Santé humaine
Édito
Les premières molécules contre le vieillissement seront bientôt disponibles !
En partenariat avec RTFlash
Confrontés depuis toujours aux inévitables outrages de l’âge et la crainte du vieillissement, l’homme n’a cessé depuis des temps immémoriaux de chercher le mythique « élixir de jouvence » qui lui permettrait à la fois de vivre beaucoup plus longtemps et de conserver sa jeunesse.
Cette quête est restée pendant des siècles du domaine de la mythologie puis de la science-fiction mais, depuis une vingtaine d’années, des avancées majeures dans la connaissance des mécanismes biologiques et génétiques fondamentaux liés au vieillissement ont permis de découvrir et d’expérimenter plusieurs substances et molécules qui semblent être en mesure, lorsqu’elles sont utilisées dans un cadre scientifique et médical strictement défini, de pouvoir ralentir sensiblement certains effets du vieillissement chez l’homme.
Parmi ces médicaments prometteurs, on trouve par exemple la DHEA qui est une hormone stéroïde de la famille des androgènes, précurseur des hormones sexuelles masculines et, dans une moindre mesure des hormones féminines. Isolée pour la première fois en 1931 par le scientifique allemand Adolf BUTERNANDT (prix Nobel de Chimie 1939), la DHEA semblent jouer un rôle important, quoique encore non totalement élucidé, dans le processus du vieillissement. En 1958, le professeur Max Fernand JAYLE avait d’ailleurs montré qu’il existait une décroissance progressive des taux de DHEA dans l’organisme au fur et à mesure du vieillissement.
Il fallut cependant attendre 1994 pour que le professeur Samuel YEN, de l’Université de San Diego en Californie, montre, à l’occasion d’essais cliniques, qu’une prise régulière de DHEA par des sujets âgés entraînait des modifications biologiques, physiologiques et psychologiques allant à contre-courant du vieillissement de l’organisme.
En 2000, une étude réalisée en double aveugle sur 280 personnes par le Professeur Beaulieu et publiée dans les prestigieuses « Annales de l’Académie Américaine des Sciences » (voir PNAS) confirma que la prise régulière de DHEA pendant un an (à raison de 50 mg par jour) a des effets biologiques et physiologiques positifs en matière de prévention du vieillissement.
Deux études récentes ont également confirmé l’existence d’un lien entre les niveaux de DHEA et la probabilité de longévité exceptionnelle. Dans une étude japonaise, des chercheurs ont observé que les sujets ayant les niveaux sanguins de DHEA-S les plus élevés vivaient en moyenne presque trois ans de plus que leurs compatriotes présentant la concentration la plus faible de cette hormone. Dans une autre étude portant sur 940 participants suivis pendant 27 ans, les chercheurs japonais ont constaté que la baisse des niveaux de DHEA-S était corrélée avec une baisse de la longévité, uniquement chez les hommes. Il faut toutefois rappeler qu’une prise inconsidérée et prolongée de DHEA n’est pas sans conséquences sur la santé et peut entraîner des risques cardio-vasculaires ainsi qu’une augmentation du risque de certains cancers. Le Professeur Beaulieu, l’un des grands spécialistes mondiaux de la DHEA reste pour sa part persuadé que les effets bénéfiques anti-âge de la DHA (sous réserve qu’elle soit bien entendue administrée sous un strict contrôle médical) sont tout à fait réels et l’emportent largement sur les risques liés à la prise régulière de ce médicament.
Mais la DHEA n’est plus la seule substance qui semble posséder un véritable effet contre le vieillissement et de nombreuses autres molécules ont fait leur apparition au cours de ces dernières années et sont venus enrichir la gamme des médicaments « anti âge ». En mai 2014, une équipe de Harvard Stem Cell Institute scientifiques a par exemple découvert une protéine dans le sang, baptisée GDF-11, qui semble capable de rajeunir de manière spectaculaire le cœur de souris âgées. « Le rajeunissement des cellules cardiaques s’est effectué à une vitesse impressionnante » souligne le Docteur Richard T. Lee, cardiologue à l’Hôpital Brigham and Women (Voir Science).
