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Communiqué de presse

LEEM : 3 défis pour 2019

LEEM, Philippe Tcheng
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philippe tcheng Philippe Tcheng, président du LEEM présentait ses vœux à la presse le 15 janvier.

Biotech Info publie l’intégralité de son discours.

 

3 défis pour 2019 : l’accès des patients à l’innovation, la reconquête industrielle, et l’amélioration de la réputation du secteur

 

Mesdames et Messieurs,

 

 

 

*            *            *

Puisque c’est le temps des vœux, je formule le vœu – en tant que Président du Leem mais aussi en tant que médecin – que les patients puissent accéder, en France, à l’innovation et au progrès thérapeutique, et que notre pays participe pleinement sur son territoire au développement de cette innovation.

  • Ma première prise de parole en tant que Président du LEEM a eu lieu le 14 septembre dernier à l’occasion de la troisième édition de « PharmaCité », l’Université des Entreprises du Médicament, qui a réuni plus de 800 participants, sur le thème « comment serons-nous soignés en 2030? ».
  • Nous y avons abordé les grandes ruptures technologiques qui vont transformer en profondeur notre système de santé et qui, surtout, vont offrir aux patients de nouvelles perspectives thérapeutiques.
  • J’y vois tout un symbole d’une présidence du LEEM placée sous le signe de l’innovation et du progrès thérapeutique.
  • Cette vague d’innovations sans précédent est déjà à l’œuvre. Prenez l’exemple des antiviraux à action directe dans le traitement des hépatites C, grâce auxquels on prévoit l’élimination dès 2025 d’une maladie qui concernait 110.000 personnes en France et qui était à l’origine d’environ 2.500 décès par an au début des années 2000.
  • Nous la mesurons également dans la lutte contre le cancer. Cette maladie constitue encore la première cause de mortalité dans notre pays : 24 % des décès féminins ; 33 % des décès masculins. Mais bonne nouvelle : l’arsenal des anti-cancéreux s’est considérablement enrichi avec l’arrivée de nouvelles générations d’immunothérapies, d’anticorps monoclonaux et avec les CAR-T cells.
  • Demain, comme nous l’ont montré les chercheurs et les industriels qui sont intervenus à PharmaCité, l’alliance inédite de la génétique, des data, de l’intelligence artificielle, de l’épigénétique, de l’imagerie et des nanotechnologies permettra une compréhension de plus en plus fine du mécanisme des maladies et de découvrir de nouvelles pistes pour les traiter.
  • Demain, l’innovation se fera dans des écosystèmes fondés sur le partage d’informations entre patients, chercheurs, cliniciens, ingénieurs et biomathématiciens, professionnels de santé, start-ups et industriels, avec pour ambition de mettre à disposition le plus rapidement possible de nouveaux traitements plus ciblés pour les patients en impasse thérapeutique.
  • Demain, l’innovation sera aussi dans l’organisation des soins avec le développement de la médecine ambulatoire ou à domicile qui ne pourra se faire sans une nouvelle articulation entre médecine de ville, hôpital, secteur médico-social. Il va sans dire que ces nouveaux parcours de soins passeront par une transformation profonde des métiers.
  • Dès aujourd’hui, et plus encore demain, l’industrie pharmaceutique sera au cœur de ces transformations : plus de 7 000 nouveaux médicaments sont actuellement en cours de développement à l’échelle mondiale et, déjà, les Car-T cell aujourd’hui ouvrent des perspectives jusqu’il y a peu insoupçonnées.
  • Ces bouleversements constituent un défi pour notre système, car ils soulèvent de multiples questions : comment garantir un accès à l’innovation le plus tôt possible et au plus grand nombre ? Comment développer in-vitro et évaluer in-vivo ces nouvelles solutions thérapeutiques ? Comment assurer la soutenabilité économique ? Comment transformer notre outil industriel afin de capter la production de produits innovants ?… Sans même parler des débats éthiques liés à la transformation des modèles de recherche, aux progrès de la médecine prédictive ou encore à l’utilisation des données de santé.
  • C’est un défi pour le système de santé comme pour notre industrie. Les attentes des patients sont immenses. L’étude IPSOS pour le LEEM réalisée pour PharmaCité le montre bien : pour les Français, l’innovation s’incarne avant tout dans le médicament : pour 63 % des Français, le progrès thérapeutique viendra d’abord des nouveaux médicaments, et pour 59 % de la médecine régénérative, largement avant l’intelligence artificielle (19 %) ou les applications de e-santé (8 %).

