VIH – Conférer aux cellules T CD8+ les capacités de celles de contrôleurs naturels Cellules T CD8+ d’un contrôleur du VIH en contact avec des cellules T CD4+ infectées par le VIH
Les contrôleurs du VIH sont les rares personnes qui parviennent à contrôler
l’infection naturellement, sans traitement. Chez ces individus, les cellules
immunitaires T CD8+ jouent un rôle central pour maintenir durablement la charge
virale au plus bas, et ce en l’absence de thérapie antirétrovirale. Les chercheurs
de l’Institut Pasteur étudient les caractéristiques clés des cellules T CD8+ de ces
individus contrôleurs, avec comme objectif de les reproduire chez d’autres
personnes qui elles sont incapables de contrôler le virus sans traitement. Les
chercheurs sont parvenus à reprogrammer des cellules T CD8+ de personnes non-contrôleuses et leur conférer des propriétés des cellules des contrôleurs. La reprogrammation des cellules a été réalisée in vitro grâce à leur exposition
transitoire à une molécule qui cible des voies de signalisation mobilisées au sein
des cellules des contrôleurs. Ces résultats, publiés le 5 avril 2022 dans The Journal of Clinical Investigation, apportent la preuve de concept d’une thérapie
cellulaire qui pourrait être efficace pour obtenir une rémission de l’infection par le
VIH.
Les contrôleurs du VIH sont les rares personnes identifiées comme étant capables de maitriser
l’infection virale naturellement, sans traitement. Chez ces individus très rares (moins de 1% des
personnes vivant avec le VIH) on ne détecte pas de multiplication du virus dans leur sang, en
l’absence de traitement pendant plus de 10 ans d’infection. En 2007, les chercheurs de l’Institut
Pasteur décrivaient comment les lymphocytes T CD8+ de contrôleurs parviennent à détruire
rapidement les cellules T CD4+ infectées, contrairement aux cellules T CD8+ de non-contrôleurs.
L’équipe d’Asier Sáez-Cirión a également montré dans une précédente étude
qu’elles déploient un programme moléculaire différent. Ils ont décrit que chez les individus
contrôleurs, leurs cellules T CD8+ anti VIH ont un grand potentiel antiviral mais aussi qu’elles
sont programmées pour survivre ; tandis que le programme des cellules des non-contrôleurs
les prédisposent à l’épuisement et à la mort cellulaire.
Dans la continuité de ces travaux, les scientifiques de l’unité VIH, inflammation et persistance à
l’Institut Pasteur ont aujourd’hui réussi à reprogrammer les cellules T CD8+ de patients non-contrôleurs afin qu’elles acquièrent les caractéristiques clés des cellules de contrôleurs, à savoir : leurs capacités de mémoire, de survie, d’expansion, de résistance à l’épuisement, et leur aptitude à assurer plusieurs fonctions, dont une plus grande capacité à supprimer
l’infection par le VIH. L’acquisition et le maintien de telles qualités par les lymphocytes T CD8+
semblent cruciaux pour parvenir à un contrôle naturel du VIH.
Cette reprogrammation a été réalisée in vitro, grâce à l’exposition transitoire de cellules de
personnes non-contrôleuses du VIH, à une petite molécule, un inhibiteur de GSK3, impliquée
dans deux voies de signalisation identifiées comme étant indispensables au fonctionnement
optimal des cellules T CD8+. Les scientifiques ont alors constaté que cette reprogrammation
favorisait in vitro les capacités fonctionnelles associées au contrôle naturel de l’infection.
« L’objectif de cette étude est d’utiliser à terme cette stratégie dans le cadre d’une thérapie cellulaire pour obtenir une rémission de l’infection par le VIH. Cela consisterait à isoler les cellules de personnes non-contrôleuses, les reprogrammer ex vivo pour les réinjecter ensuite, avant une éventuelle interruption du traitement », commente Asier Sáez-Cirión, responsable du
groupe Réservoirs Viraux et Contrôle à l’Institut Pasteur et coordinateur de l’étude.
Par ailleurs, ces résultats pourraient avoir une application au-delà du VIH, les caractéristiques
cellulaires obtenues après reprogrammation étant très recherchées dans le cadre des thérapies
cellulaires contre le cancer.
Cette étude a été réalisée en collaboration avec les cohortes ANRS CO6 PRIMO et CO21
CODEX et l’AP-HP et grâce au financement de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes
(EP36XII) et du NIH (1UM1AI164562-01).
A propos de l’Institut Pasteur Fondation reconnue d’utilité publique, créée par décret en 1887 à l’initiative de Louis Pasteur, l’Institut Pasteur est aujourd’hui un centre de recherche biomédicale de renommée internationale. Pour mener sa mission dédiée à la lutte contre les maladies, en France et dans le monde, l’Institut Pasteur développe ses activités dans quatre domaines : recherche, santé publique, formation et développement des applications de la recherche. Leader mondial reconnu dans le domaine des maladies infectieuses, de la microbiologie et de l’immunologie, l’Institut Pasteur se consacre à l’étude de la biologie du vivant. Ses travaux portent ainsi sur les maladies infectieuses émergentes, la résistance aux antimicrobiens, certains cancers, les maladies neurodégénératives et les pathologies de la connectivité cérébrale. Pour renforcer l’excellence de ses recherches, l’Institut Pasteur dispose et développe un environnement technologique de très haut niveau, comme en nano-imagerie ou en biologie computationnelle et intelligence artificielle. Depuis sa création, 10 chercheurs travaillant au sein de l’Institut Pasteur ont reçu le prix Nobel de médecine, les derniers en 2008 à titre de reconnaissance de leur découverte en 1983 du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) responsable du sida. Depuis le 1er juillet 2021, l’Institut Pasteur est un organisme de recherche partenaire d’Université Paris Cité. L’Institut Pasteur est un des membres du Pasteur Network, un réseau mondial de 33 membres sur les cinq continents, unis par des valeurs pasteuriennes communes, qui contribuent à l’amélioration de la santé humaine. Pour plus d’information : www.pasteur.fr
Reprogramming dysfunctional CD8+ T cells to promote properties associated with natural HIV control, The Journal of Clinical Investigation, 5 avril 2022 Federico Perdomo-Celis1, Caroline Passaes1, Valérie Monceaux1, Stevenn Volant2, Faroudy Boufassa3, Pierre de Truchis4, Morgane Marcou4, Katia Bourdic5, Laurence Weiss6, Corinne Jung6, Christine Bourgeois5, Cécile Goujard7, Laurence Meyer3, Michaela Müller-Trutwin1,Olivier Lambotte5, and Asier Sáez-Cirión1,* 1Institut Pasteur, Université Paris Cité, Unité HIV Inflammation et Persistance, F-75015 Paris, France. 2Institut Pasteur, Université Paris Cité, Hub Bioinformatique et Biostatistique, F-75015 Paris, France. 3Université Paris Saclay; Inserm CESP U1018; APHP, Department of Public Health, Bicêtre Hospital, Paris Saclay, France. 4Université Paris-Saclay, AP-HP Hôpital Raymond Poincaré, Garches, France 5Université Paris-Saclay, AP-HP, Bicêtre Hospital, UMR1184 INSERM CEA, Le Kremlin Bicêtre, France. 6Université de Paris Cité, AP-HP, Paris Centre, Hôtel Dieu, Paris, France 7Université Paris-Saclay, AP-HP, Hôpital Bicêtre, DMU 7, Inserm U1018, CESP, 94290, Le Kremlin Bicêtre, France. *Corresponding author https://www.jci.org/articles/view/157549