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Communiqué de presse

Table ronde « Etat des lieux et perspectives en matière de lutte contre l’ostéoporose et la perte d’autonomie »

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SYNTHESE DU DEBAT
Visioconférence – Mardi 01 février 2022

I- Propos introductifs

Madame la Députée Carole Bureau-Bonnard, Députée de l’Oise et Marraine de l’Alliance Nationale Contre
l’Ostéoporose

L’ostéoporose est une maladie chronique caractérisée par une diminution de la résistance de l’os qui touche
environ 3,8 millions de patients en France, soit une femme sur trois et un homme sur cinq après 50 ans1. Sans
prise en charge adaptée, elle peut entraîner des fractures de fragilité qui peuvent avoir de lourdes conséquences
et mener à une perte d’autonomie. En effet, le quart des seniors décède dans les 12 mois qui suivent une fracture
de fragilité du col du fémur2, et 24 % des personnes fracturées sont institutionnalisées en EPHAD à un an3. Ainsi, le coût total de l’ostéoporose est estimé à 5,4 milliards d’euros pour le système de santé4. Notons que le
vieillissement de la population entraînera certainement une hausse de ces fractures.

Il est plus que jamais temps de réfléchir ensemble à ce qui pourrait être mis en place collectivement pour faire
en sorte que le prochain quinquennat soit un moment fort de lutte contre l’ostéoporose, que ce soit au niveau
de la prévention, de la prise en charge des patients à risque, du parcours de soins, de l’identification de la maladie,
etc.

Madame Françoise Alliot-Launois, Vice-Présidente de l’Association Française de Lutte Antirhumatismale

La situation du système de santé ne nous permet pas d’aborder la prise en charge de l’ostéoporose de façon
pertinente et entraîne une perte de chance pour les patients. Cela se traduit par une forme d’inattention
thérapeutique et de désinformation des malades et du grand public aboutissant à un constat lourd : seulement 9
% des personnes atteintes d’ostéoporose sont aujourd’hui repérées et traitées.

L’ostéoporose avait pourtant été reconnue comme une maladie chronique prioritaire par le Président de la
République dans le plan Ma santé 2022. Cependant, il manque encore des mesures concrètes pour améliorer la
prévention et la prise en charge de la maladie.

Face à ce constat, l’Alliance National Contre l’Ostéoporose (ANCO) qui regroupe l’Association Française de Lutte
Antirhumatismale (AFLAR), la Société Française de Rhumatologie (SFR) et le Groupe de Recherche et
d’Information sur les Ostéoporoses (GRIO), avec le soutien institutionnel du laboratoire Amgen, est force de
proposition à l’échelle nationale et régionale pour améliorer la prise en charge des patients et prévenir les
fractures.

1 Os brisés, vies brisées : une feuille de route pour résoudre la crise des fractures de fragilités en France, IOF, 2018
2 Quel risque de décès un an après une fracture du col du fémur ? DREES, P. Oberlin, M-C. Mouquet, 2016
3 Note méthodologique et de synthèse documentaire : Orthogériatrie et fracture de la hanche, HAS, juin 2017
4 Os brisés, vies brisées : une feuille de route pour résoudre la crise des fractures de fragilités en France, IOF, 2018

II- Regards croisés des acteurs territoriaux sur des exemples d’initiatives régionales pour
lutter contre l’ostéoporose

Depuis 2019, l’ANCO mène en région la démarche « Nos territoires contre l’Ostéoporose ». Celle-ci a permis
d’identifier, dans les régions, plus d’une vingtaine de projets qui visent à améliorer l’organisation du parcours de
soins du patient ostéoporotique. Nous avons souhaité mettre à l’honneur certains de ces projets.

Dr. Bénédicte Haettich, Rhumatologue, Coordonnatrice de la Filière ostéoporose du CH du Mans et porteuse de projet lors de la table ronde du 14 novembre 2019 en Pays de la Loire

Le projet poursuivi sur le territoire du CH du Mans vise à développer les parcours de soins en dehors des murs de
l’hôpital en renforçant la position du médecin traitant au centre du traitement de l’ostéoporose.

D’une part, deux campagnes de mobilisation ont ainsi été menées auprès des médecins généralistes dans le
département de la Sarthe. Dans ce cadre, il leur a été présenté la filière ostéoporose du CH du Mans et leur a été
transmis les coordonnées des infirmières spécialisées de la filière fracture du CH du Mans afin de faciliter
l’adressage des patients entre l’hôpital et la ville.