 

Nous mesurons ces attentes et nous allons y répondre…

…Et d’ailleurs, ma préoccupation première – et celle du collectif que je représente devant vous – sont aujourd’hui de permettre à notre pays de tenir toute sa place dans cette révolution thérapeutique sans précédent, d’abord parce que celle-ci est porteuse d’espoir pour les patients, mais aussi parce qu’elle représente un enjeu majeur en termes de rayonnement scientifique, d’investissements, de croissance, d’emploi.

C’est mon vœu le plus cher…

…mais 2018 a été l’année de la prise de conscience du décrochage de la France dans plusieurs domaines stratégiques :

  • Décrochage dans la recherche clinique! Le recul de la France, malgré l’excellence des centres investigateurs (en particulier en oncologie) prive les patients d’un possible accès précoce aux médicaments innovants. En 2017, comme le montre l’étude menée par le LEEM sur l’attractivité de la recherche clinique, la France a participé à 11,9 % des nouveaux essais cliniques industriels lancés dans le monde (313 essais), reculant à la quatrième place européenne, derrière le Royaume-Uni (17,9 %), l’Allemagne (17,3 %) et l’Espagne (14,5 %). Si l’on se concentre sur les nouveaux essais cliniques de phase 1, sur la période 2015-2017, la France avec 6 % de ces essais précoces se situe loin derrière le Royaume-Uni (12 %) ou encore l’Allemagne (10 %), sans même faire référence aux Etats-Unis (48 % !). Quant aux délais d’obtention des autorisations de recherche, ils restent supérieurs aux délais réglementaires, avec un total de près de 7 mois nécessaires entre la demande d’autorisation pour un nouvel essai clinique et l’inclusion du premier patient dans un centre investigateur. Cette détérioration est largement due, comme le Leem l’avait d’ailleurs anticipée, à la procédure de tirage au sort des Comités de Protection des Personnes, telle qu’issue de la loi Jardé du 16 novembre 2016. Cette situation a nécessité des mesures correctrices sur lesquelles je reviendrai.
  • Retards dans l’accès des patients aux médicaments innovants ! Nos délais d’accès au marché – c’est-à-dire entre l’obtention de l’AMM et la publication du prix au JO – sont de plus de 500 jours contre 180 prévus par la Directive Européenne en vigueur. Ils placent désormais la France au 18ème rang en Europe : malgré la volonté affichée par l’ensemble des acteurs d’un système de santé français ouvert à l’innovation. C’est d’ailleurs aujourd’hui une préoccupation croissante des Français => les résultats de notre baromètre IPSOS 2018 montrent que près d’1 Français sur 2 se dit aujourd’hui préoccupé par l’accès aux médicaments innovants. J’ajoute que ces délais sont incompréhensibles par les maisons-mères de nos entreprises. Ils sont particulièrement pénalisants pour les choix d’investissements industriels quand nos voisins allemands et britanniques affichent des délais avoisinant les 100 jours !

 

  • Complexité croissante pour les ATU qui compensaient jusqu’à présent une partie de ces retards d’accès. Ils fonctionnent de plus en plus difficilement : tout d’abord parce qu’ils ne concernent que 10 % de la population cible éligible aux traitements. Ensuite, parce que les mécanismes de tarification mis en place dans les LFSS de 2017et 2019 sont d’une telle complexité qu’on peut craindre qu’ils empêchent, à terme, les industriels d’y recourir.

