L’étude internationale COH-FIT propose une première radiographie comparée des impacts psychologiques de la pandémie et des stratégies d’adaptation
Lancée en avril dernier, l’étude COH-FIT (Collaborative Outcomes study on Health and Functioning during Infection Times) est une vaste enquête internationale concernant les populations des pays touchés par la pandémie de coronavirus (COVID-19). Son but : évaluer l’impact de la pandémie sur la santé physique et mentale de la population et identifier les facteurs de risque et de protection pouvant contribuer à la création de programmes de prévention et de traitement.
Alors qu’un rebond épidémique touche l’Europe, COH-FIT livre de premiers résultats préliminaires et appelle à une nouvelle campagne de participation à l’enquête en France.
Plus de 100.000 participants dans le monde
Impliquant près de 200 chercheurs, cette enquête a été approuvée par de nombreuses organisations professionnelles nationales et internationales. Elle est conduite dans plus de 40 pays sur 6 continents et dans 25 langues. A ce jour, elle a recueilli les informations anonymes de plus de 100.000 participants (adultes, adolescents et enfants – 6 ans et plus).
Ces informations portent sur le statut démographique et socio-économique, la santé physique et mentale, le bien-être, le fonctionnement, les facteurs émotionnels / psychologiques, comportementaux et environnementaux, l’accès à la santé, l’observance du traitement, la télésanté, les opinions personnelles sur les mesures de réponse à la pandémie et les stratégies d’adaptation individuelles.
Des résultats préliminaires en France : les femmes et les jeunes davantage impactés
Les premières données recueillies dans 14 pays ont été extraites concernant 10 pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, France, Grèce, Hongrie, Royaume-Uni), le Brésil, les Etats-Unis, la Turquie et l’Australie. Elles nous renseignent sur les impacts psychologiques de la pandémie sur les populations, le niveau de satisfaction à l’égard des gouvernements et les stratégies d’adaptation adoptées par les participants.
En France, 2580 répondants, âgés de 33 à 59 ans, dont 67% sont des femmes, ont participé à l’enquête, situant la France dans la moyenne des autres pays. Les résultats témoignent d’un impact psychologique de la crise sanitaire sur les participants : on observe en effet un essor des états de stress, de solitude et de colère chez 20 à 25% des répondants par rapport aux deux semaines précédant l’enquête et la période avant la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. Ces résultats sont variables selon le genre et l’âge des répondants.
Les femmes sont davantage concernées que les hommes : elles sont 27% à ressentir un stress accru (contre 14% des hommes) et 23% à rapporter un sentiment de solitude plus important (contre 12% des hommes). Les jeunes apparaissent également comme une population plus sensible aux impacts psychologiques de la crise sanitaire : 25% d’entre eux indiquent également une solitude accrue.
Le sentiment de colère est quant à lui à peu près identique chez les femmes (24%) et chez les jeunes (22%). Les données françaises sont assez semblables à celles recueillies dans les autres pays sur ce point, à l’exception notable de la Grèce qui rapporte des taux élevés de stress, de solitude et de colère (66% des participants). Partout, les femmes et les jeunes semblent plus réceptifs aux effets psychologiques de la crise sanitaires.
En France, 33% des participants se déclarent très satisfaits de l’action du gouvernement (indépendamment du genre et de l’âge). On observe sur ce point des disparités très importantes d’un pays à l’autre. Les pays dans lesquels la satisfaction est la plus forte sont la Grèce (98% des répondants), le Danemark (75%), l’Allemagne et l’Australie (respectivement 70%) et l’Autriche (60%). Dans la plupart des pays, le niveau de satisfaction semble augmenter avec l’âge des répondants.
Enfin, les stratégies d’adaptation utilisées sont diverses. Celles-ci recouvrent l’ensemble des actions qu’un individu ou qu’un groupe mettent en œuvre afin de résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés. En France, 50% des répondants déclarent avoir eu un recours plus important aux médias. Ce phénomène est observé dans l’ensemble des pays (dans des proportions toutefois variables) et concerne davantage les femmes et les jeunes. Parmi les autres stratégies d’adaptation plébiscitées, en France comme à l’étranger, on retrouve prioritairement l’exercice physique, l’usage d’internet, les réseaux sociaux ou les contacts interpersonnels. Un recrutement à poursuivre et élargir en France
« Ces résultats méritent d’être affinés », précise le Pr Philip Gorwood (GHU Paris, Université de Paris), l’un des coordonnateurs de l’étude en France, « et nous avons besoin d’élargir le nombre de répondants pour avoir une perception plus fine des facteurs de risque et des facteurs de protection parmi la population. »
« La méthodologie d’enquête prévoyait initialement trois vagues d’enquêtes mais le succès de la collaboration internationale comme le décalage dans le temps de l’extension de l’épidémie ont modifié la temporalité des différentes vagues d’enquête de l’étude », explique le Pr Pierre-Michel Llorca (Université d’Auvergne, Fondation FondaMental).
« Aujourd’hui, l’un de nos objectifs est notamment de renforcer l’inclusion d’enfants et d’adolescents. Les premiers résultats indiquent que les jeunes vivent plus mal cette situation et nous savons par ailleurs que nombre de troubles psychiatriques surviennent à cette période, indépendamment d’un contexte de crise sanitaire. Mieux comprendre ce qui se joue dans ces âges est essentiel », précise le Pr Marie-Odile Krebs (GHU Paris, Université de Paris, Institut de psychiatrie).
Participer à l’enquête : https://www.coh-fit.com/?lang=fr