Santé humaine
Édito
Les vaccins : plus que jamais un outil préventif et thérapeutique majeur !
Vendredi, 28/07/2017 –
Edito du Sénateur René Trégouët, en partenariat avec RTFlash
Chacun sait que les vaccins constituent une arme préventive irremplaçable contre de nombreuses maladies et qu’ils permettent de sauver, selon l’OMS, entre deux et trois millions de vies par an dans le monde, dont une moitié d’enfants.
Pour la seule rougeole, maladie très contagieuse, l’amélioration de la couverture vaccinale au niveau mondial a permis de réduire des trois quarts le nombre annuel de nouveaux cas, qui est tombé en 15 ans à 114 900. Une étude de l’OMS estime à 17,1 millions le nombre de vies sauvées depuis 2000, en grande partie grâce à l’augmentation de la couverture vaccinale contre cette maladie virale hautement contagieuse.
S’agissant de l’hépatite B, responsable d’environ 900 000 morts par an dans le monde, la généralisation progressive d’un vaccin, disponible depuis 1982, a permis de couvrir environ 84 % des enfants. Résultat : la proportion d’enfants infectés est passée de 4,7 % avant son introduction au cours des années 1980 et 1990 à 1,3 % au niveau mondial en 2015, selon l’OMS, et à 3 % en Afrique.
Il faut également évoquer les effets extrêmes bénéfiques du vaccin contre la grippe. Celui-ci, même s’il ne confère jamais de protection totale contre cette maladie et même si son efficacité varie sensiblement d’une année sur l’autre, a permis, sur le long terme, une réduction considérable de la mortalité due à cette pathologie virale très contagieuse. A cet égard, la remarquable et rigoureuse étude réalisée en 2010 par France Meslé (INED) a montré qu’en France, le nombre moyen de décès provoqués chaque année par la grippe (qui se situait entre 10 000 et 20 000 dans les années 60) a été divisé par dix en 40 ans, grâce à la généralisation de la vaccination. Rappelons également que cette vaccination contre la grippe a des effets indirects très bénéfiques, puisqu’elle diminue de moitié chez les personnes âgés les risques de problèmes cardio-vasculaires, comme l’a montré en 2013 une étude portant sur 6 735 seniors, réalisée par le Professeur Jacob Udell, de l’Université de Toronto.
Aux vaccins traditionnels contre la diphtérie, la rougeole, la tuberculose, le tétanos ou la poliomyélite sont venus s’ajouter, depuis quelques années, de nouveaux vaccins très attendus contre les méningites d’origine bactérienne et le rotavirus, responsable de graves diarrhées infantiles, deux maladies qui entraînent le décès d’au moins 300 000 personnes par an dans le monde.
Des essais cliniques menés en Afrique ont montré que les vaccins antirotavirus permettaient de réduire de 60 le nombre d’infections sévères à rotavirus chez les nourrissons de moins d’un an. Quant à la méningite à méningocoque du groupe A (représentant 90 % des épidémies de méningite en Afrique), qui avait tué plusieurs dizaines de milliers de personnes en Afrique dans les années 90, elle a pu être pratiquement éradiquée de la région sahélienne entre 2010 et 2015, grâce à une campagne massive de vaccination. Comme le souligne le docteur Yvan Hutin, du programme mondial sur les hépatites de l’OMS, « Nous commençons à voir des générations sans hépatite B grâce à la prévention par le vaccin ».
Il faut également évoquer l’expérimentation à grande échelle en cours d’un vaccin contre le paludisme (Le Mosquirix) au Kenya, au Ghana et au Malawi. Bien que le nombre de décès dus au paludisme ait été réduit de moitié dans le monde entre 2000 et 2015, cette maladie transmise par un parasite (Plasmodium falciparum), par l’intermédiaire de moustiques-femelles, provoque encore la mort d’environ 500 000 personnes par an. C’est pourquoi le vaccin en phase finale d’essai est particulièrement attendu car, même s’il ne confère pas une protection totale contre cette maladie, il permet de réduire de 40 % le nombre d’épisodes paludiques, notamment les épisodes « graves » nécessitant une hospitalisation. La généralisation de ce vaccin dans les régions les plus à risque devrait donc permettre, en synergie avec les autres mesures de lutte contre cette pathologie, de sauver chaque année plusieurs centaines de milliers de vie.
