Toulouse, 1er juin 2023 – Un an après la signature de leur partenariat centré sur l’Intelligence Artificielle (IA), l’IUCT-Oncopole et l’IRT Saint Exupéry viennent de publier deux articles dans des prestigieuses revues internationales. Le premier, paru dans The Oncologist, concerne les résultats de la phase I de l’essai clinique prometteur STERIMGLI qui vise à évaluer une nouvelle stratégie combinant radiothérapie et immunothérapie. Grâce à des algorithmes d’IA, l’identification de nouveaux marqueurs (biologiques, moléculaires, d’imagerie, etc.) pourrait également bientôt permettre aux médecins de sélectionner les patients qui seront réceptifs à ce nouveau traitement combiné. Des premiers travaux, centrés sur la capacité par IA à reconnaître ou non des caractéristiques de biologie moléculaire (méthylation des enzymes de réparation de l’ADN) des glioblastomes à partir de données d’IRM, ont fait l’objet du second article publié dans Cancers.
L’indispensable recherche de nouvelles pistes pour lutter contre le glioblastome
Le glioblastome, dont le nombre de nouveaux cas en France est estimé entre 3 000 et 4 000 par an, est la tumeur primitive du cerveau la plus fréquente de l’adulte. Ce sont des tumeurs agressives et très infiltrantes. Ainsi, malgré un traitement combinant une chirurgie première (lorsqu’elle est possible), suivie d’une association d’une radiothérapie avec une chimiothérapie pour tuer les cellules cancéreuses restantes, les glioblastomes vont très souvent récidiver car les cellules tumorales sont d’emblée très résistantes aux traitements ou s’adaptent pour y échapper.
Les options thérapeutiques efficaces face aux récidives restent réduites.
L’une des options thérapeutiques pour le traitement des récidives est l’irradiation stéréotaxique hypofractionnée (hFSRT), un protocole de radiothérapie qui repose sur peu de séances, très ciblées et à haute dose. Les séances de radiothérapie provoquent la mort des cellules tumorales, mais induisent également l’expression des gènes PD-L1 et PD1 sur les tumeurs et les cellules immunitaires, ce qui peut expliquer les résistances aux traitements. Des études précliniques associant la radiothérapie stéréotaxique hypofractionnée à une immunothérapie anti-PD1 ont montré une capacité de stimulation de la réponse immunitaire avec des résultats prometteurs pour le traitement de rattrapage du glioblastome. L’équipe coordonnée par le Pr Elizabeth Moyal a ainsi émis l’hypothèse que la combinaison d’un anti-PD-L1 à une hFSRT pouvait représenter un traitement efficace pour lutter contre le glioblastome en récidive. L’équipe mise également sur l’IA, grâce à l’expertise du groupe de recherche d’Ahmad Berjaoui (expert IA, IRT Saint Exupéry), pour prédire au mieux la réponse individualisée des patients à ce traitement combiné.
STERIMGLI : une étude de phase précoce multicentrique portée par l’IUCT-Oncopole
L’étude STERIMGLI est un essai clinique de phase I/II (phase précoce) visant à évaluer l’absence de toxicité et l’efficacité d’une combinaison de trois fractions de radiothérapie en conditions stéréotaxiques avec une immunothérapie adjuvante anti-PDL1 (Durvalumab), chez les patients présentant une récidive de glioblastome. Les résultats, qui avaient été présentés en avant-première au fameux congrès de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) ainsi qu’au congrès de l’European Association of Neuro-Oncology (EANO), viennent de paraître dans la revue The Oncologist.
« La ré-irradiation stéréotaxique hypofractionnée associée au Durvalumab s’avère bien tolérée par les patients inclus dans cette étude de phase précoce » indique le Pr Elizabeth Moyal. « Les résultats cliniques sont encourageants et nous ont permis de poursuivre nos recherches dans le cadre d’un essai de phase II randomisé afin d’évaluer l’efficacité de ce traitement sur la survie globale des patients. Cette phase II est d’ailleurs finalisée et son analyse pourra nous permettre de conclure prochainement sur l’efficacité de cette combinaison thérapeutique ».