Selon Doug Melton, co-auteur de cette étude, « Il est presque certain, au moins chez l’animal, que la GDF11 possède d’incroyables capacités de restauration des muscles vieillissants et de la fonction cérébrale ». Cette capacité de régénération tiendrait au fait que GDF-11 agit à la fois en rajeunissant les cellules souches et en réparant les dommages que le vieillissement cause à l’ADN.
Ces chercheurs espèrent parvenir d’ici 5 ans à reproduire ces découvertes sur un modèle humain et ils sont persuadés que les champs d’application de leur découverte sont immenses et concernent tous les domaines de la biologie et toutes les pathologies liées au vieillissement, maladies cardio-vasculaires et inflammatoires, maladies neurodégénératives, problèmes osseux et musculaire notamment.
En juin 2014, une étude réalisée par des chercheurs belge sur le ver C. elegans a montré que la metformine augmentait les dérivés réactifs de l’oxygène (ROS : reactive oxygen species). En grande quantité, ces derniers détruisent les cellules, mais à plus petites doses, rallongent la durée de vie de la cellule. Ce ver C. elegans est un excellent modèle de vieillissement car il vit seulement 3 semaines et est facile à étudier sur le long terme. Ces recherches ont montré que la metformine permettait d’augmenter la durée de vie de ces vers. Cet effet passe par un gène PRDX-2 qui code pour une enzyme antioxydante. Or ce gène est très présent dans beaucoup d’espèces dont l’homme. L’effet de la metformine sur l’allongement de la durée de vie pourrait donc aussi passer par PRDX-2 chez l’homme (Voir Research Gate).
En juin dernier, après plus de 20 ans de recherche, des chercheurs américains de l’Université Northwestern, associés à des chercheurs japonais de l’Université de Tohoku, dirigés par le professeur Vaughan, ont mis au point un médicament qui pourrait permettre de retarder sensiblement les effets du vieillissement. Ces travaux ont permis de montrer que les cellules et tissus, qui perdent avec le temps la capacité de se régénérer et de sécréter certaines protéines indispensables, présentent une sorte de “signature” unique, appelée « senescence-messaging secretome ». Ces recherches ont également permis d’identifier l’une des protéines clés, baptisée PAI-1, impliquée dans ce processus de sénescence.
Travaillant sur des souris génétiquement modifiées pour présenter un vieillissement accéléré, les chercheurs ont pu constater une augmentation du taux de PAI-1 dans le sang et les tissus. Mais lorsque les souris sont traitées au TM5441, un antagoniste de PAI-I, l’activité de cette protéine se trouve sensiblement réduite et la durée de vie des souris traitées est alors quadruplée !
En juillet dernier, une autre étude réalisée par des chercheurs de l’Université de San Francisco et de l’Ecole de Médecine de Stanford a montré les effets très intéressants sur le vieillissement d’une molécule connue sous le nom de bêta-2 microglobuline, ou B2M. Cette molécule est un composant d’une molécule plus importante, baptisée CMH 1 (complexe majeur d’histocompatibilité de classe I), qui joue un rôle majeur dans le système immunitaire.
Selon Saul Villeda et Wyss Coray, qui ont codirigé cette étude, il y aurait une nette corrélation entre le niveau élevé de B2M dans le sang et le vieillissement et lorsque le B2M a été administré à des souris jeunes, soit via le système circulatoire ou directement dans le cerveau, les souris traitées ont produit moins de nouveaux neurones et ont vu leurs résultats aux tests cognitifs diminuer par rapport aux souris non traitées. Mais l’étude a également montré que ces effets de la molécule B2M étaient réversibles et pouvaient être annulées grâce à l’administration de certains médicaments.
En octobre dernier, des chercheurs autrichiens de l’Université de médecine de Paracelse (Salzbourg), ont montré qu’un médicament, le Montelukast, utilisé pour traiter l’asthme ou les allergies pourrait ralentir voire même inverser la détérioration des cellules du cerveau (Voir New Scientist).
