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Interview

Vertex Pharmaceuticals, un acteur majeur dans la découverte de solutions thérapeutiques qui traitent la mucoviscidose

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Interview de Nicolas Renard, Directeur général de Vertex Pharmaceuticals France¹

Vertex a développé et mis sur le marché 4 traitements dans le domaine de la mucoviscidose. Vous avez annoncé fin juin avoir obtenu un accord de remboursement avec les autorités de santé pour vos deux derniers médicaments en France. Pouvez-vous nous présenter votre société ?

Vertex est une société de biotechnologie américaine née en 1989 à Boston qui a connu une croissance assez rapide et qui compte aujourd’hui plus de 3500 salariés dans le monde. Nous avons décidé de nous implanter en France dès 2012 et de faire de notre filiale locale le Hub pour piloter notre déploiement à travers tous les pays d’Europe du Sud jusqu’au Brésil. Lorsque je suis arrivé en janvier dernier, nous étions environ 30 collaborateurs à Paris, nous sommes désormais plus de 40. Cela représente un recrutement et demi par mois, ce qui montre le dynamisme de notre bureau français, en tant que maillon central de notre dispositif européen très actif.
La raison de cette croissance, c’est une attention particulière portée à l’innovation qui nous a permis de lancer tout récemment plusieurs traitements dans le domaine de la mucoviscidose. C’est d’ailleurs ce caractère innovant qui m’a poussé à rejoindre l’entreprise.
Chez Vertex, 70 % des dépenses opérationnelles du groupe sont réinvesties dans la R&D, alors que la moyenne est de 50 % dans les biotech et de 25 à 30 % pour la pharma classique. Nous nous démarquons donc avec un modèle plutôt unique, centré sur la science et la recherche. Ainsi, 3 collaborateurs sur 5 interviennent dans le domaine de la R&D. Cela explique le rythme et la vitesse avec lesquels nous pouvons innover et apporter des nouvelles solutions thérapeutiques. Notre démarche a d’ailleurs été récompensée par deux prix Galien reçus respectivement en 2013 et 2016, pour deux de nos médicaments. C’est cette même approche et notre passion pour la science qui nous permettent de nous atteler à des domaines aussi complexes que la mucoviscidose.

Pourquoi la France ?

La mucoviscidose a une résonnance très particulière en France, où elle représente un sujet sensible pour le public. C’est le deuxième pays en Europe en termes de prévalence de la maladie avec plus de 7200 patients atteints, sur les près de 80 000 dans le monde. Nous sommes présents en France et dans le Hub pour tous ces patients aux besoins médicaux importants et ainsi poursuivre notre objectif de découvrir, développer et rendre accessibles des solutions thérapeutiques innovantes qui ciblent la cause sous-jacente de la maladie. En effet, Vertex s’est engagé pour lutter contre la mucoviscidose depuis une vingtaine d’années avec cet objectif bien simple à énoncer mais ardu à réaliser. Le défi tient au fait que tous ne sont pas atteints de la même manière, il existe près de 2000 mutations génétiques identifiées à ce jour pouvant causer la mucoviscidose. Il nous a donc fallu tester jusque-là plus d’un million de molécules et investir près de 12 milliards de dollars dans la recherche pour obtenir les 4 molécules qui ont été découvertes et mises au point à ce jour. La dernière association de molécules a obtenu l’homologation européenne l’année dernière et le remboursement en France a été obtenu à l’été 2021². Ainsi, près de 70 % des patients en France ont désormais accès à un traitement. Une étape majeure et extrêmement attendue par la communauté des patients.
C’est un bond en avant colossal qui permet d’apporter une solution à la très grande majorité des patients. Mais nous ne voulons pas en rester là et cherchons à trouver une solution pour tous. Nous travaillons sur différents axes, comme la pédiatrie afin de traiter les patients dès le plus jeune âge, mais également d’autres méthodes, pour adresser les mutations compliquées qui n’ont pas encore de solution. Nous explorons, par exemple, la technique de l’ARN messager, dans le cadre d’un partenariat de recherche établi de longue date avec Moderna. La crise de la Covid-19 a mis un coup d’accélération et de projecteur sur cette technologie à ARN messager qui pourrait peut-être permettre de couvrir les derniers pourcentages de patients dont la mutation à l’origine de leur maladie ne répond pas aux traitements que nous avons mis au point. A plus long terme, bien entendu, car cela prendra du temps.
Autre aspect très important de notre empreinte en France, les relations que nous entretenons avec l’ensemble de la filière en France. Notre engagement dans la lutte contre la maladie nous pousse à interagir et apporter nos services à toute la communauté et aux professionnels de santé. En France, la filière est très bien structurée avec 47 CRCM (Centres de Ressources et de Compétences de la Mucoviscidose) répartis sur tout le territoire. Nous travaillons avec tous ces centres pour rendre les thérapies disponibles et mettre en place les essais cliniques dont ils ont besoin pour faire avancer la recherche et permettre d’apporter de solutions nouvelles. Ainsi, nous avons mené en France, depuis 2013, plus de 24 études cliniques sur la mucoviscidose, et plus de 30 en tout, si nous considérons toutes les aires thérapeutiques que nous investiguons.
Au-delà de la recherche moléculaire et des essais cliniques, nous avons un troisième pilier majeur de notre présence en France : les services complémentaires au parcours de soin du patient que permettent les nouvelles technologies. D’où le projet MuCopilot avec l’entreprise française Ad Scientiam.