En parallèle, un groupe de travail en collaboration avec des médecins généralistes a eu pour objectif d’identifier
les actions à mettre en place pour améliorer la prise en charge des patients, ainsi que la fluidité des relations entre
la ville et l’hôpital. Deux propositions ont émergé :

1. Prévoir l’organisation d’une consultation dédiée à l’ostéoporose au sein du cabinet des médecins
généralistes.

2. Renforcer l’utilisation de la télé-expertise pour faciliter le lien entre rhumatologue et médecin
généraliste.

En synthèse, le décloisonnement entre professionnels de santé hospitaliers et libéraux est possible, et la télé-expertise est un outil particulièrement utile qui doit être promu, pour lequel les ARS doivent jouer un rôle de
facilitateur.

Pr. Thierry Schaeverbeke, Chef du service de rhumatologie du CHU de Bordeaux et porteur de projet lors de la
table ronde du 12 Novembre 2020 en Nouvelle-Aquitaine
Face au vieillissement de la population, il faut s’attendre à une hausse de patients atteints de maladies chroniques
telles que l’ostéoporose. Or, jusqu’à présent, les médecins généralistes font face à une grande difficulté pour
parvenir à contacter ces patients, entrainant une prise en charge tardive de ces derniers. Dans ce contexte, les
spécialistes constituent le pivot de la prise en charge des patients. L’objectif serait alors de fluidifier les relations
entre médecins généralistes et médecins spécialistes.

Pour remédier à cette problématique, plusieurs initiatives ont vu le jour au CHU de Bordeaux :

1. La première repose sur la création d’outils d’aide à la diffusion comme des affiches papier à destination
de multiples acteurs (pharmaciens, infirmières, kinésithérapeutes et diététiciens). Ces affiches doivent
venir faciliter le diagnostic en apportant des informations regroupées autour de trois pôles : i)
l’identification de facteurs de risque, ii) la suspicion de fracture et iii) la prise en charge de la fracture.

2. La seconde initiative s’inscrit en continuité de la première. Elle constitue un outil numérique intitulé
« Ange Gardien » qui propose différentes fiches d’informations. Ces dernières sont conçues
spécifiquement en fonction des acteurs de santé auxquels elles s’adressent.

III- Les propositions de l’ANCO : Quels leviers à disposition pour améliorer le parcours de
soins et de vie des patients atteints d’ostéoporose sur le prochain quinquennat ?

Intervenants de la table ronde :
Martine Berthet, Sénatrice de la Savoie et membre de la commission des affaires économiques.
Agnès Firmin le Bodo, Députée de Seine-Maritime et membre de la commission des affaires sociales.
Pr. Etienne Minvielle, Directeur de recherche au CNRS, Professeur à l’école Polytechnique et médecin de
santé publique à l’Institut Gustave-Roussy, responsable des parcours innovants.
Alain Coulomb, Président de Coopération Santé et ancien directeur de la Haute Autorité de Santé.

Les réflexions de l’Alliance Nationale Contre l’Ostéoporose, menées conjointement avec l’ensemble des acteurs
nationaux et territoriaux impliqués dans la lutte contre l’ostéoporose, ont mené à la formulation de 4 propositions
prioritaires. Ils appellent les autorités publiques à se saisir de ces propositions pour établir une politique
répondant aux grands défis sanitaires, sociaux et économiques de l’ostéoporose sur le prochain quinquennat.

PROPOSITION 1 : Favoriser une meilleure prise en charge de l’ostéoporose en adaptant, avec la HAS, les
représentants des patients et des professionnels de santé, le parcours de soins en mettant le médecin
traitant en 1ère ligne de ce dispositif.

La mobilisation du médecin généraliste permet d’assurer l’accompagnement des patients fracturés nécessitant
un traitement anti-ostéoporotique pour prévenir la survenue d’une seconde fracture lourde en conséquence.
Cependant, bien que les recommandations de bon usage des médicaments indiqués pour la maladie et les
recommandations des sociétés savantes précisent au mieux les choses, le déficit de prise en charge apparaît
criant.

COMMENTAIRES DES PARTICIPANTS : La crise de la COVID-19 a stimulé le développement d’une coordination
ville-hôpital. Il est essentiel de poursuivre son déploiement, notamment autour du médecin généraliste et du
pharmacien qui est un acteur clé d’information et de prévention et dont le rôle doit être renforcé. Notons par
ailleurs que les médecins généralistes sont confrontés à de nombreux défis (ils sont trop peu nombreux et se
voient affectés de plus en plus de missions, le système de paiement à l’acte est cloisonnant, …), que les parties
prenantes devront prendre en compte dans les futures réflexions sur la définition du parcours de soins de
l’ostéoporose.