L’expérience a été effectuée sur des rats, auxquels les chercheurs ont fait passer des tests de mémoire et d’intelligence. Placés dans une bassine d’eau, ceux-ci ont été évalués sur leur capacité à trouver une sortie cachée. Le médicament a été donné pendant 6 semaines aux rats les plus âgés qui ont fini par retrouver des capacités cognitives aussi performantes que celle des rats plus jeunes…
Selon le neuroscientifique Ludwig Aigner, le Montelukast bloque les récepteurs du cerveau qui entraînent l’inflammation responsable de l’apparition de certaines maladies neurodégénératives liées à l’âge. Ce médicament a notamment permis de réduire de 80 %, chez des rats âgés, l’inflammation de leurs récepteurs, ce qui a eu pour effet de relancer la production de nouveaux neurones dans leur cerveau.
En expérimentant de nouvelles molécules sur des modèles de souris présentant la maladie d’Alzheimer, une autre équipe américaine du Salk Institute, dirigée par Antonio Currais, a identifié il y a quelques semaines une molécule qui ralentit l’horloge sur les principaux aspects du vieillissement (Voir Aging). Ce médicament expérimental, baptisé J147, améliore sensiblement l’angiogenèse dans le cerveau et semble capable de restaurer la mémoire et certaines capacités cognitives.
Testée chez la souris, cette molécule diminue sensiblement le niveau d’inflammation et le stress oxydatif ; elle améliore non seulement la mémoire et la cognition mais également la capacité motrice. Elle réduit de surcroît les effets pathologiques de la maladie d’Alzheimer dans le cerveau.
Il faut également évoquer des résultats encourageants obtenus chez la souris grâce à une autre molécule anti-âge, la rapamycine. Les professeurs Kaeberlein et Promislow de l’Université de Washington à Seattle ont d’ailleurs décidé de lancer un essai clinique destiné à démontrer que la rapamycine, habituellement prescrite pour éviter les rejets en cas de greffe, pourrait permettre aux chiens de vivre plus longtemps. La rapamycine est d’autant plus intéressante qu’elle ne permettrait pas seulement d’allonger l’espérance de vie, mais pourrait également améliorer les fonctions de l’organisme qui tendent à décliner avec l‘âge. La rapamycine permettrait notamment d’améliorer le fonctionnement du système immunitaire et de diminuer le risque de cancer.
Soulignons enfin une autre piste de recherche plutôt iconoclaste mais très intéressante, dévoilée il y a quelques semaines (Voir Medical Daily) par un scientifique russe, Anatoli Brouchkov qui travaille à l’Université de Moscou. Ce chercheur n’a en effet pas hésité à s’inoculer il y a deux ans une bactérie baptisée Bacillus et découverte en 2009 dans les sols gelés de Yakoutie en Sibérie. Selon lui, cette bactérie aurait eu des effets remarquables sur la souris, au cours d’essais récents réalisés par Viktor Chernyavsky, épidémiologiste, et pourrait notamment ralentir le vieillissement et doper le système immunitaire. Désireux de montrer que les effets bénéfiques de cette bactérie étaient transposables à l’homme, il a donc décidé de s’injecter la bactérie et affirme qu’il se sent « en pleine forme et n’a pas été malade une seule fois depuis deux ans »…
Au-delà de l’aspect anecdotique de cette information, ces travaux, bien qu’encore très empiriques, ouvrent une voie de recherche tout à fait passionnante qui rejoint d’ailleurs celle concernant l’influence du microbiote (flore intestinale) sur la longévité humaine et la qualité du vieillissement.
Nous devrions donc pouvoir disposer, au cours de la prochaine décennie, de médicaments dont l’action thérapeutique vise pour la première fois directement les processus biologiques du vieillissement, ce qui constitue une rupture scientifique et médicale majeure. Si l’on ajoute à ces différentes avancées d’autres ruptures scientifiques possibles liées aux thérapies géniques et cellulaires, il n’est plus utopique d’imaginer que l’espérance de vie en bonne santé et en pleine autonomie, qui a tendance à diminuer légèrement en Europe depuis une dizaine d’années, connaisse un nouveau bond en avant spectaculaire et dépasse les 100 ans au cours de ce siècle.
Nous devons dès à présent nous interroger sur les conséquences économiques, sociales, politiques et culturelles tout à fait considérables de cette révolution scientifique en cours. Il est en effet absolument capital que ces immenses progrès à venir puissent être accessibles à tous et concourent à rendre notre société non seulement plus prospère et performante mais également plus humaine et plus fraternelle…
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat