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Dossier

« Le temps scientifique n’est pas le temps politique »

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Le pic de l’épidémie sera-t-il bientôt atteint en Europe ? Avec plus de 12 000 morts en Italie, plus de 10 000 en Espagne et 4032 en France au 1er avril, alors que les doutes se font insistants sur le bilan du Covid-19 en Chine, officiellement de 3308 morts pour 82 198 cas de contamination. En réalité, le bilan rétrospectif serait plus proche de 50 000 morts (on en veut pour preuve le nombre d’urnes funéraires qui auraient été commandées à la fin de la période de confinement de deux mois) et l’épidémie y aurait débuté dès novembre. Aux Etats-Unis où l’épidémie s’aggrave, on comptait déjà 4000 morts au 1erAvril  et face à l’hécatombe, le président Donald Trump a pris la parole pour annoncer qu’il “fallait s’attendre dans les semaines à venir à 100.000 ou 200.000 morts dans le meilleur des cas“. En Inde et dans la plupart des états d’Amérique du Nord, le confinement a été instauré. Un tiers de l’humanité est à présent confinée.

Une polémique a opposé la semaine dernier Didier Raoult, Professeur de microbiologie, spécialiste des maladies infectieuses, et directeur de l’IHU de Marseille qui récuse ces mesures de confinement datant d’un autre âge selon lui. Un argument surprenant et jugé irresponsable par les médecins et la communauté scientifique en France. Il en résulte une levée de boucliers entre l’écosystème scientifique parisien et l’IHU de Marseille. Le Pr Didier Raoult s’est mis en retrait du Conseil scientifique qui entoure le président.

Ce grand médecin a mis au point un protocole de traitement associant hydroxychloroquine (Plaquénil) et azythromycine, un antibiotique, pour contrer la réplication du SARS-Cov-2. Formule qu’il applique déjà à l’IHU de Marseille aux malades diagnostiqués dès les premiers symptômes. Les images montrant les patients faisant la queue devant l’IHU pour se faire diagnostiquer ont fait le tour des réseaux sociaux et des plateaux télé. L’administration de ce traitement d’abord à 24 patients testés positifs puis, dans un second temps, à 700 patients, a montré que ce protocole permettait de réduire la mortalité. « La synergie hydroxychloroquine/azythromicyine a des effets positifs » a tweeté le 27 mars le Pr Raoult, « constatant une baisse marquée de la charge virale après 6 jours de traitements sur 65 des 80 patients (sur lesquels était menée une étude intermédiaire), et seuls 15 % des patients ont nécessité une oxygénation ». « Sur les 1500 positifs, il n’y a eu que 11 décès. On meurt moins à Marseille que partout en France » affirmait un médecin de l’IHU de Marseille sur LCI.

Scientifique de renommée internationale dans le domaine des maladies infectieuses, Didier Raoult a publié 350 articles, dont un il y quelques années validant les effets de la chloroquine, un antipaludéen, sur les symptômes inflammatoires. Le Dr Raoult s’appuie aussi sur des études scientifiques publiées en chinois démontrant que la chloroquine permettait de traiter les patients Covid 19 dès qu’ils sont dépistés. Selon lui, les autorités de santé chinoises l’ont déjà approuvé depuis longtemps.

En France, les médecins mettent en garde sur de possibles effets secondaires du Plaquenil, destiné à des patients atteints de lupus et de polyarthrite rhumatoïde, comme celui de provoquer des incidents cardiaques chez certains patients à risque lors d’une prise à long terme. Agnès Buzyn, médecin elle-même, le qualifiait de « vénéneux ». Olivier Véran, a néanmoins autorisé l’administration du Plaquenil à des patients atteints de syndromes respiratoires sévères, uniquement dans le cadre hospitalier. Le député Christian Estrosi a obtenu que le protocole du Pr Raoult soit appliqué dans le cadre du CHU de Nice à des patients, avec leur consentement, et a commandé à Sanofi des quantités importantes de Plaquenil.

Etude européenne Discovery
L’Inserm a démarré le 22 mars l’étude européenne baptisée Discovery. Coordonnée en France par l’Institut national de la santé et de la recherche, celle-ci a pour objectif d’examiner selon des procédures accélérées (deux mois) l’intérêt de quatre types de traitements expérimentaux : remdesivir, lopinavir and ritonavir (deux traitements HIV), lopinavir, ritonavir et interferon beta et l’hydroxy-chloroquine…
En France, 800 personnes hospitalisées pour une infection Covid-19 dans un service de médecine ou directement en réanimation seront prises en compte par l’étude. Cinq hôpitaux français y participent déjà (Paris – hôpital Bichat-AP-HP, Lille, Nantes, Strasbourg, Lyon). Il est prévu d’inclure 3200 patients européens touchés par le coronavirus, en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Royaume uni, en Allemagne et en Espagne.