Signalons enfin le vaccin contre la dengue, responsable de plus de 20 000 morts par an dans le monde, mis au point par Sanofi-Pasteur et disponible depuis 2016. Plusieurs études cliniques à grande échelle ont montré que ce vaccin contre la dengue permet de prévenir deux-tiers des cas de dengue et permet également d’éviter 93 % des cas de dengue sévère comme la forme hémorragique potentiellement mortelle.
Mais à côté des vaccins préventifs, il existe également, ce qui est beaucoup moins connu, une panoplie de plus en plus large de vaccins dits « thérapeutiques », c’est-à-dire capables, une fois la maladie présente, de s’attaquer spécifiquement à celle-ci. Plusieurs de ces vaccins thérapeutiques sont actuellement expérimentés contre différentes formes de cancer et ils suscitent de grands espoirs. La société biopharmaceutique française, Invectys, est en première ligne dans ces recherches de pointe. Son vaccin INVAC-1 utilise de l’ADN pour cibler la télomérase, une enzyme-clé dans la réplication de l’ADN et la division des cellules cancéreuses.
Dans ce nouveau type de vaccin, l’antigène utilisé est directement produit par la cellule tumorale, ce qui permet d’obtenir des réponses immunitaires spécifiques. Autre avantage : ces vaccins à base d’ADN sont peu onéreux à produire. La grande innovation de ce vaccin est qu’il repose sur la technique d’électroporation de l’ADN, une méthode qui multiplie par 1 000 l’entrée de l’ADN, ce qui permet à la fois de réduire la quantité de vaccin utilisée et d’augmenter son efficacité.
Testé sur 20 patient atteints de cancers à des stades très avancés et métastatiques de tumeurs solides, ce vaccin INVAC-1 a permis, sans provoquer d’effets indésirables, d’obtenir une nette amélioration du taux de survie des patients, puisque 60 % d’entre eux étaient toujours en vie entre 12 et 28 mois après la première dose vaccinale. Forts de ces bons résultats, les chercheurs s’apprêtent à commencer un essai clinique de phase II de ce vaccin thérapeutique sur un plus grand nombre de patients.
Toujours en matière de vaccins thérapeutiques contre le cancer, des chercheurs de l’Inserm se sont récemment demandé si la voie classique qui consiste à administrer des vaccins thérapeutiques contre les cancers par voie intramusculaire ou sous-cutanée était bien la plus efficace. Selon ces travaux, il semble qu’en fait, la voie nasale, qui permet de stimuler une population particulière de lymphocytes T « mémoires », soit bien plus efficace contre certains cancers.
Présentes dans les muqueuses au niveau des voies respiratoires, digestives, pulmonaires et génitales, mais aussi dans la peau, ces cellules T« mémoires » possède l’intéressante propriété, une fois qu’elles ont été activées par la rencontre avec un agent pathogène, de s’attaquer à cet intrus avec une particulière agressivité. En outre, autre propriété remarquable, ces cellules « Trm » (TissueResident memory) restent à l’endroit même où elles ont été activées.
Ces recherches ont montré qu’un vaccin stimulant ces lymphocytes T-CD8 contre certains types de cancer et administré par voie nasale déclenche une réponse immunitaire bien plus vigoureuse contre les cellules cancéreuses. Concrètement, la croissance de tumeurs greffées était stoppée chez les souris vaccinées par voie nasale, alors que le même vaccin injecté par voie intramusculaire ne ralentissait la progression du cancer que chez la moitié des animaux. En outre, d’autres recherches récentes ont montré que la voie nasale pouvait également déclencher une réponse immunitaire dans les voies génitales, ce qui confirme l’hypothèse selon laquelle ces cellules Trm peuvent être activées à distance. Forts de ce succès, ces chercheurs ont débuté un nouvel essai clinique chez le singe et espèrent rapidement pouvoir débuter une expérimentation de cette nouvelle méthode de vaccination thérapeutique chez l’homme.