 

  • Décalage des critères d’évaluation des médicaments ! Le système actuel, fondé sur le service médical rendu (SMR) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR), montre aujourd’hui ses limites, comme l’a montré le remarquable travail conduit par Dominique Polton, en 2015, qui attend toujours sa mise en œuvre. Le rapport bénéfice/risque des AMM européennes est parfois remis en cause. Malgré la clarification récente de la doctrine de la Commission de Transparence de la HAS, les critères actuellement utilisés s’avèrent peu adaptés à certaines innovations de rupture (en particulier les solutions multi-technologiques …). Le système d’évaluation ne délivre pratiquement plus d’ASMR I et II (au total aucune ASMR I délivrée entre janvier 2016 et août 2018 et seulement 3 ASMR II).  Que faut-il penser d’un système pour lequel l’attribution des ASMR III est corrélée à la taille de la population cible, comme l’a montré une étude que nous avons réalisée cette année.  Enfin, les ASMR IV sont devenues une catégorie « fourre-tout » où l’on trouve à la fois des innovations incrémentales et des produits présumés innovants, mais qui ne peuvent fournir suffisamment de données cliniques.

 

  • Difficultés d’accès des produits à l’hôpital ! Ce lieu d’accueil de l’innovation par définition n’est pas épargné. Les effets de la réforme de la liste en sus restent particulièrement préoccupants : les produits d’ASMR V, mais aussi IV (sauf lorsqu’il n’existe pas de comparateur de référence) se voient soit radiés, soit privés d’accès à cette liste. Professionnels de santé et patients se sont émus de cette situation, sans qu’aucune solution n’ait été trouvée à ce jour.

 

La première prise de conscience, c’est donc celle de la difficulté croissante que rencontrent les patients et les professionnels de santé en France dans l’accès au médicament, même si l’on tient compte de l’existence des ATU.

 

La seconde prise de conscience est celle de notre décrochage industriel avec une filière de bio-production trop fragmentée et une filière chimique centrée sur la production de produits matures :

 

  • Notre industrie qui était la première en Europe il y a 10 ans est désormais distancée par l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie ou l’Irlande. Alors que ces pays, à l’aide de politiques souvent volontaristes, sont parvenus à relancer leur outil de production et à capter les investissements des industries de santé, la France se singularise, sur la période 2010 – 2015, par une baisse des investissements productifs.
  • 80 % de la production française est concentrée sur la fabrication de médicaments chimiques. S’il est important de conserver une position forte dans ce secteur traditionnel très porteur en termes d’emplois dans les territoires, nous avons stratégiquement intérêt à développer en parallèle notre expertise de la bio-production. On ne peut pas se permettre de rater ce virage.
  • Or, notre filière de bio-production demeure encore trop limitée. La France compte 15 sites de bio-production ouverts à des tiers contre 24 en Allemagne et 17 au Royaume-Uni, mais sur les 22 AMM délivrées en 2018 pour des médicaments biologiques, un seul est fabriqué en France.
  • Il est impératif de combler ce déficit d’attractivité.
  • La France accuse déjà un retard dans la production des anticorps monoclonaux, mais on peut espérer demain que la France puisse se remette dans la course des nations innovantes avec la bio-production de thérapies géniques et cellulaires.
  • La France est déjà la référence européenne de la production de vaccins. Mon vœu est clair : elle doit désormais être présente sur tout le spectre de la bio-production.
  • Car on constate les effets du décrochage industriel tant sur le niveau des exportations que sur l’emploi.
  • Je vous rappelle que le médicament constitue habituellement l’un des principaux postes contributeur à la balance commerciale française. Mais l’excédent commercial de 6,8 Mds€ dégagé par le médicament en 2017 était en baisse de 4 % par rapport à 2016.
  • Je vous rappelle aussi que l’industrie du médicament est un pourvoyeur d’emplois dans toutes les régions françaises. Or, l’emploi stagne. Nous sommes revenus, avec 98 700 emplois en 2017 à notre niveau de 2002, alors que nos voisins ont fait la démonstration qu’avec des politiques industrielles volontaristes, ils enrayent le déclin de la production dans un secteur à haute valeur ajoutée comme l’est la pharmacie.

 

*            *            *

 

Dans ce contexte de décrochage, le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de juillet dernier marque une volonté des pouvoirs publics de répondre à toutes ces préoccupations et de stopper ce déclin. Un travail considérable a été réalisé, sous l’impulsion du Gouvernement, pour faire de ce 8e CSIS un véritable tournant dans la relation entre la France et son industrie de santé. Feuille de route partagée et ambitieuse, ce CSIS a affirmé de nouvelles ambitions partagées pour notre pays.