Sans attendre les premiers résultats annoncés pour le 15 avril, 33 hôpitaux en France (17 hôpitaux non universitaires et 14 CHU, dont celui d’Angers), ont décidé de démarrer le 1er avril l’étude Hycovid, qui répond à des critères scientifiques très élevés. « Les résultats de l’essai clinique sur l’hydroxychloroquine de l’équipe du Professeur Raoult ont généré beaucoup d’espoirs. Les résultats de cette étude ont soulevé également des interrogations légitimes quant à leur pertinence clinique et l’innocuité du médicament. L’étude Hycovid permettra de répondre de manière définitive à ces questions et de clore une fois pour toute le débat de l’efficacité de l’hydroxychloroquine pour traiter le Covid-19 », a expliqué le Professeur Vincent Dubée, à l’initiative de cette étude, qui a été autorisée en l’espace de 15 jours. Elle portera sur 1300 patients d’une moyenne d’âge de 75 ans qui n’ont pas besoin d’oxygène, c’est à dire dès le dépistage de la maladie.

 

L’OMS recommande de tester, tester et tester
Alors que l’OMS recommande de tester, le premier ministre, Edouard Philippe reconnaissait lors de la conférence de presse du 28 mars, aux côtés des professeurs Arnaud Fontanet et Karine Lacombe, que la stratégie avait évolué en France en la matière, selon différentes « doctrines » scientifiques. Les tests ont d’abord été réservés aux donneurs de tissus, de sang, aux femmes enceintes, aux patients arrivant dans les hôpitaux avec des troubles sévères. « Au stade 2 et au stade 3 de circulation active du virus, l’OMS nous recommande de tester c’est ce que nous faisons»

Le Dr Olivier Véran, ministre de la santé a pris la parole ensuite : « L’OMS a lancé un appel à tester plus massivement, notamment à l’approche de la fin du confinement. Nous augmentons notre capacité de test qui était de 5000 par jour à 12 000/j aujourd’hui, 20 000/j d’ici une semaine et 50 000/j d’ici la fin du mois d’avril grâce à l’implantation de plateformes à haut débit ».

Les tests diagnostic du Covid19 par RTP-PCR (Polymerase Chain Reaction) avec écouvillonnage imposent d’avoir recours à un prélèvement nasopharyngé. Les tensions d’approvisionnement en écouvillons et en réactifs ont pu limiter  la mise en oeuvre de ces tests, réservés jusqu’alors aux seuls patients hospitalisés qui avaient des symptômes sévères.

Parmi tous les acteurs qui ont prêté leur concours, les laboratoires de santé animale ont proposé leurs services et leurs réactifs. L’AFSSI s’est mobilisée pour soutenir l’effort national et propose . L’association entend répondre aux enjeux sanitaires en proposant 3 actions pour répondre aux enjeux sanitaires : « soit en prenant en charge chez nos membres des activités hospitalières de routine ou directement liées au Covid-19 qui ne pourraient être assurées en temps d’engorgement du système de santé public (dosages biologiques par exemple), soit en utilisant nos expertises et capacités de recherche pour soutenir l’effort de recherche, par exemple dans les efforts d’identification de traitements contre le COVID-19, soit en utilisant nos capacités de fabrication (par exemple de gels hydroalcooliques, kits de dépistage, voire principes actifs et médicaments…) ».

La priorité du ministre est surtout de s’assurer que les tests qui seront déployés à plus grande échelle seront efficaces et sécurisés en termes de résultats. Selon lui, il faut se montrer prudent. Le gouvernement espagnol a eu la déconvenue de constater que plusieurs millions de tests chinois n’étaient pas efficaces. Les tests rapides de type driving (depuis une voiture) ne sont pas entièrement fiables. Les tests rapides au lit du malade, aux conditions sanitaires remplies, qui permettent de rendre des résultats en 15 à 20 mn dépendent à ce jour de la recherche au niveau mondial.

