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Pherecydes Pharma : en pointe de la phagothérapie

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Jérôme Gabard, PDG de Pherecydes Pharma
crédit : Bernard Plessy Photographe

Pherecydes Pharma collecte et caractérise des bactériophages – les virus des bactéries – à visée thérapeutique. Première mondiale : la phase clinique du projet Phagoburn a été autorisée par l’Agence Européenne du Médicament en France, en Suisse et en Belgique.

Elles sont peu nombreuses sur la ligne de départ du secteur économique de la phagothérapie, c’est-à-dire l’utilisation médicale de virus des bactéries pour lutter contre les infections. Pherecydes Pharma est la première en France à s’être lancée dans l’aventure. C’est un essaimage de l’entreprise d’innovation de modèles biologiques Bio-Modeling Systems, soutenu par ACE Management. Suite à la mise au point de trois brevets d’ingénierie des phages, elle a pris son envol fin 2008.

Jérôme Gabard, PDG actuel, explique les choix d’orientation de l’entreprise : « ces brevets permettaient de partir sur de la production de cultures, de la désinfection des matrices alimentaires, le diagnostic… il y a beaucoup de domaines d’application envisageables, y compris l’optimisation d’anticorps monoclonaux avec la technologie TAPE ». Il identifie le secteur de la lutte contre les résistances aux antibiotiques comme le plus porteur, une conclusion corroborée par le très fort intérêt reçu auprès de l’agence médicale européenne (EMA) qu’il rencontre fin 2009.

CAP SUR LA PHAGOTHÉRAPIE

Cependant, à la suite de cette réunion, l’EMA explique que les techniques de biologie moléculaire utilisées pour générer de la diversité dans les phages classeront les produits thérapeutiques de l’entreprise comme OGM. Cette étiquette risque de compliquer la réintroduction de la phagothérapie (1) dans les usages. Les discussions ultérieures avec des cliniciens décident Jérôme Gabard à mettre provisoirement de côté les technologies brevetées dont il dispose, et à collecter des phages naturels. Le revirement n’est pas facile à faire accepter à son conseil d’administration. Jérôme Gabard collecte le premier échantillon début 2010 dans le canal de l’Ourcq, près de son pied-à-terre parisien. Et passe rapidement des contrats avec les services des égouts de Paris et d’épuration du bassin parisien : « Ils nous aident énormément, ils ont très bien compris ce qu’on pouvait réussir à faire en trouvant des phages efficaces dans les eaux d’égout. […] Souvent ce sont des eaux qui sont récupérées dans les canalisations sous les hôpitaux. On récupère de la bactérie, et s’il y a de la bactérie il y a des phages autour ». À partir de ces échantillons, Pherecydes Pharma isole des bactériophages et caractérise les bactéries qu’ils ciblent. En effet, contrairement aux antibiotiques qui peuvent tuer un grand nombre d’espèces de bactéries, les phages ciblent spécifiquement une espèce, ou même seulement quelques souches bactériennes.

À cette fin, Pherecydes Pharma collabore avec l’hôpital Robert Debré à Paris pour travailler à partir d’une série de souches représentant la diversité génétique d’Escherichia coli. Le mélange, ou cocktail de phages retenu contre les E. coli pathogènes, comprend au final 13 phages différents. Par contraste, le cocktail conçu pour lutter contre le staphylocoque qui présente peu de variabilité ne nécessite que deux phages différents.

Ces mélanges originaux sont brevetés. L’entreprise se concentre sur la collecte et la caractérisation, et confie dès 2013 la production des phages à la société nantaise Clean Cells. Parallèlement, Pherecydes Pharma coordonne le projet européen de recherche Phagoburn (doté de 3,85 M€ sur 3 ans) lancé en juin 2013. Celui-ci a pour but l’évaluation de l’efficacité des phages sur les infections lors de brûlures chimiques. Les résultats chez les rats sont spectaculaires, tant sur l’efficacité que sur l’innocuité des phages. Le projet européen Phosa pour lutter contre les infections ostéo-articulaires a quant à lui été lancé au début de l’année. La société joue la transparence auprès des agences européennes dans le montage des dossiers qui concerne un domaine pharmaceutique nouveau pour tous. Et elle se réjouit de les voir aussi intéressées et réactives.

La phase clinique du projet Phagoburn a ainsi pu commencer début juillet 2015. Autorisés par l’EMA, les essais cliniques de phase I/II se déroulent dans 11 centres de grands brûlés en France, en Suisse et en Belgique ; ils sont coordonnées par l’Hôpital d’instruction des Armées Percy (2). Pherecydes Pharma espère obtenir des autorisations temporaires d’usage et pouvoir commencer à commercialiser ses produits dès la fin de la phase II, d’ici deux ans.

Maude Bernardet

(1) découverte et utilisée au début du XXième siècle, la phagothérapie a été supplantée dans les années 1940 par les antibiotiques, moins spécifiques et utilisables sans diagnostic précis.

(2) Les essais incluent 220 patients : 110 pour chacun des deux cocktails bactériophages anti-infectieux (E.coli et Pseudomonas aeruginosa) mis au point par la société

Fiche d’identité

  • Société : Pherecydes Pharma
  • Lieu : Biocitech, 93230 Romainville
  • Objet : Recherche et développement de phages lytiques à visée thérapeutique et diagnostique
  • CA : 1,57 M€ ; investissements : 2,3 M€ depuis la création dont financements publics DGA (projet Pneumophage) et FUI (projet Phosa) ; levée de fonds de 2,6 M€ auprès d’investisseurs privés en mars 2015
  • Effectifs : 9 personnes, 6 recrutements en 2016
  • Contact : Jérôme Gabard – contact@pherecydes-pharma.com /Tel : 0148406535
  • Site : www.fr.pherecydes-pharma.com