 

Elles portaient sur 4 grandes thématiques :

 

  • Favoriser l’accès à l’innovation en accélérant les délais d’accès au marché,
  • Mobiliser l’outil de recherche français,
  • Tourner l’outil industriel vers les productions innovantes,
  • Et enfin, améliorer la qualité du dialogue entre l’Etat et notre industrie.

 

Et ces ambitions se déclinaient en mesures concrètes.

 

  • Pour la première fois, le CSIS avait pour objectif de créer un environnement favorable au développement pérenne de nos entreprises pour que les meilleurs traitements soient disponibles dans les délais les plus courts pour les patients. Je vous résume brièvement ses principales propositions et ce qu’il en est advenu :

o   L’engagement d’un retour aux 180 jours d’accès au marché avant la fin de la mandature, conformément à la directive européenne.

o   Le lancement de la réforme de l’évaluation, qui devait débuter au dernier trimestre 2018 avec un objectif d’aboutir au début du deuxième trimestre 2019. Le chantier a pris du retard.

o   L’ouverture du dispositif des ATU afin de permettre aux extensions d’indication de pouvoir bénéficier de ce régime. Celle-ci a été mise en œuvre dans des conditions que je qualifierai de peu satisfaisantes dans la LFSS pour 2019.

o   Une simplification des règles de régulation des dépenses de médicaments, qui a été opérée par la LFSS 2019.

o   La sécurisation d’un plancher de croissance du CA à 0,5 %.

o   Un renforcement de l’attractivité de la recherche clinique. Cet engagement a été rapidement mis en œuvre (mise en place d’une cellule « phase précoce » et de dispositifs de fast-track au niveau de l’ANSM, réforme de la loi Jardé sur le tirage au sort des CPP, accélération de la mise en œuvre de la convention unique…).

o   Une traduction via le Contrat stratégique de filière (CSF) d’un certain nombre de mesures concernant le montage de filières industrielles innovantes (bioproduction, antibiorésistance, intelligence artificielle…) et la transformation des métiers.

o   Le développement de l’accès aux données de santé, via le « Health data hub ». Il est en cours de déploiement. Les espoirs sont importants pour cette base unique au monde qui intégrera à terme des données génétiques, données cliniques, données du SNDS et d’autres données obtenues en conditions réelles d’utilisation, y compris celles collectées directement par les patients au travers des objets connectés… L’exploitation de ces données va permettre d’aller toujours plus loin dans la prévention et la personnalisation des soins. Le « health data hub » donnera à la France l’opportunité d’être une des plateformes mondiales d’excellence dans le domaine de la pharmaco-épidémiologie. C’est un dossier qui avance dans le bon sens aujourd’hui.

 

 

Nous étions optimistes au sortir de ce CSIS véritablement transformationnel – y compris dans la méthode puisqu’il devenait un lieu de pilotage fin et continu des enjeux de politique des produits de santé. A cet effet, la mise en place d’un comité de suivi, sous l’égide du Premier Ministre, associant trois hauts fonctionnaires et présidé par un industriel est particulièrement significatif.

 

Malheureusement, ces ambitions partagées ont été rapidement contredites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

 