L’identification précoce des fragilités et des risques de fracture est essentielle pour assurer une prise en charge
rapide des patients qui doit être coordonnée avec les filières fractures existantes et avec les CPTS.
Il est primordial de revaloriser la dynamique des acteurs de terrains. Deux leviers d’actions ont été identifié par le

Pr. Etienne Minvielle :
(1) La formation des futurs professionnels de santé au management et au travail en équipe à travers des
formations de coordination ;
(2) Le renforcement des soutiens publics appuyant les actions locales :
• Concernant des initiatives innovantes, par des leviers tels que l’article 51 ;
• Concernant les modes de financement « au parcours » dont il est nécessaire d’accélérer la mise en
place.
Afin d’être au plus près des patients, il est essentiel que les hôpitaux coordonnent leurs actions avec les médecins
de terrain, au plus proche des patients. Durant les échanges, une participante a attiré l’attention sur la nécessité
d’analyser les freins spécifiques aux régions, car certaines spécificités peuvent exister localement et empêcher la
bonne coordination interprofessionnelle.

PROPOSITION 2 : Instaurer une « Consultation du bien vieillir » permettant l’identification précoce des
premiers signaux des pathologies du grand âge incluant l’ostéoporose.
Prévenir l’arrivée de la première fracture de fragilité chez les personnes à risque passe par le dépistage précoce
de la maladie et des facteurs de risque, afin de sensibiliser les patients aux mesures de réduction des risques
pertinentes incluant entre autres les principes hygiéno-diététiques et l’activité physique. Une telle consultation
représenterait un moment privilégié qui permettrait d’évaluer les risques chez les patients prioritaires.

COMMENTAIRES DES PARTICIPANTS : Madame la Députée Agnès Firmin Le Bodo est revenue sur la
« Consultation du bien vieillir » qui devrait être une mesure phare au cœur de la loi Grand âge et autonomie, et
dépasser la prise en charge pour aborder le sujet du cadre de vie. Il sera essentiel d’inclure la médecine du travail
dans la mise en place de cette consultation afin de renforcer le dépistage et la prévention de l’ostéoporose grâce
aux visites médicales périodiques.

Enfin, dans un souci de clarté et d’efficacité, il est nécessaire de simplifier les messages et consignes de prise en
charge qui doivent être diffusés par les médecins traitants, en s’inspirant des messages formulés en cardiologie à
l’attention des médecins généralistes pour faire face aux premiers signes de leurs patients.

PROPOSITION 3 : Allouer des moyens financiers et humains au développement des filières fractures sur
l’ensemble du territoire.
Les filières fractures sont dédiées à l’identification et à la prise en charge de l’ostéoporose chez les patients
hospitalisés pour fracture au sein des établissements les ayant mis en place. Cependant, un grand nombre de
patients échappent encore à l’identification de l’ostéoporose après une fracture. Développer significativement le
soutien aux filières fractures est essentiel pour mettre en place un système d’identification précoce et de
prévention primaire et secondaire des fractures.

COMMENTAIRES DES PARTICIPANTS : Les fractures sont multifactorielles et ne sont pas uniquement dues à des
chutes. Il est fondamental d’identifier la cause pour optimiser la prise en charge et anticiper douleur et perte
d’autonomie. A ce titre, il est important de prendre en compte les spécificités et complexités de l’ostéoporose
pour prévenir les fractures. Selon le Pr Christian Roux, les filières fractures sont certainement les moyens les plus
efficaces de mettre en place une prévention primaire et secondaire des récidives de fracture.
La filière fracture doit se concentrer sur trois enjeux prioritaires : (a) Assurer que tous les patients incluables soient
correctement identifiés, (b) Convaincre chacun de ces patients d’effectuer une consultation avec un spécialiste,
et (c) Garantir un temps médical suffisant dans les services pour assurer la prise en charge d’un nombre toujours
plus important de patients touchés par des fractures. L’identification et l’inclusion des patients dans la filière
pourraient être facilitées par la mobilisation des équipes mobiles de gériatrie durant le suivi post-opératoire.
Une nouvelle fois, la coordination avec les acteurs locaux est primordiale à la bonne réussite de la mise en place
des filières fracture. Pour développer la prise en charge des patients au travers de ce système, il sera nécessaire
d’inclure d’autres professionnels de santé au sein de la filière (notamment les pharmaciens, les infirmiers et les
kinés), mais aussi de développer la coordination avec la ville.

