibles à l’hypoxie s’expriment de façon anormale. Des chercheurs ont montré que la protéine VHL, codée par le gène VHL, fait partie d’un complexe dont le rôle est d’accrocher l’ubiquitine sur les protéines à détruire. L’équipe de Peter Ratcliffe a ensuite montré que VHL interagit avec HIF-1 alpha et est nécessaire pour que la protéine soit détruite en conditions normales d’oxygène. En 2001, Les équipes de W.Kaelin et P.Ratcliffe ont montré simultanément comment l’oxygène régule cette interaction : «sous des conditions normales d’oxygène, des groupes hydroxyle (OH) se lient à des endroits spécifiques de la protéine HIF-1alpha, ce qui permet à VHL de la reconnaître et de s’y attacher, avec l’aide d’enzymes sensibles à l’oxygène et spécialisées dans la reconnaissance de ces motifs ».
« Des efforts intenses en cours dans les laboratoires universitaires et les entreprises pharmaceutiques se concentrent maintenant sur le développement de médicaments capables d’interférer à différents stades d’une pathologie soit en activant ou en bloquant le mécanisme de captation de l’oxygène », selon le jury Nobel.