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Communiqué de presse

Nouvel éclairage sur la dissémination de la résistance aux carbapénèmes chez Escherichia coli

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Escherichia coli (entérobactérie) en division. © Institut Pasteur/Antoinette Ryter

Certaines entérobactéries, parmi lesquelles Escherichia coli, sont capables de résister aux carbapénèmes, une classe d’antibiotiques d’ordinaire efficaces contre les infections les plus tenaces. Afin de savoir si cette forme de résistance est susceptible de se disséminer facilement dans la population, des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’AP-HP, de l’Université Paris Saclay, du CNRS, en collaboration avec le laboratoire du Centre national de référence de la résistance aux antibiotiques de l’hôpital Bicêtre AP-HP, ont décidé de reconstituer les différents scénarios d’acquisition de gènes de carbapénèmase chez E. coli. Ils ont ainsi pu montrer que l’acquisition de ces gènes de résistance nécessite le plus souvent de multiples étapes préalables, notamment des mutations spécifiques, pouvant contraindre leur émergence et leur dissémination. Leurs recherches ont été publiées dans Genome Medicine le 20 janvier 2020.

Les carbapénèmes sont des antibiotiques particulièrement efficaces, capables de venir à bout des bactéries et des infections les plus coriaces. Mais, depuis une vingtaine d’années, certaines bactéries comme les entérobactéries ont trouvé des parades pour résister efficacement à ces antibiotiques à large spectre. Leur méthode ? Produire une enzyme, une carbapénèmase, susceptible de couper et d’inactiver le carbapénème.

« Les bactéries à Gram négatif résistantes aux carbapénèmes sont particulièrement craintes par l’OMS qui les a classées comme “critiques” dans sa liste d’agents pathogènes prioritaires pour la recherche et développement de nouveaux antibiotiques », introduit Philippe Glaser, responsable de l’équipe Ecologie et évolution de la résistance aux antibiotiques de l’Institut Pasteur et du CNRS.

Parmi les entérobactéries productrices de carbapénémases se trouvent des souches de Escherichia coli. Responsables d‘infections urinaires, de septicémies ou de méningites notamment, leur dissémination dans la population est une préoccupation majeure de santé publique. C’est ainsi que l’équipe de Philippe Glaser en collaboration avec l’équipe de Thierry Naas, du service de microbiologie de l’hôpital Bicêtre AP-HP a souhaité éclaircir les facteurs contribuant à l’émergence et à la diffusion des lignées résistantes.

Pour comprendre la façon dont les bactéries E. coli acquièrent un gène de carbapénémase, et deviennent résistantes aux carbapénèmes, les chercheurs ont séquencé le génome de souches provenant du laboratoire du Centre national de référence de la résistance aux antibiotiques de l’hôpital Bicêtre AP-HP et regroupé toutes les séquences génomiques disponibles sur internet dans les banques de données publiques pour avoir une vision mondiale de la situation. Au total, plus de 12 000 souches ont été rassemblées. « Grâce à différentes méthodes informatiques et statistiques, nous avons identifié les évènements (présence de gènes de résistance ou de mutations) qui pouvaient favoriser l’acquisition d’un gène de carbapénémase chez E. coli, et nous avons établi les différents scénarios qui conduisent à l’apparition de la résistance aux carbapénèmes », explique Philippe Glaser.

Résultat : si l’acquisition d’un gène de carbapénémase peut-être sporadique chez certaines souches, elle survient souvent chez des souches d’ores et déjà multi-résistantes et à la suite de mutations spécifiques diminuant la sensibilité des bactéries aux bêta-lactamines – famille d’antibiotiques dont font partie des dérivés de la pénicilline mais aussi les carbapénèmes. « L’acquisition de ce gène de résistance, qui se fait étape par étape, est donc plutôt rare et compliquée, résume le chercheur. Cela limite la dissémination de souches de E. coli résistantes aux carbapénèmes dans la population avec néanmoins la possibilité d’émergence de souche à haut risque multi-résistantes et disséminant. »

Les chercheurs décrivent un autre résultat plutôt rassurant : la lignée pandémique de E. coli ST131, qui est actuellement la lignée résistante à de nombreuses bêta-lactamines la plus répandue dans le monde, ne contient pas les mutations qui précèdent l’acquisition du gène de carbapénémase. Autrement dit, ces bactéries n’ont pas, pour le moment, de prédisposition à devenir résistante au carbapénème. Enfin, les chercheurs ont mis en évidence que les mutations susceptibles de rendre les bactéries moins sensibles aux antibiotiques pouvaient s’échanger entre les souches, tout comme les gènes de résistance.

« Si les résultats de nos recherches sont assez rassurants quant à la dissémination de souches résistantes de E. coli, ils montrent aussi que certaines béta-lactamines peuvent contribuer à sélectionner des souches résistantes aux carbapénèmes. Par ailleurs, il existe un risque de voir émerger des souches multi-résistantes qui puissent disséminer dans la population. Il faut donc en tenir compte dans l’usage des antibiotiques, et dans la surveillance réalisée par le Centre national de référence, en collaboration avec Santé Publique France », conclut Philippe Glaser.

 

Stepwise evolution and convergent recombination underlie the global dissemination of carbapenemase-producing Escherichia coli, Genome Medicine, 20 janvier 2020

1,2Rafael PATIÑO-NAVARRETE, 1,2Isabelle ROSINSKI-CHUPIN$, 1,2Nicolas CABANEL, 1,3,4,5Lauraine GAUTHIER, 1,5Julie TAKISSIAN, 6Jean-Yves MADEC, 7Monzer HAMZE, 1,4,5Remy A. BONNIN, 1,3,4,5Thierry NAAS$ and 1,2Philippe GLASER$.

$ Contributed equally 1. Unité EERA, Institut Pasteur, APHP, Université Paris Saclay, 2. UMR3525, CNRS, 28 rue du Dr Roux, 75015, Paris, France; 3. EA7361 Faculty of Medicine of University Paris-Sud; 4. Department of Bacteriology-Hygiene, Bicêtre Hospital, APHP, 5. Associated French National Reference Center for Antibiotic Resistance, Le Kremlin-Bicêtre, France; 6. Université de Lyon – Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES), Unité Antibiorésistance et Virulence Bactériennes, Lyon, France. 7. Laboratoire Microbiologie Santé et Environnement (LMSE), Ecole Doctorale des Sciences et de Technologie, Faculté de Santé Publique, Université Libanaise, Tripoli, Lebanon.