  • En effet, le poids de la régulation imposée à notre secteur est incompatible avec la politique d’attractivité affichée lors du CSIS.
  • Avec un niveau sans précédent de baisses de prix (980 millions contre 970 l’année dernière – mais en prix nets et non plus en bruts !), auxquelles il convient d’ajouter le poids de la maîtrise médicalisée et les remises produits, la part de notre secteur dans la régulation passe de 41 % à 48 % de l’effort global d’économie. Et tout ceci à un moment où, comme je vous l’ai indiqué en introduction, nous connaissons une révolution thérapeutique inédite !
  • Le médicament est donc plus que jamais la variable d’ajustement de la politique de maîtrise des dépenses de santé. Les baisses de prix sont devenues un mode de bouclage financier systématique des politiques des dépenses de santé. Celles-ci atteignent désormais leurs limites et placent aujourd’hui notre secteur à contre-courant des autres pays d’Europe avec lesquels nous sommes en compétition pour les investissements stratégiques. Si l’on observe la croissance des marchés pharmaceutiques européens, la France est derrière l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.
  • On ne peut pas multiplier les obstacles dans l’accès aux patients, déployer des normes complexes et non concertées, avoir des positions de négociation de prix des produits innovants déconnectées de nos grands voisins européens, multiplier les baisses de prix sur les produits matures et, dans le même temps, prétendre rester un grand pays d’innovations et d’industrie de santé. Je suis convaincu que notre pays devra bientôt faire des choix clairs.
  • Le retour de l’innovation révèle certaines faiblesses de notre système de santé : son manque d’anticipation, son organisation en silos, et son incapacité à restituer les gains d’efficience.
  • Les ambitions du CSIS sont contredites par un manque de cohérence des politiques publiques.

 

*            *            *

 

C’est dans cette actualité particulièrement dense que j’ai effectué mes premiers mois à la présidence du Leem.

 

J’ai également consacré mes 4 premiers mois à la prise de nombreux contacts :

 

  • Avec les membres du Gouvernement, les organismes clés (CEPS, ANSM, HAS, CNAM), les parlementaires, les associations de patients, les conseils ordinaux, les syndicats professionnels…
  • Mais aussi avec l’ensemble des adhérents du LEEM que j’ai consultés sur leur niveau de satisfaction quant à l’offre actuelle de services du Leem ainsi que sur leurs attentes. Nous avons initié avec le Conseil d’administration du Leem une réflexion sur nos priorités stratégiques et sur les évolutions de l’organisation professionnelle afin d’y répondre de façon optimale et être en phase avec notre écosystème.

 

J’attache en effet une importance particulière à poursuivre un dialogue exigeant avec les parties prenantes, particulièrement les professionnels de santé et les associations de patients.

  • Ce dialogue a pris en 2018 une dimension nouvelle avec la création par le Leem du « Lab Médicament & Société » qui a pour objectif de mieux comprendre les enjeux auxquels les parties prenantes sont confrontées, et les intégrer dans les orientations prises par les entreprises du médicament.

o   Composé d’associations de patients, de professionnels de santé, de collaborateurs des entreprises du médicament et du Leem, le Lab a pour objectif de produire de façon indépendante des recommandations co-construites sur les enjeux liés aux médicaments dans la société : amélioration de l’information aux patients, accès aux soins, prévention en santé, bon usage du médicament, démocratie sanitaire, transparence de l’industrie, objets connectés et utilisation des datas…

  • Ce dialogue auquel je crois profondément prend également une dimension nouvelle avec un thème que nous avons choisi de prendre à bras le corps : le cancer des enfants. La Fondation des Entreprises du Médicament va s’engager sur le sujet.
  • Je rappelle que cette Fondation créée par le Leem en 2008, sous l’égide de la Fondation de France, œuvre pour l’accès aux soins et a déjà soutenu 44 acteurs associatifs luttant contre les inégalités sociales de santé en France.
  • Elle va continuer de travailler avec de nouvelles actions et un nouveau collège.

 