La sérologie donne un verdict
Les tests sur le point d’être opérationnels sont les tests sérologiques. La France en  a commandé 5 millions . Dans la perspective du déconfinement annoncé pour le 15 avril, il s’agit d’augmenter la capacité de dépistage de 30 000 tests par jour en avril à 60 000/j fin avril et à 100 000/j en juin. « Les français auront envie de savoir s’ils sont libérés de ce poids » a indiqué le ministre de la santé. « La sérologie permet de savoir si la personne a été immunisée contre le virus. La R&D progresse vite. Nous espérons pouvoir expérimenter les sérologies dans les prochains jours ou les prochaines semaines, à l’heure où nous préparerons le déconfinement ».« Nous voulons avoir des tests sérologiques de qualité quoi qu’il en coûte, quelle que soit la provenance. De plus, la sérologie passe par des laboratoires classiques et non par des laboratoires de PCR complexes, ce qui démultipliera les capacités ».

A la différence des tests PCR, les tests sérologiques ( prise de sang) permettent de déterminer la présence des traces d’anticorps produits par le système immunitaire en réaction au coronavirus. La présence de ces anticorps indique que la personne a été contaminée, même si elle était asymptomatique. Ces tests permettront de connaître le nombre de personnes immunisées.

Course contre la montre

Le pôle Medicen Paris Region a recensé les tests existants (voir encadré)  mais aussi l’ensemble des initiatives contre le Covid-19. « Notre connaissance de l’écosystème nous permet également d’identifier des acteurs fiables et immédiatement mobilisables face à la situation inédite que nous connaissons » déclare Agathe Arlotti, Responsable de l’équipe innovation du pôle. Medicen a listé quatre projets émergents de traitements, vaccins en cours de recherche. Le CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations) finance le développement d’un vaccin contre le SARS-COV-2, projet porté par le consortium de l’Institut Pasteur, de THEMIS et de l’université de Pittsburgh ; Pharnext identifie 97 molécules susceptibles de combattre le Covid-19 ; Boehringer Ingelheim travaille sur l’identification de nouveaux anticorps . Et enfin, L’AP-HP et Sanofi unissent leurs efforts pour accélérer la recherche clinique dans la lutte contre l’épidémie.

Il n’existe aucun traitement à ce jour qui ait fait ses preuves.  « En partenariat avec les autorités ou dans le cadre de consortium publics/privés de recherche, des entreprises ont annoncé le lancement de plusieurs programmes de développement de vaccins contre le nouveau coronavirus Covid-19. L’objectif est de fournir une séquence des gènes du virus pour permettre les tests cliniques en 16 semaines et de soutenir financièrement les programmes de R&D sur les candidats vaccins » note le Leem dans son communiqué “Tous mobilisés!”« En temps normal, le cycle de développement d’un vaccin prend plusieurs  années. Toutefois dans le contexte actuel, les entreprises accélèrent le rythme de leurs recherches et raccourcissent les délais de mise au point. Elles collaborent avec les autorités de santé publique européennes et mondiales compétentes ».

Les recherches académiques et cliniques se multiplient en France
L’Institut Pasteur à Paris et le Réseau International des 32 Instituts Pasteur sont mobilisés massivement partout dans le monde pour répondre par la science à la pandémie d’infection par le coronavirus SARS-cov2. Cette mobilisation regroupe actuellement 300 personnes de l’Institut Pasteur à Paris et plusieurs équipes du Réseau dans différents pays. Une Task force Coronavirus lancée par l’Institut Pasteur dès janvier dernier coordonne les recherches des équipes pasteuriennes sur le Covid-19. A ce stade, 16 projets de recherche sont en cours, et plusieurs autres projets démarreront très prochainement. L’AP-HP crée un comité de pilotage « Recherche Covid-19 AP-HP ». Enfin le consortium REACTing (composé du CEA, du CNRS, de l’INRAE, de l’Inria, de l’Inserm, de l’Institut Pasteur, de l’IRD, de la CPU et de la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires) a sélectionné 20 initiatives.

Pour l’instant, pas de solution miracle donc, l’humilité est de rigueur face à cette pandémie dont on suit la progression au jour le jour.

Thérèse Bouveret

Des tests certifiés de diagnostic du Covid-19 arrivent sur le marché
Eurofins : Cinq laboratoires Eurofins ont démarré les tests de dépistage pour le SARS-CoV-2 en France début mars. En particulier, les laboratoires de Biomnis le font, en utilisant les tests pour le SARS-CoV-2 qu’ils ont développés et validés avec succès, après avoir reçu l’approbation des autorités de santé publiques. Dans le cadre de cet effort de soutien aux autorités françaises, Eurofins Biomnis permet aux hôpitaux français de libérer des capacités pour effectuer des tests SARS-CoV-2 sur site dans des délais très courts en proposant également l’externalisation d’autres tests de maladies infectieuses.