PROPOSITION 4 : Développer les ressources dédiées à la prévention, au dépistage des personnes à
risque en ambulatoire et à la prise en charge de l’ostéoporose dans le cadre des actions à venir pour le
Grand âge et l’autonomie.
La création de la cinquième branche « autonomie » de la sécurité sociale ouvre la voie aux discussions sur ce sujet
intrinsèquement lié à l’ostéoporose. Par ailleurs, les projets de loi Grand âge et Générations Solidaires, bien qu’ils
n’aient pas été présentés au Parlement, ont pu aborder des sujets importants tels que la formation des acteurs
de l’accompagnement à domicile. Cependant, certains sujets clés, la prévention en premier lieu, devront être
placés au centre des réflexions sur l’autonomie durant le prochain quinquennat.

COMMENTAIRES DES PARTICIPANTS : Madame la Sénatrice Martine Berthet a souligné l’importance d’exploiter
un véhicule législatif dans le cadre de la mise en place d’une consultation du bien-vieillir, probablement via la loi
Grand âge. Si cette loi n’a pu voir le jour sous le quinquennat actuel, elle est espérée pour le prochain.
D’après Madame la Députée Agnès Firmin Le Bodo, la prévention n’étant pas culturelle en France, il convient de
la mettre au cœur des politiques de santé dans les prochaines années afin d’investir sur une « santé à long-terme ». Pour démontrer la valeur de la prévention et convaincre les pouvoirs publics de l’utilité d’investir dans
cette approche, il est essentiel de documenter son intérêt par des preuves scientifiques et des données chiffrées
mettant en lumière les bénéfices humains et économiques d’une prévention bien menée.
A cela s’ajoute le système de paiement à l’acte qui ne permet pas, pour le moment, de surveiller les citoyens à
certains âges clés de la vie et freine donc la prévention. Il sera donc essentiel de transformer le système de
paiement à l’acte pour la prise en charge des maladies chroniques, telles que l’ostéoporose, vers un système de
paiement plus adapté, comme le font certains pays voisins avec des systèmes de « paiements au parcours » ou
« paiements de coordination ».

IV- Conclusion et perspectives

Madame la Députée Carole Bureau-Bonnard, Députée de l’Oise et Marraine de l’Alliance Nationale Contre
l’Ostéoporose et Françoise Alliot Launois, Vice-présidente de l’AFLAR

Il est important de répondre au problème de l’ostéoporose avec innovation et éthique, tout en redonnant la place
aux praticiens, qui doivent se coordonner et se regrouper. « Le malade chronique fracturé vivant avec
l’ostéoporose habite en ville », d’après Françoise Alliot Launois. Il y a donc un rôle crucial du médecin traitant, du
pharmacien, et de tous les professionnels de santé concernant le sujet de l’ostéoporose.

Pour rappel, la stratégie de transformation de système de santé s’intéressait à 6 maladies, dont l’ostéoporose. Il
y a donc eu une prise de conscience de l’Etat et une volonté d’agir pour remédier aux failles dans son système de
santé. « Il faut bouger en fonction des nouveautés, comme peut le faire la plateforme Ange Gardien, mais
toujours avec une valeur humaniste en se confrontant au réel ; soigner signifie prendre soin donc
accompagner », rappellent les intervenantes.

Il reste encore du chemin, notamment autour de la prévention secondaire et de la coordination entre
professionnels de santé, en espérant que les efforts, notamment au niveau politique, permettront une évolution.
Concernant les perspectives, elles sont surtout collectives : l’Etat doit à la fois prendre ses responsabilités
incitatives tout en permettant aux acteurs d’agir librement avec leur soutien. Il y a en particulier des efforts à faire
dans le champ de la prévention et de l’information, et nous sommes au rendez-vous, ensemble.

Avec le soutien institutionnel de
Paroles des intervenants
« Il faut exporter le parcours de soins en dehors des murs de l’hôpital : le médecin traitant
doit être remis au centre du traitement de l’ostéoporose. »
Dr Bénédicte Haettich
« Face au vieillissement de la population, il faut s’attendre à une hausse de patients atteints
d’ostéoporose. »
Pr. Thierry Schaeverbeke
« Les professionnels de santé sont trop peu éduqués à la question du management de terrain. »
Pr. Etienne Minivielle
« Prévenir, c’est guérir. Il faut que cela devienne le maillon fort de nos politiques de santé. »
Madame la Députée Agnès Firmin Le Bodo
« Seule une évolution systémique, organisée et englobant ville et hôpital, curatif et préventif, les
organisations et les modes de financement, peut-être une réponse à la levée des freins identifiés. »
Alain Coulomb
« Un véhicule législatif tel que la Loi Grand âge sera indispensable pour mettre en œuvre un
dépistage systématique de l’ostéoporose, indispensable au regard des impacts sur la vie. »
Madame la Sénatrice Martine Berthet