Nosopharm et l’UIC (Université de l’Illinois à Chicago) développent une nouvelle classe d’antibiotiques qui vise à lutter contre l’antibiorésistance.
Cet antibiotique, identifié à l’origine par Nosopharm, est unique et prometteur pour deux raisons : sa source, qui n’est pas conventionnelle, et sa façon spécifique de tuer les bactéries. Ces deux éléments suggèrent que le composé peut être efficace pour le traitement des infections bactériennes résistantes aux médicaments ou difficiles à soigner.
Dénommés Odilorhabdines ou ODL, ces antibiotiques sont produits par une bactérie symbiotique que l’on retrouve dans les nématodes, des petits vers qui colonisent les insectes pour se nourrir. La bactérie aide à tuer l’insecte et secrète alors un antibiotique pour éloigner les bactéries concurrentes. Jusqu’à maintenant, on avait très peu étudié ces bactéries associées à des nématodes ou les antibiotiques qu’elles produisent.
Nosopharm a lancé le programme Odilorhabdines en 2011. Pour identifier l’antibiotique, les chercheurs de Nosopharm ont passé en revue 80 souches de la bactérie en recherchant une activité microbienne. Ils ont ensuite isolé les composés actifs, étudié leur structure chimique et la relation entre structure et activité, ainsi que leur pharmacologie, avant de concevoir des dérivés plus puissants.
L’étude scientifique publiée dans Molecular Cell décrit le nouvel antibiotique et, pour la première fois, son fonctionnement. Les auteurs principaux de l’étude sont Maxime Gualtieri de Nosopharm, et Alexander Mankin et Yury Polikanov de l’UIC. Ils ont effectué des recherches sur le mécanisme d’action de l’antibiotique et ont démontré que l’ODL agit sur le ribosome des cellules bactériennes. Le ribosome est la machinerie moléculaire des cellules, et synthétise les protéines nécessaires à leur fonctionnement.
« Les nouvelles classes d’antibiotiques comme les Odilorhabdines sont très difficiles à découvrir, mais très intéressantes à étudier, » indique Maxime Gualtieri, co-fondateur et directeur scientifique de Nosopharm. « Nos recherches sont concentrées sur la compréhension de la pharmacologie de cette nouvelle classe, et notamment sur l’explication de leur mode d’action. Nous avions déjà obtenu plusieurs résultats expérimentaux indiquant que la traduction bactérienne est la cible des ODL. A ce stade, nous avons fait appel à une expertise scientifique complémentaire pour étudier plus en détails le mécanisme d’action des molécules. C’est pour cela que nous avons mis en place une collaboration avec l’UIC. »
« A l’instar de nombreux antibiotiques utiles en clinique, les ODL fonctionnent en ciblant le ribosome », ajoute Yuri Polikanov, professeur assistant de sciences biologiques à l’UIC College of Liberal Arts and Sciences. « Mais les ODL sont uniques car elles se lient à un endroit du ribosome qui n’est pas utilisé par les antibiotiques connus. »
« Quand les ODL sont introduites dans les cellules bactériennes, elles affectent la capacité de lecture du ribosome et l’induisent en erreur au moment de la synthèse de nouvelles protéines », ajoute Alexander Mankin, directeur du Center for Biomolecular Sciences à l’UIC College of Pharmacy. « Ce codage erroné corrompt la cellule bactérienne avec des protéines défectueuses et entraîne sa mort. »
De nombreux antibiotiques sont capables de ralentir la croissance bactérienne, mais les antibiotiques qui tuent réellement les bactéries, appelés antibiotiques bactéricides, sont rares, selon Alexander Mankin.