Mais si les vaccins préventifs et thérapeutiques ne cessent de se diversifier et de s’améliorer, la vaccination dans son ensemble, pourrait connaître, dans un futur proche, une révolution majeure avec l’arrivée des patchs-vaccins. Un essai clinique de phase I mené depuis 2015 par l’Emory University en collaboration avec le Georgia Institute of Technology, a constaté que la vaccination contre la grippe, avec des patchs semblables à un sparadrap avec des micro-aiguilles, était sans danger et bien tolérée par les participants à l’étude. Cette étude a en outre montré que ce patch de micro-aiguilles avait une efficacité et une durée de protection contre la grippe comparable à celle du vaccin classique et que les participants trouvaient ce patch bien plus simple et pratique à utiliser que l’actuel vaccin par injection. La Professeure Nadine Rouphael, qui a dirigé cette étude, souligne enfin que l’arrivée de ce nouveau type de vaccin, indolore, pratique et peu coûteux, pourrait permettre d’augmenter considérablement la couverture vaccinale, notoirement insuffisante, contre la grippe.
Depuis septembre 2016, une société française de biotechnologie, DBV Technologies a par ailleurs débuté à Genève, sur une soixantaine de personnes, une étude clinique de phase I sur un nouveau vaccin transcutané de rappel contre la coqueluche. Ce nouveau vaccin par patch a été conçu pour se substituer au vaccin de rappel recommandé aux patients à l’âge de 25 ans.
Enfin, il faut bien sûr évoquer le nanopatch mis au point, après 10 ans de recherche, par le chercheur australien, Mark Kendall, de l’Université du Queensland. Composé de 20 000 nano-aiguilles, ce nano-patch diffuse directement le principe actif du vaccin aux cellules du système immunitaire de la peau.
Ces différents patch-vaccins, actuellement en phase avancée d’expérimentation vont faire entrer la vaccination de masse dans une nouvelle ère car ils représentent quatre avancées décisives : premièrement, en supprimant l’usage de la seringue, ils éliminent les risques, parfois dangereux, de contamination par certains virus. Ensuite, ces patchs n’ont plus besoin d’être conservés au froid et conservent toute leur efficacité à température ambiante pendant un an et pendant deux mois et demi à 37 degrés Celsius. Troisièmement, les vaccins par patch ne contiennent pas d’adjuvants et nécessitent 100 fois moins de quantité de vaccin que les vaccins classiques, par seringue, un progrès qui devrait permettre de vaincre les réticences de nombreux « vaccino-sceptiques » qui s’interrogent sur l’utilité et l’efficacité de la vaccination. Enfin, ces patchs sont en moyenne quatre fois moins chers que les vaccins classiques, un avantage évidemment décisif pour rendre accessible la vaccination de masse dans les pays pauvres.
Vaxxas, la société fondée par Mark Kendall en 2011, a conclu en 2014 un accord de partenariat avec l’Organisation Mondiale de la Santé et espère, après la fin des essais cliniques en cours, pouvoir commercialiser en 2020 le premier nano-patch-vaccin contre la poliomyélite.
Plus de deux siècles après les premières vaccinations contre la variole (première maladie épidémique totalement éradiquée du globe depuis 1977 grâce au vaccin) par ce géant de la médecine et bienfaiteur de l’Humanité que fut le scientifique anglais Edward Jenner, on ne peut que se réjouir que la vaccination, aujourd’hui malheureusement trop souvent contestée et remise en cause sur son principe même, connaisse ce nouvel élan, grâce aux remarquables avancées scientifiques, médicales et technologiques de ces dernières années.
L’arrivée prochaine de nouveaux vaccins préventifs et thérapeutiques encore plus efficaces et plus simples à administrer permettra, j’en suis convaincu, d’accomplir dans la décennie qui vient de nouvelles avancées médicales majeures dans la lutte et l’éradication définitive de plusieurs fléaux épidémiques comme la tuberculose, la poliomyélite, la diphtérie ou encore la rougeole ou le choléra. Souhaitons que notre Pays, patrie de Pasteur et de Yercin, parvienne à maintenir son excellence scientifique mondialement reconnue dans ce domaine stratégique des vaccins de demain.
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat