Santé humaine

Brève

Un "kit d'auto-renouvellement" découvert dans les macrophages

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur google
Partager sur reddit
Partager sur tumblr
Partager sur pinterest

Un “kit d’auto-renouvellement” similaire à celui des cellules souches embryonnaires sommeille dans certaines cellules immunitaires.

Le renouvellement de nos organes usagés est normalement assuré par un pool de cellules souches. Contrairement aux cellules matures, ces dernières ont la capacité de se multiplier mais aussi de se différencier c’est à dire de donner naissance à des cellules spécialisées. Aujourd’hui, une équipe de recherche franco-allemande du Centre d’Immunologie de Marseille Luminy (CNRS, Inserm, Aix Marseille Université) et du Centre de Médecine Moléculaire Max Delbrück de Berlin-Buch, a cependant découvert que certaines cellules immunitaires matures, les macrophages, sont en réalité capables de se multiplier presque à l’infini et donc de s’auto-renouveler.

Comme ils l’ont démontré dans un article de Science du 21 janvier 2016, elles activent à cette fin un réseau de gènes partagé avec celui des cellules souches embryonnaires. Cette découverte inattendue pourrait ouvrir de nouvelles perspectives en matière de médecine régénératrice et de thérapies. Les cellules de notre corps sont en perpétuel renouvellement : de nouvelles cellules remplacent en permanence les cellules spécialisées contribuant ainsi au maintien de l’homéostasie de nos tissus (peau, intestin, sang…) mais aussi à leur réparation lorsque ces derniers sont endommagés. Jusqu’à présent, il était entendu que le renouvellement cellulaire d’un tissu était le domaine réservé des cellules souches spécifiques de celui-ci ; incapables de se diviser, les cellules différenciées ne semblaient pas en mesure d’assurer une telle prouesse. Progressivement, les chercheurs ont cependant révélé quelques exceptions à cette règle : à l’instar de leurs progéniteurs, certaines lignées de cellules immunitaires déjà différenciées sont dotées de propriétés d’auto-renouvellement. Ainsi, les macrophages, acteurs clefs de la réponse immunitaire et de la régénération tissulaire, sont capables de se multiplier sans l’aide des cellules souches.

Une équipe du CIML et du MDC dirigée par Michael Sieweke, immunologiste et spécialiste des cellules souches, a montré il y a quelques années que, sous certaines conditions, les macrophages pouvaient se diviser tout en conservant leurs propriétés spécifiques. Chez la souris, les chercheurs ont ainsi démontré que des facteurs de transcription (des « interrupteurs » à gènes), dénommés MafB et c-Maf, jouent un rôle décisif dans ce processus. Grâce à des manipulations génétiques, ils étaient parvenus à “éteindre” les gènes en charge de la fabrication de ces protéines dans les macrophages ce qui avait déclenché en retour “la mise en route” de ce qui semblait bien être un mécanisme d’autorenouvellement. Une fois « réveillés », ces macrophages avaient pu se multiplier en culture quasi indéfiniment ce qui semblait impensable au vu de leur statut de cellules différenciées. Dans cette nouvelle étude, l’équipe de Michael Sieweke franchit une étape supplémentaire en démontrant cette fois qu’on peut reproduire le même phénomène dans des macrophages issus de souris n’ayant subi aucune manipulation génétique (à condition toutefois que les concentrations de MafB et c-Maf soient naturellement faibles ou que ces protéines aient été au préalable inhibées pendant une courte période).

« La question que nous nous sommes posée a été de savoir comment tout cela était possible, en d’autres termes, quels étaient les mécanismes et les gènes qui permettaient aux macrophages de s’auto-renouveler ? » rappelle le Dr Michael Sieweke, Directeur de Recherche CNRS à la tête de cette équipe de recherche INSERM-Helmholtz. Pour cela, les chercheurs ont comparé les macrophages aux cellules souches embryonnaires dotées des mêmes propriétés d’auto-renouvellement. « Nous avons alors découvert que les macrophages renferment un pool de gènes silencieux qui peut être “réveillé” et ainsi conférer aux cellules la capacité de s’auto-renouveler » déclare-t-il.

Peu de temps après, les chercheurs ont effectué une autre découverte surprenante : dans les macrophages, le réseau fonctionnel établi par ces gènes est très similaire à celui que mettent en œuvre les cellules souches embryonnaires quand elles se divisent. « Nous pouvons donc en conclure que les cellules différenciées ont les moyens d’accéder à ce réseau silencieux de gènes responsable de la prolifération des cellules souches » explique Michael Sieweke.

Bien que les réseaux actifs de gènes soient similaires dans les deux types de cellules, leur gestion diffère de bien des façons : ils sont contrôlés par des facteurs de transcription et des éléments dits régulateurs spécifiques de chacun de ces types de cellules. « En réalité, c’est plutôt une bonne nouvelle de constater que des cellules matures comme les macrophages peuvent activer les mêmes gènes d’auto-renouvellement que les cellules souches en utilisant leurs propres facteurs de régulation » souligne-t-il. « En clair, cela signifie que nous pouvons amplifier ces cellules sans changer leur identité ».

Des applications possibles dans la médecine régénérative

Michael Sieweke est convaincu que ces découvertes trouveront un jour des applications utiles dans le domaine de la médecine régénérative.  :« Si des cellules différenciées pouvaient être produites directement, il deviendrait alors envisageable de remplacer des tissus malades en s’affranchissant des cellules souches embryonnaires ou des cellules souches induites, c’est à dire issues de la reprogrammation génétique de cellules adultes” suppose-t-il.

Selon lui ce réseau de gènes silencieux pourrait aussi être activé dans d’autres familles de cellules différenciées comme les cellules hépatiques par exemple, qui elles aussi sont capables de s’auto-renouveler sous certaines conditions. Les macrophages eux-mêmes pourraient aussi être utilisés pour stimuler la régénération tissulaire, puisqu’au-delà de combattre les infections, ils contribuent également au maintien de l’homéostasie de nos tissus. La transplantation des macrophages pourrait ainsi s’avérer très utile pour stimuler la régénération dans des indications où des protocoles à base de cellules souches ont déjà été envisagés ou testés comme l’infarctus du myocarde ou certaines maladies pulmonaires ou musculaires. L’équipe a déjà démontré que les macrophages cultivés en laboratoire conservaient leurs propriétés : une fois réinjectés dans des souris, ils réintègrent sans incident les tissus et remplissent normalement leurs fonctions. « De par leurs fonctions spécifiques dans la maintenance et la régénération des tissus, les macrophages sont en quelque sorte les jardiniers et les gardiens de nos tissus » conclut Michael Sieweke.

Communiqué de presse