Industrie
Édito
Un nouveau pas vers la biologie de synthèse
La synthèse réussie d‘un ADN viable à 6 lettres, telle est la nouvelle sensationnelle annoncée par l‘article paru dans Nature le 8 mai. Nous sommes bel et bien entrés dans l‘ère de la biologie de synthèse. Cette avancée est l‘aboutissement des recherches de l‘équipe dirigée par Floyd Romesberg du Scripps Research Institute (à la Jolla) en Californie. Elle a réalisé la prouesse d‘intégrer dans le génome d’une bactérie, Escherichia coli, des éléments totalement « orthogonaux », une nouvelle paire de bases nucléiques, dont la présence a été tolérée par l‘appareil de réplication du micro-organisme : cette paire de bases non naturelles se retrouvait dans 99,4 % des descendants de la bactérie.
En 2010, Craig Venter et son équipe publiaient dans la revue Science la description de la création d‘une cellule à génome synthétique. Ils avaient réussi à introduire un chomosome synthétique dans une bactérie Mycoplasma capricolum auparavant privée de son ADN créant ainsi une bactérie baptisée Mycoplasma mycoides.
Au Scripps Research Institute, ces bases artificielles, d5SICS et dNaM, ne figuraient pas dans les chromosomes de la cellule, mais dans un plasmide, un anneau d’ADN capable lui aussi de se répliquer. La bactérie E. coli a d‘abord été modifiée afin d‘incorporer des protéines dans son enveloppe externe.
Il a fallu lui greffer des « portes spécifiques » provenant d’une algue qui lui ont permis de se nourrir des triphosphates, nécessaires à la réplication du plasmide. Cette réplication est assurée par des polymérases, des enzymes capables de contrôler la bonne synthèse de brins d’ADN ou d’ARN.
Les chercheurs ont fait le pari de placer la nouvelle paire de bases dans une région du plasmide, qui, selon leurs hypthèses, devait se trouver sous le contrôle d‘une polymérase particulière dont ils avaient démontré in vitro qu‘elle pouvait répliquer efficacement la paire d5SICS-dNaM. Et ça a marché : au fil des générations, le plasmide a bien conservé les nouvelles lettres. Pour l’heure, il ne s’agit que de tolérance. « Nos nouvelles bases ne peuvent pénétrer dans la cellule que si l’on “allume” la protéine membranaire venue de l’algue » souligne Denis Malyshev, premier auteur de l’étude publiée dans Nature. Sans ce transporteur, mais aussi quand on ne fournira plus les nouvelles bases, la cellule reviendra aux bases ATGC, et d5SICS et dNaM disparaîtront de son génome. De quoi assurer selon lui le « contrôle du système ».
La xénobiologie est une sous-discipline naissante de la biologie synthétique qui vise la mise au point de formes de vie étrangères, du point de vue chimique et informationnel, à celles qui sont connues sur Terre. Les bactéries obtenues par cette technologie sont dites « paranaturelles » et parfois « xénobiotiques », un terme employé par Philippe Marlière qui salue cette première.
Les biotechnologies industrielles progressent comme en témoigne l‘accord de collaboration stratégique qui vient d‘être signé entre Total et la Toulouse White Biotech (TWB), démonstrateur pré-industriel porté par l‘INRA. L‘équipe de recherche du LISBP (Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés – INSA de Toulouse), et l’équipe R&D Biotechnologies de Total Energies Nouvelles s’emploieront à construire une nouvel le souche microbienne, véritable « usine cellulaire », capable de produire des intermédiaires pour la chimie à partir de différentes sources carbonées renouvelables.
THÉRÈSE BOUVERET RÉDACTRICE EN CHEF DE BIOTECH INFO 3.0