Vous avez signé récemment un accord pour 3 ans doté de 500 000 euros avec la start-up Ad Scientiam, lauréate de l’appel à projet Mucolab lancé en 2020 (qui avait présélectionné 5 projets). Elle développe un dispositif digital avec l’application MuCopilot, en partenariat avec la Société Française de la Mucoviscidose (SFM), pour faciliter le suivi des patients atteints de cette maladie.

Notre appel à projets Mucolab partait de ce questionnement : De quel outil supplémentaire pourrait-on doter la communauté pour aider les patients dans leur relation avec leur équipe soignante et échanger des informations pour prendre les meilleures décisions ? Ad Scientiam a lancé l’idée MuCopilot, qui a particulièrement retenu notre attention chez Vertex, car il pourrait permettre une communication à distance, en facilitant la vie du patient qui n’a pas besoin de se déplacer jusqu’au centre où il est suivi. Cet enjeu a ensuite pris une résonnance particulière avec la Covid-19. Nous pourrons, dès l’été prochain, courant 2022, tester les premières versions de ce dispositif digital et qui pourrait, à terme, devenir accessible à l’ensemble des patients et des médecins.
Plus largement, nous sommes présents auprès de toute la recherche digitale. Nous sommes, par exemple, adhérents au sein de l’institut 3IA PR(AI)RIE qui a fêté ses deux ans le 9 décembre et dont nous finançons les activités. Cela a du sens, puisque l’IA fait partie des outils qui pourraient permettre au patient d’améliorer son parcours de soin, c’est une technologie qui nous semble très utile pour la médecine de demain. Ainsi, le lancement par le président Macron de PR(AI)RIE a tout de suite résonné avec notre engagement et il nous a paru intéressant de participer à ce mouvement.
Cela fait partie des projets que nous soutenons pour apporter une innovation, au-delà de la molécule même, avec des outils permettant aux patients pour une meilleure prise en charge de leur maladie. La recherche, les molécules, travailler avec l’ensemble des acteurs, et contribuer à la recherche digitale avec des projets comme MuCopilot ou PR(AI)RIE, telles sont nos priorités.
Dans les années 1990, un enfant atteint de mucoviscidose dépassait rarement l’âge de 20 ans comme le montre la campagne de communication Vaincre la Mucoviscidose affichée dans le métro « Il y a 30 ans, Floriane ne devait pas vivre jusqu’à 35 ans »…( Pour sauver les jeunes patients, il fallait recourir à des greffes du poumon)…
Nos échanges avec les associations de patients sont toujours très poignants. Et il est vrai que l’on meurt encore trop jeune de la mucoviscidose, l’âge médian de décès étant encore de 34 ans actuellement. Et c’est une des préoccupations centrales chez Vertex que nous partageons avec les associations de patients : repousser toujours plus loin cet âge.
Aujourd’hui, ils vivent plus longtemps et peuvent même pratiquer du sport, ce qui était impensable alors.
Un témoignage de patient m’a récemment marqué, lors des Virades de l’espoir, il disait : « C’est la première fois que je vais pouvoir y participer, non pas en tant que spectateur, mais en tant qu’acteur pour courir l’évènement ».

