Santé humaineImmunothérapies
Communiqué de presse
Vers des traitements plus adaptés pour les patients immunodéprimés
Streptococcus pneumoniae
© Adobe Stock
Après une greffe de moelle osseuse, les patients atteints d’un déficit immunitaire
sévère retrouvent leurs défenses immunitaires et peuvent reprendre une vie
normale. Cependant, en regardant ce qui se passe au niveau de la sphère
nasopharyngée, là où se met en place la première ligne de défense immunitaire,
des chercheurs de l’Institut Pasteur, d’Université Paris Cité, de l’Inserm, de l’AP-HP et en collaboration avec l’Institut Imagine, ont mis en évidence une
défaillance des mécanismes immunitaires chez certains de ces patients. Les
résultats de cette étude, publiés dans le journal Blood le 14 février 2022,
pourraient aider à leur proposer un traitement plus adapté.
Chez les patients atteints de déficit immunitaire combiné sévère1, le système immunitaire est défaillant et ne peut aider à lutter contre les multiples attaques
microbiennes provenant de notre environnement. Alain Fischer, membre fondateur de
l’institut Imagine situé à l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, connaît bien ces
patients, qu’il suit depuis plus de 30 ans. « Pour soigner ces personnes, il faut réaliser
une allogreffe2 de moelle osseuse avec parfois une chimiothérapie pré-greffe pour
éviter le rejet du greffon, résume le médecin et immunologiste. Ce procédé permet de
guérir les patients, de restaurer leur système immunitaire, mais nous n’avions jamais
étudié en détail ce qui se passait au niveau des muqueuses nasales. » En effet, la
machinerie de la réponse immunitaire est d’une très grande complexité et fait
intervenir un grand nombre d’acteurs : les acteurs de la réponse immunitaire innée,
qui agissent au niveau des muqueuses de l’intestin, des poumons et du nez
notamment, et ceux de la réponse adaptative, circulant dans le sang et la lymphe.
Afin de mieux comprendre la façon dont le système immunitaire inné était régulé,
James Di Santo, responsable de l’unité Immunité innée (Institut Pasteur/Inserm), a
proposé de comparer le système immunitaire des patients immunodéprimés après
greffe avec ceux des patients sains de la cohorte Milieu Intérieur.
« Nous avions déjà récupéré, grâce à un simple écouvillon nasal, des échantillons nasopharyngés chez
quelques 1 000 sujets et pu étudier la réponse immune grâce à eux, explique le
chercheur. L’idée était de réaliser le même type de prélèvements chez les patients
immunodéficients, couplé à une prise de sang, pour observer les différences ».
Très rapidement, les chercheurs ont pu observer des différences notables chez
certains patients. Tandis que chez les sujets sains et la majorité des patients
immunodéprimés, toute la sphère nasopharyngée se met habituellement en ordre de
bataille face aux agressions avec formation de mucus protecteur, production en
grande quantité d’anticorps (surtout d’IgA), de cellules immunitaires et maintien du
microbiote, la muqueuse nasale est perturbée chez un certain nombre de patients
après greffe. En effet, chez les patients dont la déficience immunitaire est partielle, et
pour lesquels la chimiothérapie pré-greffe a été limitée, la sphère nasopharyngée
présente une moins grande quantité de mucus, moins d’anticorps IgA et de cytokines4
et une prédominance des bactéries pathogènes. En d’autres termes, ces personnes
ont un système immunitaire mucosal moins actif face aux attaques quotidiennes des
pathogènes. Par ailleurs, leur prise de sang révèle une déficience sélective de
certaines cellules immunitaires circulantes.
« On sait que les cellules immunitaires du sang produisent des cytokines qui vont
stimuler la production des anticorps, qui eux-mêmes sont chargés de neutraliser les
bactéries pathogènes. Lorsque les cellules immunitaires du sang sont absentes, c’est
une véritable réaction en chaîne qui s’opère et entraîne, au final, un déséquilibre du
microbiote que l’on appelle une dysbiose », relate James Di Santo. Pour la première
fois, les chercheurs ont donc pu observer, chez l’Homme, les mécanismes de
l’immunité innée en action au niveau de la muqueuse nasale. Cette découverte
pourrait par ailleurs conduire les médecins à ajuster leur protocole de greffe. « Les
patients dont la capacité à produire des anticorps IgA n’est pas restaurée sont
potentiellement plus vulnérables face aux infections respiratoires, explique Alain
Fischer. On peut compenser cela par un traitement substitutif en anticorps, mais les
résultats de cette nouvelle étude incitent également à recourir plus systématiquement
à une chimiothérapie pré-greffe pour permettre une reconstitution complète de leur
immunité. »
(1) Tous les déficits immunitaires combiné sévère ou DICS n’ont pas n’a pas la même origine
génétique, ni le même profil immunologique. Les DICS sont des maladies très rares : la forme
la plus fréquente ne concerne qu’une naissance sur 200 000 environ chaque année.
(2) Greffe provenant de quelqu’un d’autre.
(3) Milieu Intérieur (LabeX) Lluis Quintana-Murci – Darragh Duffy – Milieu Intérieur [LabEx] –
Research – Institut Pasteur
(4) Messagers solubles qui assurent les communications entre les cellules du système
immunitaire. Defects in mucosal immunity and nasopharyngeal dysbiosis in HSC transplanted SCID
patients with IL2RG/JAK3 deficiency, Blood, 14 février 2022
Pedro Goncalves1, Jean-Marc Doisne1, Toshiki Eri1, Bruno Charbit2, Vincent Bondet3, Celine
Posseme3, Alba Llibre3, Milieu Intérieur Consortium†, Armanda Casrouge1, Christelle
Lenoir4,5, Benedicte Neven4,5,6 Darragh Duffy3, Alain Fischer4,5,6,7 and James P. Di Santo1,*
1 Institut Pasteur, Université de Paris, Inserm U1223, Innate Immunity Unit, F-75015
Paris, France
2 Institut Pasteur, Université de Paris, Center for Translational Science, F-75015 Paris, France
3 Institut Pasteur, Université de Paris, Translational Immunology Unit, F-75015 Paris, France
4 Inserm UMR 1163, F-75015 Paris, France.
5 Université de Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, Imagine Institut, F-75015 Paris, France.
6 Department of Pediatric Immunology, Hematology and Rheumatology, Hôpital NeckerEnfants Malades, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (APHP), F-75015 Paris, France.
7 Collège de France, F-75231 Paris, France
doi: 10.1182/blood.2021014654.