Si l’on définit l’innovation comme le processus visant la rencontre d’une invention et d’un marché, la recherche s’arrête là où cesse la production de connaissances pour elle-même (disons à seule vocation de publication). En santé cependant, une grande partie de la recherche clinique suit un objectif de recherche « et en même temps » un objectif d’innovation. En ce sens, une fondation qui soutient la recherche est aussi, nécessairement, une fondation qui soutient l’innovation.
La Fondation de l’AP-HP pour la recherche est opérationnelle depuis juillet 2016. Elle sollicite des donateurs (particuliers, entreprises, associations, fondations) pour financer des projets de recherche menés par les équipes de l’AP-HP. Elle gère également ces fonds issus du privé, et participe directement aux projets notamment en recrutant des personnels dédiés. En moins d’un an, ce sont plus de 2M€ qui ont déjà été fléchés vers les projets intéressant les mécènes. Comment une fondation qui collecte des fonds par la voie du mécénat concourt-elle alors à l’effort d’innovation de l’AP-HP ?
De trois manières. Premièrement, lorsque l’AP-HP acquiert du matériel innovant, la fondation peut la soutenir, que ce soit pour de gros équipements comme de plus petits. Deuxièmement, l’AP-HP peut être acteur d’innovation en incitant et soutenant ses équipes de recherche à entrer dans une dynamique d’innovation. Dans cette perspective, la Fondation déploie actuellement une campagne de levée de fonds pour soutenir le lancement de la Plateforme de Médicaments de Thérapies Innovantes (MTI), qui sera l’infrastructure indispensable à la confection de médicaments issus de l’ingénierie cellulaire et tissulaire. Les idées de nouvelles thérapies ne manquent pas. En revanche, pour innover, il faut pouvoir fabriquer les MTI. La Fondation vient ici en accompagnement des investissements importants déjà réalisés par les pouvoirs publics. Enfin l’AP-HP est un acteur naturel de l’évaluation des projets des autres innovateurs en santé. Dans le domaine des objets connectés (IoT) par exemple, le mécénat a permis d’accompagner la structuration d’une équipe pluridisciplinaire travaillant sur la méthodologie d’évaluation des IoT : intérêt médical, faisabilité technique (traitement du signal notamment), acceptabilité sociale (soignants et patients) et la crédibilité économique.
Dans le secteur de la santé, les fondations tracent donc un sillon commun au mécénat pour la recherche et à l’innovation. Mais leur rôle pourrait aller au-delà : en entrant au capital de start-up ou de plus grandes entreprises. L’Etat déplore de ce point de vue ce retard de la France (en santé, l’un des rares cas de fondation propriétaire est celui de Pierre Fabre). Ces deux évolutions sont à regarder de près, car elles forment un terreau fertile pour l’innovation en santé.
Tribune Libre de Rodolphe Gouin,
Directeur de la Fondation de l’AP-HP pour la recherche