Etes-vous un des laboratoires à avoir travaillé sur la mucoviscidose ?

Nous sommes en effet le seul laboratoire à avoir travaillé sur ce traitement avec un engagement total. On ne nous donnait pas forcément gagnant au départ. C’était loin d’être un pari gagné. Avec persistance et ténacité, nous avons réussi et nous sommes très fiers d’apporter une solution.

Aujourd’hui, vous travaillez sur de nouvelles technologies?

Nous sommes encore sur les thérapies qui agissent au niveau cellulaire, certes, mais nous envisageons de prochaines étapes, par exemple avec les technologies d’ARN messager.
Par ailleurs, nous voulons appliquer notre méthode de travail à d’autres aires thérapeutiques, en particulier dans les maladies rares pour lesquelles nous pouvons apporter un bénéfice important grâce à notre savoir-faire. Nous songeons notamment aux maladies du sang, comme la drépanocytose ou la béta thalassémie. Nous voulons répliquer notre savoir-faire à d’autres maladies et avec d’autres technologies innovantes, comme les thérapies cellulaires et les thérapies géniques qui doivent encore progresser. C’est en bonne voie.

Quels sont vos partenariats de recherche avec des laboratoires en France ? en Europe ?

Nous avons trois centres de recherche, deux aux Etats-Unis, à San Diego en Californie (spécialisé sur la mucoviscidose), à Boston dans le Massachussetts ; et un troisième à Oxford en Grande-Bretagne. Nous avons conclu un partenariat de recherche dans le domaine de la thérapie génique avec le laboratoire CRISPR Therapeutics.
En France, nous n’avons pas de partenariats de R&D mais des collaborations avec les centres d’essais cliniques. Je vous rappelle une trentaine d’essais cliniques menés en France au total sur les différentes aires thérapeutiques.
Durant la période de la Covid-19, nous avons porté une grande attention aux enjeux de logistique et d’approvisionnement de nos traitements et nous n’avons eu aucun retard de livraison, ce dont nous sommes très fiers. Nous avons beaucoup investi avec nos partenaires locaux en France dans le domaine de la logistique pour que toutes les pharmacies, tous les hôpitaux soient livrés en temps utile, compte tenu de l’attente des patients avec l’arrivée de ces nouveaux traitements. Il y a eu un très beau travail d’équipe.

Avez-vous d’autres projets de recherche dans votre pipeline ?

Notre pipeline (portefeuille) est très étendu et, en dehors de la mucoviscidose, des recherches sont en cours sur le diabète de type 1. Nous intervenons également dans le domaine de la douleur en cherchant à répondre à cette problématique : comment apporter des innovations thérapeutiques en limitant les effets indésirables provoqués par les traitements actuels ? Un vaste sujet. Et nos recherches se poursuivent sur d’autres maladies : les maladies rénales favorisées par les mutations du gène APOL1, la Maladie de Duchenne, Ce sont des applications très différentes mais pour lesquelles nous voulons adapter la méthode de travail et d’innovation que nous avons mises en place avec succès sur la mucoviscidose.

Propos recueillis par Thérèse Bouveret

biotech info articles la mucoviscidose

 

(1)Vertex annonce la nomination de Nicolas Renard en tant que Directeur Général de la filiale France – Biotech.info (biotechinfo.fr)

(2) pour des patients porteurs de la mutation F508del du gène CFTR (Cystic fibrosis transmembrane conductance regulator), un gène défectueux chez la majorité des patients atteints de mucoviscidose
https://news.vrtx.com/press-release/vertex-announces-national-reimbursement-agreement-france-kaftrior