BiosécuritéAntibiorésistance

Interview

Sociétés de services de l’AFSSI : « Nous ne sommes plus uniquement des prestataires mais des partenaires. Nous partageons les mêmes valeurs et engagements avec les acteurs qui font l’innovation dans les Sciences de la Vie en France »

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medical blurred background, empty hospital corridor in neon blue light

 

Interview Hugues Contamin, président de l’AFSSI et CEO de Cynbiose

 

Les AFSSI Connexions ont eu lieu le 28 et 29 septembre dernier. Et quatre table-rondes ont été organisées en virtuel. En 2022, l’AFSSI fêtera ses dix ans et entend faire reconnaître son rôle déterminant de transformateur et de partenaire clé dans le développement des produits de santé des biotech et pharma.

 

Vous êtes le nouveau président de l’AFSSI, une association française qui regroupe les sociétés de service et d’innovation dans les sciences de la vie (L’AFSSI Sciences de la Vie, 1er Centre français de Recherche & d’Innovation en Santé). Vous interveniez lors de la deuxième table ronde des AFSSI connexions. Pourriez-vous nous présenter à nouveau l’AFSSI en quelques mots ?

L’AFSSI, l’Association Française des Sociétés de Services et d’Innovation pour les Sciences de la Vie est née en 2012 de la volonté de fédérer les sociétés françaises de services et d’innovation technologique (SSI) dans le domaine stratégique des Sciences du Vivant. L’association vise à regrouper tous les secteurs de la biotechnologie, chimie, environnement, cosmétologie, agroalimentaire, bioinformatique, et inclut le diagnostic et les essais cliniques. Il est vrai que nos SSI sont à part du fait de la spécificité de nos modèles économiques : ce ne sont pas des modèles de pures biotech qui vont lever des fonds pour développer des produits. Nous proposons des services de pointe pour les industries pharma et biotech, nous les améliorons, les développons et nous générons du chiffre d’affaires. Nos contraintes et nos spécificités sont liées à nos domaines d’activités. Nous sommes regroupés au sein de l’AFSSI depuis 2012, sur une initiative portée avec Philippe Genne, PDG d’Oncodesign, dont je faisais évidemment partie.

 

Qu’en est-il du nombre d’adhérents au sein de l’AFSSI ?

Nous comptons actuellement 130 sociétés adhérentes. Nous avons en France un potentiel de 300 SSI dans un domaine plus large que celui de la santé, puisque nous pouvons l’étendre à l’ensemble des sociétés de services dans les sciences de la vie, l’agro-alimentaire, la nutrition etc… Il n’y a pas un projet de développement d’une industrie pharmaceutique ou d’une biotech, qui ne passe pas par nous : nous sommes des transformateurs de toute cette innovation produite au départ par les biotechs et pharma. Sans nous, il n’y aurait pas de transformation dans ce secteur, ni de développement de nouveaux médicaments innovants.

 

Vous avez montré durant la crise de la Covid-19, la fiabilité de vos plateformes, leur qualité, leur d’expertise, leur diversité. Durant le confinement, vos sociétés de services ont continué leurs activités et leurs projets innovants ?

Oui, d’autant qu’il y a eu des consignes pour arrêter l’activité de certaines plateformes académiques durant le premier confinement. Au sein de l’AFSSI, nous avons tout fait pour continuer à fonctionner. Etant impliqué dans l’innovation et la recherche et proposant des services dans le domaine de la santé, il était indispensable que nous continuions à fonctionner et innover dans ce contexte-là. Comme le mentionnait Marc Essodaigui (PDG de la société ABM), dans une des table-ronde des AFSSI Connexions, « tous les efforts de recherche ont été focalisés sur le SARS-CoV-2, et il y avait de gros enjeux pour continuer les recherches sur d’autres thématiques (comme le cancer ou le diabète) qui n’ont pas été prolongées ».

 

Quels sont les problématiques portées en ce moment par l’AFSSI ?

L’enjeu pour l’AFSSI est donc celui d’une reconnaissance définitive de ce que nous apportons dans l’écosystème de l’innovation dans les Sciences de la Vie en France. Nous souhaitons souligner que les entreprises de service privées interviennent dans la continuité sur toute la chaîne d’expertise, depuis l’identification d’un lead jusqu’à la mise en œuvre des essais cliniques. Nos sociétés sont françaises. Si L’Etat met en place le plan d’innovation Santé, comme Lyse Santoro (PDG de société THAC et personnalité qualifiée du Conseil Stratégique Industries de la Santé, CSIS) nous l’a rappelé lors de la table ronde des AFSSI Connexions, avec un enjeu de souveraineté, d’ancrage sur le territoire, l’objectif est de faire en sorte d’en faire bénéficier les sociétés de services et d’innovation (SSI), et d’être intégrés au bon niveau et reconnus dans cet écosystème pour notre fiabilité et nos savoirs faire et expertises.

Nos sociétés de services sont également de plus grands pourvoyeurs d’emplois que les sociétés biotech. Nous générons du chiffre d’Affaires et nous recrutons des profils experts à grande ampleur, formés pour la majeure partie par les universités françaises. Les sociétés de services représentent 10 000 emplois en France, 1 milliard de CA cumulé et 300 sociétés.

 

Vous avez effectivement pointé le fait que l’AFSSI n’était pas associée aux réflexions du CSIS, alors que dans le plan santé 2030, une enveloppe de 7 milliards d’euros a été accordée à l’innovation sur 5 ans, avec des budgets très importants pour financer les filières en biothérapies, bioproduction, antibiorésistance et le développement préclinique. Vous y serez sans doute associés.