  • Le dialogue exigeant avec nos parties-prenantes porte aussi sur une préoccupation récurrente : les ruptures d’approvisionnement.
  • Nous avons abordé de façon volontariste la problématique des tensions et ruptures d’approvisionnement des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur dont le nombre a augmenté ces dernières années (plus de 500 déclarées par les entreprises en 2017 et l’équivalent sur le premier semestre 2018).
  • Dans la lignée des recommandations du rapport sénatorial De Cool/Daudigny dont les conclusions ont été rendues le 2 octobre dernier, nous allons proposer un plan d’actions co-construit et partagé pour réduire les ruptures d’approvisionnement des médicaments les plus indispensables. Ce plan d’action entend répondre à un sujet particulièrement complexe, car les ruptures ont des causes multifactorielles et concernent tous les acteurs de la chaîne, de la production à la distribution. Ainsi, les quatre causes les plus importantes sont : la croissance du marché mondial supérieure à la capacité de production, des problématiques de qualité en production, des ruptures d’approvisionnement des fournisseurs de matières premières et les conditions de valorisation économique des produits.  Notre réflexion actuelle s’oriente vers plusieurs axes : une meilleure définition des médicaments pour lesquels des obligations de sécurisation doivent être renforcées, le maintien en Europe des sites de production des matières premières actives (API) et des médicaments d’intérêt stratégique, les mécanismes d’achat à l’hôpital ainsi que les conditions économiques d’exploitation de ces médicaments, le partage d’informations entre les acteurs, l’encadrement de la distribution en cas de tension/rupture d’approvisionnement, et enfin l’amélioration du pilotage interministériel et son  portage européen.
  • Je voudrais aborder le cas spécifique des pénuries de vaccins en vous rappelant la durée incompressible des cycles de production (dont 70 % sont liés aux contrôles de qualité) et le manque d’harmonisation des calendriers vaccinaux.
  • La question de la prévention des ruptures d’approvisionnement est un sujet absolument prioritaire qui relève de la responsabilité de nos entreprises mais également de l’ensemble des acteurs de la chaîne. L’organisation d’un dialogue entre les acteurs s’impose car la réponse à la problématique des ruptures ne peut être que collective.

 

Je crois en effet profondément à la vertu du dialogue et de l’engagement auprès des parties prenantes. C’est l’un des éléments essentiels à l’amélioration de la confiance dans les entreprises du médicament.

 

L’observatoire sociétal du médicament d’IPSOS pour le LEEM, dont j’ai présenté les résultats avec Brice Teinturier le 13 novembre dernier, le montre clairement : les Français affichent une confiance dans le médicament qui ne se dément pas, année après année, puisque 83 % de nos concitoyens font confiance aux médicaments qu’ils prennent.

  • Notre rôle est incontestablement reconnu, puisque nous sommes jugés utiles par 85 % des Français, qui nous estiment pour 78 % d’entre eux à la pointe du progrès. Ils nous considèrent légitimes pour intervenir dans de nombreux domaines de la santé : l’investissement en R&D (88 %), l’information des professionnels sur le médicament (82 %), le soutien de la recherche publique par les partenariats public/privé ou encore l’information des patients sur les traitements pour soigner leurs maladies (74 %).
  • Cependant, nous savons que nous devons encore améliorer notre image collective auprès du grand public, comme le démontre les résultats de l’Observatoire sur l’éthique (34 % d’opinions favorables) et la transparence (16 % d’avis positifs).
  • Ceci, en dépit des avancées considérables réalisées par notre secteur dans ces domaines, avec par exemple la signature avec le CEPS d’une charte de la visite médicale en 2004, la création d’un Comité de Déontovigilance des entreprises du médicament en 2011 (le CODEEM), l’instauration et la mise à jour régulière de dispositions déontologiques professionnelles, et un fort engagement de nos entreprises dans les programmes RSE.
  • J’ai la conviction que dans le contexte d’innovation que j’ai évoqué, nous devons travailler prioritairement à résorber le fossé que nous constatons entre la confiance que suscitent nos produits et le déficit d’image de nos entreprises auprès du public.
  • Je ferai du rétablissement de la réputation de notre secteur l’un des axes forts de ma présidence. Ce ne sera pas le seul. Car l’année 2019 s’annonce riche de défis que nous comptons relever avec nos parties prenantes…

 

*            *            *

Après une année 2018 où les espoirs nés du CSIS ont été fragilisés par la LFSS, 2019 se présente en effet comme une année de défis, celle durant laquelle la volonté politique de faire bouger les lignes doit se traduire dans les faits.

Le premier défi dépasse notre secteur, puisqu’il concerne le déploiement du plan « Ma santé 2022 » initié par le Président de la République et la ministre des Solidarités et de la Santé le 18 septembre dernier.