L’analyse multimodale pour identifier les patients pouvant tirer bénéfice de ce nouveau traitement
Le projet STERIMGLI ambitionne également de mettre en évidence, via l’étude nationale SI2GMA financée par la fondation ARC sur le programme SIGN’IT, des marqueurs prédictifs de la réponse à l’immunothérapie combinée à la radiothérapie, à partir de l’analyse des données collectées auprès des patients dans le cadre de l’essai clinique : données d’imagerie, de génétique, de biologie cellulaire et moléculaire. Des échantillons sanguins collectés avant la mise sous traitement puis pendant celui-ci, permettent d’analyser la composition en protéines (notamment de cytokines) et de rechercher le contenu des exosomes (des vésicules secrétées par les cellules cancéreuses pour communiquer à distance avec d’autres cellules) ou de réaliser un suivi immunologique (immuno-monitoring). La protéine PD-L1 exposée à la surface des cellules cancéreuses est détectée sur les prélèvements tumoraux effectués lors du diagnostic ou lors d’une ré-opération en cas de récidive. La quantité de mutations sur l’ADN des cellules cancéreuses est aussi évaluée pour apprécier la réponse à l’immunothérapie. Enfin, un algorithme d’IA multimodal[1] a été entraîné par l’équipe de l’IRT Saint-Exupéry et a analysé toutes les IRM des patients traités, ainsi que les données des cytokines sanguines tout au long du traitement, afin d’identifier les patients ayant un profil similaire de réponse au traitement combiné et ce, dans le but de prédire cette réponse.
« L’ambition de cette analyse par apprentissage profond (deep learning) est de parvenir à définir par ces données multimodales des patients susceptibles de répondre efficacement à cette association de radiothérapie stéréotaxique hypofractionnée et d’immunothérapie. L’idée est de pouvoir aider le praticien dans sa prise de décision thérapeutique » explique Ahmad Berjaoui, expert en traitement de données à l’IRT de Toulouse. « La méthodologie a été testée et approuvée dans le cadre cette phase I et sera appliquée aux résultats de la phase II qui seront obtenus à partir d’une centaine de patients ».
Spécialiste en neuro-oncologie et radiothérapie, le Pr Elizabeth Moyal est Cheffe du département de radiothérapie de l’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse-Oncopole (IUCT-Oncopole) et responsable de l’équipe Inserm RADOPT du Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse (CRCT). Plusieurs membres de son équipe participent à ce projet, notamment le Dr Valérie Gouaze-Andersson, le Dr Soléakhéna Ken, le Dr Lucie Piram et le Pr Solène Evrard. En collaboration avec l’équipe du Dr Benjamin Lemasson, chercheur Inserm à l’Institut des Neurosciences à Grenoble et spécialiste de l’imagerie, certains de ces chercheurs ont réalisé d’autres analyses à partir des données d’IRM multimodales pour étudier, notamment, la capacité de ces images à discriminer les progressions des pseudo-progressions et ainsi mieux évaluer l’efficacité de ce traitement à l’étude.
Ce projet est également réalisé en collaboration avec le Pr Maha Ayyoub, responsable de l’équipe T2i du CRCT et spécialiste reconnue de l’immuno-monitoring. L’étude statistique de l’efficacité de cette combinaison thérapeutique est menée par l’équipe du Dr Thomas Filleron, responsable de la plateforme de biostatistiques HBHDS de l’IUCT-Oncopole.
Enfin, l’équipe de l’Institut de Recherche Technologique (IRT) Saint Exupéry travaillant sur ce projet et de nombreux autres en collaboration avec l’équipe du Pr Moyal, est quant à elle dirigée par Ahmad Berjaoui et implique d’autres chercheurs tels que le Dr Eduardo Hugo Sanchez, Louis Roussel, Mehdi Zouitine, et Lucas Robinet.
Lien vers l’article publié dans The Oncologist
Lien vers l’article publié dans Cancers
[1] Un algorithme de traitement de données multimodal exploite les corrélations entre des données de nature différente (par exemple image et texte) afin d’en extraire l’information commune et pertinente. Ces algorithmes reposent sur de très grands réseaux de neurones avec des couches d’ « attention », permettant de repérer précisément les liens entre chaque modalité et les données observées (ici, les temps de survie et de récidive des patients).
Présentation vidéo du Projet STERIMGLI