Nous devons être associés à tout. Lyse Santoro reconnaît que les sociétés de services sont des partenaires indispensables pour réaliser les programmes de R&D des sociétés de biotech et de l’industrie pharmaceutique. Or, nous regrettons de ne pas avoir participé aux réflexions de ce plan d’innovation. Il y a toujours un réflexe de la part des institutionnels, voire des donneurs d’ordre, de nous considérer comme des prestataires. Ils n’ont peut-être pas encore pris la mesure de la profonde mutation dans laquelle nous nous sommes engagés depuis des années et à quel point nous sommes incontournables dans l’innovation en santé. Il en va de même avec l’Alliance Française de Bioproduction lancée et coordonnée par le SGPI (Secrétariat Général Pour les Investissements). Nous avons rejoint les discussions alors que nous n’y avions pas été invités en amont, certainement par méconnaissance. Il y a toujours ce réflexe de la part de l’Etat de passer par les plateformes dédiées à des projets de recherche académique alors que nos sociétés sont les expertes de la mise en œuvre des études de R&D. Nous déplorons de ne pas être intégrés à cette réflexion, car sans nous il manque « un pied au tabouret des acteurs de l’innovation en santé en France ». Nous réclamons d’occuper cette place stratégique.

N’ayant pas participé à l’élaboration de ce plan de financement, nous sollicitons également de participer à  l’Agence de l’innovation en cours de création, ou tout du moins de travailler en étroite collaboration. Nous avons des propositions à faire, notamment sur l’orientation d’une partie de la commande publique vers les SSI. Ce financement public en plus d’être le témoin d’une reconnaissance nationale à ce que nos sociétés représentent dans l’écosystème de l’innovation en santé en France, ne peut que donner du souffle à nos activités en soutenant leur développement économique sur le territoire.

 

Joël Vacus, ancien président de l’AFSSI et son actuel vice-président, a dressé un bilan de son action lors de l’AG de l’AFSSI en juin dernier. Il a exprimé la satisfaction de l’AFSSI à propos d’une revendication que vous aviez au sujet de la mise en concurrence de vos plateformes privées avec les plateformes académiques publiques.

Cette problématique des relations avec les plateformes académiques a été un premier temps un des objectifs de notre association. Certes, il est légitime de mettre en place des équipements dont le secteur académique a besoin pour son fonctionnement et pour ses projets de recherche. Pour autant, la mise en place de plateformes académiques avec un budget alloué est ambigüe du fait de leur besoin d’être également rentable. Elles proposent alors des services sur un marché des études de R&D dans lequel nous nous situons majoritairement et pour lequel nous revendiquons toute l’expertise et les savoirs faire.

Nous avons mené des actions afin de sensibiliser les partenaires académiques et institutionnels pour que les prix appliqués soient les prix du marché. Il semblerait qu’il y ait une meilleure adéquation avec une politique de prix redéfinie.

Au sujet du Crédit Impôt Recherche, nous avons sensibilisé et mené un certain nombre d’actions pour que là-aussi il y ait une équité de traitement entre les plateformes académiques et nos sociétés. Il semblerait qu’avec l’abrogation du doublement du CIR, une réponse ait été apportée. Cependant, nous avons pris connaissance très récemment de la création du Crédit d’Impôt Collaboration, dispositif fiscal pour lequel nous aurions souhaité apporter notre contribution et notre point de vue, afin de proposer un outil qui permettent à tous les acteurs de l’innovation en santé en France de se développer de façon équilibrée et sereine. Nous serons donc d’être vigilants avec les autres associations françaises qui opèrent l’Innovation en France (France Innovation et l’AFCRO, en autres) afin que ce nouveau dispositif ne crée pas de distorsion de concurrence avec l’activité de nos sociétés.

 

Dans votre première table-ronde des AFSSI Connexions, vous avez pris l’exemple de l’université Paris Saclay pour illustrer cet exemple de mode de collaboration à mettre en place. Que vouliez-vous montrer ?

Il y a d’une part l’université Paris-Saclay et, d’autre part les projets en maturation développés sein de la SATT Paris-Saclay. Nous voulons travailler avec les Universités en prenant l’exemple d’un possible partenariat que nous souhaitons établir avec une grande université française comme l’Université Paris-Saclay. Aujourd’hui, l’AFSSI se positionne également comme un partenaire de la recherche académique et souhaite être force de proposition. Il y a en particulier des enjeux d’accès à l’emploi. Nos sociétés de service ont aujourd’hui des difficultés à recruter des techniciens, par exemple. Il est nécessaire de travailler en amont avec les universités qui ont cette vocation de formation pour sensibiliser les étudiants et les enseignants à nos métiers. Il faudrait que nous puissions avoir des liens à ces niveaux : c’est un enjeu majeur pour notre industrie, au même titre que collaborer ensemble sur des projets de R&D, voire d’opérer ensemble des plateformes académiques en apportant notre savoir-faire en matière de valorisation économique.

 

Bientôt les 10 ans de l’AFSSI ?

2022 va marquer les dix ans de l’AFSSI et nous en sommes très fiers. Nous espérons nous retrouver physiquement en juillet prochain lors des prochaines AFSSI Connexions, avec des personnalités de premier plan pour présenter notre bilan, discuter du futur de notre industrie, et défendre nos engagements, notamment en rapport avec ce plan d’innovation santé 2030.

 

Propos recueillis par Thérèse Bouveret