  • Ce plan basé sur l’amélioration de la qualité des soins, la pertinence des actes, la modernisation du financement, la remise à plat de l’organisation territoriale des soins, la transformation des métiers et la réforme des études médicales, est à la fois ambitieux et transformationnel.
  • Il fait une large place à l’innovation au travers du thème de la transformation numérique du système de santé, même si nous avons regretté que l’innovation thérapeutique n’y ait pas été abordée.
  • Le LEEM sera force de propositions, et je souhaite que nous puissions avec d’autres acteurs de santé, à l’instar de ce qui avait été initié à l’occasion de l’élection présidentielle de 2017 avec le Collectif Santé, poursuivre cette dynamique.

Le second défi est celui des échéances très immédiates du premier trimestre.

  • Je pense ici à l’entrée en vigueur de la directive européenne 2011/62 pour se prémunir d’éventuels « médicaments falsifiés » qui prévoit la mise en œuvre d’un dispositif de sérialisation au 9 février 2019. C’est un sujet qui a soulevé un certain nombre de commentaires ces dernières semaines. Les industriels ont fait le nécessaire pour être prêts à la date prévue par les textes européens, au prix d’une adaptation complexe et coûteuse de nos outils de production.
  • Je pense ensuite à l’échéance du 29 mars 2019 qui concerne le « Brexit » … c’est un enjeu majeur sur le plan réglementaire et douanier mais aussi à divers titres : 5.000 salariés européens sont employés au Royaume-Uni dans l’industrie pharmaceutique ; le Royaume-Uni « pèse » à lui seul plus de 16 % des programmes européens de recherche ; il est surtout notre 4ème partenaire commercial s’agissant de l’export et le 7ème pour l’import. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les produits de santé fassent l’objet d’une approche spécifique. Je pense ici tout particulièrement aux accords de reconnaissance mutuelle qui permettraient de limiter les risques de ruptures d’approvisionnement qui constituent notre première préoccupation.

Le troisième défi est celui de l’accès aux patients.

  • Rendre notre écosystème de recherche clinique plus performant, « monitorer » attentivement le dispositif des ATU qui soulève chez nous de vives inquiétudes quant à son devenir, réduire drastiquement les délais d’accès au marché qui disqualifient aujourd’hui la France en Europe… autant d’enjeux qu’il nous faudra traiter.
  • Deux points focaliseront toute notre attention durant cette année 2019 :

o   La réforme des mécanismes d’évaluation des médicaments par la commission de la transparence.

o   Et la perspective d’une évaluation européenne de l’efficacité clinique des médicaments innovants.

  • Sur la réforme de la Valeur Thérapeutique Ajoutée, nous poursuivrons deux objectifs :

o   Le premier consistera à améliorer la lisibilité et la prévisibilité de l’évaluation des médicaments qui doit se fonder sur des critères simples, objectifs et vérifiables. Je pense au bénéfice clinique attendu (niveau de preuve clinique), à la pertinence clinique (pertinence du comparateur, quantité d’effets, profil de tolérance et transposabilité) et à l’impact du traitement pour les patients (impact sur la mortalité, la survie et la morbidité, mais aussi, impact sur la qualité de vie, l’adhésion et la praticabilité).

o   Le second sera de pouvoir créer un statut spécifique (valeur thérapeutique d’innovation conditionnelle) pour un certain nombre de produits – souvent les plus innovants – qui se voient aujourd’hui attribuer au mieux des ASMR IV, faute de données suffisantes et qui, par la suite ne parviennent pas à accéder au marché. Cette cotation « d’attente » ne permet pas d’engager les discussions avec le CEPS dans les meilleures conditions ou ne permet pas leur inscription sur la liste en sus. Ce qui nous renvoie à l’utilisation des données en vie réelle, sur laquelle nous souhaitons que l’administration puisse avancer compte tenu de l’ouverture des bases de données.

  • Sur le projet de règlement Européen portant sur le Health Technology Assessment, le calendrier est moins serré, mais nous continuons à appeler cette réforme de nos vœux. En effet, ce dispositif devrait permettre une simplification au travers de la mise en place d’une approche commune de l’évaluation en termes d’efficacité clinique pour l’ensemble des pays membres en laissant chaque Etat conserver la maîtrise de la quantification et de la cotation de l’apport thérapeutique, de la définition de la population cible éligible, du remboursement ou du prix qui resteront quoiqu’il advienne de la compétence de chaque Etat.

