Santé humaine

Interview

« L’investissement et la formation : deux leviers clés pour améliorer l’attractivité de la France »

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biotech info articles philippe ivanes light Interview de Philippe Ivanes, président de Polepharma 

 

Philippe Ivanes dirige le plus grand site au monde de vaccin antigrippal pour Sanofi Pasteur à Val-de-Reuil, en Normandie. En septembre dernier, il a pris la présidence de Polepharma, qui fédère le premier bassin de production pharmaceutique en France. Son ambition partagée avec le cluster est de restaurer le leadership de l’industrie pharmaceutique française en Europe.

 

Qu’est ce qui caractérise le cluster et comment expliquez-vous sa dynamique aujourd’hui ?

Le cluster Polepharma, qui se développe rapidement, rassemble aujourd’hui plus de 220 adhérents et plus de 60 sites de production répartis sur les territoires de Normandie, du Centre-Val de Loire et d’Ile-de-France. Ses membres, avec leurs compétences, leurs expertises et leur engagement, constituent la force et la dynamique du cluster, qui s’organise aujourd’hui autour de quatre axes stratégiques de développement : la performance industrielle, la formation et la valorisation des compétences, les nouvelles technologies et les biomédicaments. Des axes toujours marqués par un même fil rouge : la coopération, la mise en commun, l’échange et le benchmarking pour avancer ensemble.

 

Pourquoi avoir accepté d’en prendre la présidence ?

Je suis adhérent et membre du conseil d’administration de Polepharma depuis quatre ans. Je travaille pour Sanofi, un leader mondial de la santé fortement ancré en France au travers de ses 34 sites, 25 000 collaborateurs, couvrant une dizaine de régions. Notre investissement dans les sites industriels s’élève à 1,3 milliard d’euros en cinq ans. Notre stratégie de groupe est alignée sur les priorités de Polepharma visant à améliorer la compétitivité et mettre en avant l’innovation. En tant que dirigeant de site industriel, mon ambition est également de développer le « made in France » et que notre pays retrouve son leadership en Europe. Mon action sera dans ce sens en ligne avec les précédents présidents, en continuant d’élargir le réseau.

 

Si l’on devait effectuer un benchmark européen des sites, quelles seraient – selon vous – leurs forces et faiblesses ?

Les autorités de santé placent la barre très haute pour les industriels français sur les exigences réglementaires, qu’il faut savoir anticiper pour ne pas être pénalisé. Mais nous avons de réels atouts face aux autres industries européennes grâce à notre recherche scientifique de pointe et nos expertises. Ce qui fait la différence dans la compétition internationale, c’est le savoir faire et la performance qu’il faut mettre en place à un moment donné. Nous avons besoin de flexibilité et d’agilité pour nous adapter aux besoins ponctuels de nos marchés. La mécanique administrative doit bien intégrer ces enjeux de façon à donner les moyens et garantir l’attractivité du pays.

 

Polepharma participe activement à la rédaction du nouveau contrat de filière visant à faire de la bioproduction une priorité nationale. En quoi le cluster peut-il aider à relever ce défi?

Les entreprises du médicament traversent depuis plusieurs années une profonde mutation. Un premier enjeu est de rattraper notre retard dans le domaine de la bioproduction. Nous avons un savoir faire et des compétences à valoriser pour assurer le futur de notre industrie. C’est un dossier que nous portons avec Polepharma, qui passe par la mobilisation des start-ups et des structures d’incubation comme le Biolab à Tours (Indre-et-Loire), pour attirer les talents dans les régions. Ces actions ne doivent pas occulter un second enjeu en terme d’emplois, qui est de maintenir et pérenniser la production en majorité de produits matures sur le territoire. Dans ce contexte, Polepharma va continuer de constituer une force de proposition auprès des pouvoirs publics pour améliorer l’environnement économique et juridique des entreprises.

 

Quelles évolutions vous semblent incontournables pour reconquérir un leadership industriel en Europe ?       

La France figure aujourd’hui dans le peloton de tête des pays compétitifs en matière de production pharmaceutique aux côtés de l’Allemagne, l’Italie, l’Irlande et l’Espagne.

Pour maintenir notre position, un premier levier vise à dynamiser l’investissement dans l’Hexagone. Nous pourrions nous inspirer du modèle canadien dans lequel le gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux investissent de façon conséquente dans les entreprises locales en démarrage. En l’espace de vingt ans, le Canada est ainsi devenu un chef de file dans la recherche et les essais cliniques.

Un second levier est la formation. Locomotive dans le secteur, Sanofi participe à construire une filière de formation biotech « made in France » en misant sur l’expertise d’écoles d’ingénieurs comme l’ENSTBB (Bordeaux) et Sup’Biotech en région parisienne, mais aussi l’IMT à Tours. Comme l’a montré notre présence lors de l’Usine Extraordinaire, nos cursus d’enseignement doivent s’appuyer sur les technologies de pointe comme les outils de l’Industrie 4.0, la blockchain ou encore l’Intelligence Artificielle (IA). Nous devons faire preuve de créativité pour attirer les nouveaux talents, mais aussi nous donner les moyens de relever de nouveaux défis à l’avenir.

 

Les développements actuels sur votre site de production et de distribution de Sanofi Pasteur à Val-de-Reuil peuvent-ils inspirer le cluster, la filière ?

Le site rassemble 2500 personnes dans la fabrication des vaccins. C’est le plus grand site au monde de vaccin contre la grippe. Pour continuer de s’aligner sur les marchés mondiaux, nous devons sans cesse assurer une compétitivité à haut niveau. Pour y arriver, nous misons sur les outils de l’Industrie 4.0 qui se sont révélés de véritables leviers de simplification, d’amélioration et d’anticipation. Nous travaillons avec des équipes au niveau du groupe et au niveau des sites pour ajuster les paramètres en dynamique afin d’avoir toujours un rendement optimal. Les valeurs de performance, robustesse et fiabilité sont des éléments fondamentaux du cahier des charges.

Les nouveaux outils permettent aussi d’apprendre nos métiers, parfois complexes, de façon uniforme et plus digitalisée. La mise en situation, avec la simulation, est efficace et pertinente pour modéliser les processus industriels et mieux anticiper. Nous sommes passés du tutorat sur les lignes de fabrication à la familiarisation à 99% grâce à l’outil digital. Nous l’avons mis en place sur un ou deux équipements et nous en voyons les bénéfices.

D’autres axes sont aussi explorés au sein du groupe dans les médicaments biologiques à partir du site pilote de Sanofi à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Nous avons plusieurs enjeux importants à relever au travers des biomédicaments visant à regagner une vraie autonomie sanitaire sur le territoire, une avance technologique pour notre industrie, et surtout permettre la personnalisation des thérapies.

 

Le gouvernement a-t-il pris la mesure des enjeux de la filière ?

Nous avons encore du travail devant nous dans le cadre du Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS) initié en juillet 2018 comprenant un ensemble de mesures pour notre compétitivité dont la mise en œuvre sera décisive. Il reste des lourdeurs administratives et comptables, faisant par exemple aujourd’hui de la France, un des pays européens les plus lents à mettre sur le marché les nouveaux médicaments après leur approbation européenne. Nous allons donc continuer avec Polepharma de mettre l’accent sur nos axes stratégiques, et en particulier l’investissement et la formation pour regagner une avance dans les nouvelles technologies et les biomédicaments. L’attractivité de la France en matière de production industrielle reste un enjeu majeur.