Mobidiag distribue des tests rapides anti-SARS-COV-2 (en partenariat avec Autobio Diagnostics, leader chinois du diagnostic clinique) pour détecter les infections aux coronavirus à partir d’échantillons de sérum, plasma ou sang en moins de 15 minutes.

Cerba Healthcare est en mesure de pratiquer dans ses laboratoires de biologie le test de diagnostic du Covid-19 depuis lundi 9 mars avec l’appui du CNR des virus responsables des infections respiratoires de l’Institut Pasteur (Paris) pour la confirmation des cas positifs. Avec ses biologistes infectiologues, Cerba a préparé des notes et procédures qui permettent de réaliser les prélèvements et l’acheminement des échantillons dans des conditions optimales.

Thermofisher a créé et développé l’AcroMetrix Covid-19 control : un contrôle ARN synthétique non infectieux pour aider les laboratoires à valider et surveiller les tests de diagnostic moléculaire Covid-19.

 

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Autotest de diagnostic ultrarapide COVID-19 de NG Biotech

NG Biotech : La société bretonne a lancé le 31 mars un autotest de diagnostic ultrarapide du Covid-19. Marqué CE et dénommé NG-Test® IgG-IgM COVID-19, ce test sérologique en bandelette permet, à partir d’une goutte de sang, en seulement 15 minutes, de détecter et de différencier simultanément les anticorps IgM (immunoglobulines M) et/ou IgG (immunoglobulines G) produits par l’organisme lors de l’infection du virus SARS-CoV-2. La fiabilité du dispositif a été validée par l’AP-HP Paris Saclay et un hôpital de Parly 2. NG Biotech va fabriquer 70 000 tests courant avril et passera à un million par mois en juillet et doublera la production. Une nouvelle usine est en construction à Guipry.

BIOSYNEX va proposer trois nouvelles solutions diagnostiques pour l’infection à Covid-19. Concernant la technologie PCR, la société strasbourgeoise a signé un accord de distribution avec la société singapourienne Credo Diagnostics Biomedical Ltd. L’automate VitaPCR™ compact et intuitif, couplé au test VitaPCR™ SARS-CoV-2 permet un dépistage moléculaire par PCR rapide et fiable (détection qualitative de l’ARN viral du SARS-CoV-2 responsable du Covid-19). Il rend un résultat en seulement 20 mn à partir d’un simple échantillon prélevé avec un écouvillon au niveau de la fosse nasale ou au fond de la gorge. BIOSYNEX commercialisera aussi le kit PCR développé par la société chinoise Liferiver basée à Shanghai et qui vient d’obtenir le marquage CE. Ce système multiplex permet d’identifier 3 séquences d’ARN spécifiques du SARS-CoV-2.
Par ailleurs, la société prévoit le lancement à brève échéance d’un test sérologique rapide immunochromatographique de détection dans le sang des anticorps spécifiques du virus responsable du Covid-19. Ce test permet à partir d’une goutte de sang de détecter en 10 minutes les anticorps spécifiques du Covid-19 qui apparaissent environ 10 à 15 jours après la contamination. Cette détection sérologique permet de déterminer rétrospectivement l’exposition au virus de porteurs sains ou de patients ayant présenté des signes mineurs de l’infection au Covid-19.

bioMérieux a finalisé le développement du test SARS-COV-2 R-GENE®. Ce test PCR en temps réel a été validé cliniquement sur un type de prélèvement respiratoire. Il devrait bénéficier rapidement d’un marquage CE. Il fera également l’objet d’une demande d’autorisation d’utilisation en urgence (EUA-Emergency Use Authorization) auprès de la FDA américaine. La société développe aussi la version BIOFIRE® Respiratory Panel 2.1 (RP2.1) qui inclura SARS-CoV-2 en complément de 21 autres pathogènes respiratoires plus courants. Les résultats seront obtenus en 45 mn.

 

 

 

 

Coalition Innovation santé
Nombreux ont été les appels au soutien de cet effort de guerre contre le Covid-19. France Biotech a lancé le 17 mars l’initiative « Coalition Innovation Santé – Crise Sanitaire » . Une initiative commune avec France Digitale, MedTech in France et AstraZeneca, et la participation et l’appui de l’Assistance Publique- Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de France Assos Santé, les soutiens de Bpifrance et d’EIT Health qui a reçu le soutien de nombreux industriels. Les projets de startup affluent : 300 ont été enregistrés sur la plateforme https://www.coalitioncovid.org.