 

4ème défi : la politique conventionnelle avec l’évolution des modes de régulation et la négociation d’un nouvel accord cadre.

  • L’année 2018 s’est terminée par la prorogation de l’Accord-Cadre pour un an. Nous avons en effet convenu avec notre partenaire conventionnel – le CEPS – qu’il convenait de prendre le temps pour tirer toutes les conséquences du CSIS au plan conventionnel, mais aussi pour attendre la réforme programmée des critères de l’évaluation des médicaments par la HAS, car l’accord cadre est, comme vous le savez, fortement adossé à cette évaluation.
  • Je veux rappeler l’attachement du Leem et de ses entreprises adhérentes à la politique conventionnelle, mais en même temps nos inquiétudes sur sa fragilisation au cours des dernières années : l’ampleur des économies demandées à notre secteur par les LFSS successives et les orientations ministérielles ont porté atteinte à l’esprit et à la lettre de l’accord cadre.
  • Concernant la négociation d’un nouvel accord cadre pour 2020, les sujets que nous devrons traiter seront nombreux, à commencer par la nécessité de tirer les conclusions d’une réforme de l’évaluation sur les modalités de fixation des prix.
  • Nous devrons également tirer toutes les conséquences au plan conventionnel de l’arrivée de la vague d’innovations dont je vous ai parlé (associations de traitement, médicament de thérapies innovantes, utilisation des données en vie réelle). Nous devrons également nous attaquer à l’accès des patients aux médicaments d’ASMR IV, qui sont aujourd’hui lourdement handicapés dans leurs négociations avec le CEPS, non pas par l’accord cadre lui-même, mais par la lettre d’orientation ministérielle d’août 2016 que nous continuons à contester.
  • Il nous faudra enfin trouver avec le CEPS les moyens de mieux tenir compte des enjeux industriels dans la politique conventionnelle. Les questions de cohérence (régulation/accord-cadre/instructions ministérielles) seront une fois de plus au cœur de nos sujets 2019.
  • Nous en appelons à ce que la volonté politique telle qu’exprimée lors du CSIS s’impose face aux tentations de régulation technocratique pour refonder une politique du médicament partenariale et ambitieuse.
  • Enfin, car c’est la clef de voûte des relations Etat-Industrie, le PLFSS pour 2020, qui interviendra dans le contexte de la renégociation de l’accord cadre sera crucial. Nous mesurerons alors si le Gouvernement se donne les moyens de permettre l’accès de tous les patients qui en ont besoin à ces nouvelles solutions thérapeutiques et s’il souhaite que la France reste attractive et compétitive dans un secteur d’activité industrielle à très haute valeur ajoutée de la recherche à la production.

 

*            *            *

 

En conclusion :

Je souhaite terminer en vous faisant part de ma détermination pour relever ces défis et pour conduire les trois chantiers prioritaires que je mentionnais dans mes propos liminaires :

  • L’accès des patients à l’innovation et au progrès thérapeutique pour faire reculer la maladie.
  • La reconquête industrielle qui passe par une politique de croissance et d’attractivité.
  • L’amélioration de la réputation de notre secteur.

 

Le CSIS de juillet dernier a suscité beaucoup d’espoir. Le discours volontariste et engagé du Premier Ministre a replacé la France dans la compétition internationale. Il a redonné corps à l’image d’une France accueillante pour l’innovation.

Mais il reste encore bien du chemin à parcourir pour que la réalité que vivent nos entreprises soit à la hauteur des discours qu’elles entendent.

Ce sera tout l’enjeu de cette année 2019.

Je porte la conviction que nous n’atteindrons cet objectif qu’en travaillant tous ensemble : industriels, pouvoirs publics, professionnels de santé, patients.

Parce qu’à l’arrivée, nous poursuivons tous le même but : bâtir le meilleur système de santé possible dans l’intérêt des patients français. Cela passe aussi par une industrie forte et par une France qui parle haut et fort dans un contexte européen et international complexe.

Mon vœu très concret pour les patients français en 2019 : que les 84 produits ou nouvelles indications approuvés en 2018 par l’EMA soient disponibles dans les meilleurs délais.

 

 

 

 

 

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