« Le mécanisme bactéricide des ODLs et le fait qu’elles se lient à un site du ribosome qui n’est exploité par aucun antibiotique connu, prouvent de façon claire que les ODL ont le potentiel de traiter les infections qui ne répondent pas aux autres antibiotiques », précise Alexander Mankin, qui est également professeur de chimie médicinale et de pharmacognosie au College of Pharmacy de l’UIC.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’antibiorésistance est l’une des plus grandes menaces actuelles pour la santé dans le monde. Elle contribue de manière significative à augmenter la durée des séjours à l’hôpital, ainsi que les dépenses de santé et la mortalité.
En France, les chercheurs de Nosopharm ont testé les composés ODL contre des pathogènes bactériens, dont plusieurs connus pour leur capacité à développer une résistance.
« Nous avons découvert que les composés ODL guérissaient des souris infectées par plusieurs bactéries pathogènes et qu’ils montraient une activité contre les pathogènes à Gram négatif et à Gram positif, notamment contre les entérobactéries résistantes aux carbapénèmes », souligne Maxime Gualtieri, co-auteur de l’étude et directeur scientifique chez Nosopharm.
Les entérobactéries résistantes aux carbapénèmes, ou ERC, sont une famille de germes qui présentent des niveaux de résistance aux antibiotiques très élevés. Une étude suggère que les ERC, que l’on retrouve principalement dans des infections sanguines et des infections du site opératoire, contribuent au décès de près de 50% des patients infectés.
Selon les chercheurs, cette étude scientifique est un bel exemple de la collaboration croissante entre disciplines scientifiques et pays, qui est nécessaire pour combattre la menace croissante de la résistance aux antibiotiques dans le monde.
« En tant que société de biotechnologies, Nosopharm doit se concentrer sur le développement pharmaceutique des ODL », précise Philippe Villain-Guillot, Président du directoire de Nosopharm. « Les collaborations avec des universitaires ayant une expertise reconnue dans le domaine des antibiotiques comme l’équipe de l’UIC sont bénéfiques pour notre développement préclinique et viennent renforcer la crédibilité de nos recherches. »
NOSO-502, le premier candidat clinique des Odilorhabdines, est la molécule la plus avancée du portefeuille de Nosopharm. La société prévoit de démarrer les premiers essais cliniques chez l’homme en 2020.
Les personnes suivantes ont participé à la recherche financée par Nosopharm : Lucile Pantel, Emilie Racine, Matthieu Sarciaux, Marine Serri, Jessica Houard et André Aumelas de Nosopharm, Tanja Florin et Malgorzata Dobosz-Bartoszek de l’Université de l’Illinois à Chicago ; Jean-Marc Campagne, Renata Marcia de Figueiredo et Camille Midrier de l’Institut Charles Gerhardt Montpellier ; Sophie Gaudriault, Alain Givaudan et Anne Lanois de l’Université de Montpellier ; Steve Forst de l’Université du Wisconsin à Milwaukee, Christelle Cotteaux-Lautard et Jean-Michel Bolla de l’Université Aix-Marseille ; Carina Vingsbo Lundberg du Statens Serum Institut à Copenhague, au Danemark et Douglas Huseby et Diarmaid Hughes de l’Université d’Uppsala, en Suède.
A propos de Nosopharm
Nosopharm est une société de biotechnologies spécialisée dans la recherche et le développement de nouvelles molécules anti-infectieuses. La société a découvert et développé NOSO-502, un antibiotique de nouvelle génération dans le traitement des infections aux pathogènes hospitaliers multi-résistants. Nosopharm a développé une expertise unique dans la découverte de produits naturels bioactifs issus des genres microbiens Xenorhadbus et Photorhabdus, et en chimie médicale des odilorhabdines, la nouvelle classe d’antibiotiques à laquelle appartient NOSO-502.
Fondée en 2009, Nosopharm est basée à Lyon (France) et s’appuie sur une équipe de huit personnes. A ce jour, la société a levé 4,3M€ en capital privé et a reçu 3,8M€ d’aides publiques de Bpifrance, l’IMI, la DGA, la région Languedoc-Roussillon et FEDER.