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Interview

WhiteLabs Genomics acteur de l’IA en médecine génomique au sein du consortium WIDGeT

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Interview de David Del Bourgo, co-fondateur et CEO de WhiteLab Genomics

WhiteLab Genomics fait partie du consortium WIDGeT (Viral Vector Intelligent Design for Gene Therapy) qui vise à accélérer le développement de thérapies géniques à base de vecteurs viraux dérivés de virus adéno-associés (AAV) pour le traitement de maladies génétiques en s’appuyant en particulier sur le potentiel de l’intelligence artificielle (IA). Financé à hauteur de 18 M€ par la BPI, ce programme public-privé rassemble 4 partenaires : WhiteLab Genomics, Sanofi, TaRGeT et Imagine pour faire de la France un leader mondial en thérapie génique.

Quel rôle joue WhiteLab Genomics dans WIDGeT ?

WhiteLab possède la compétence dans le domaine de l’IA en médecine génomique et c’est le partenaire IA de ce consortium. Nous sommes à la croisée de la biologie et de l’IA. La société réunit des biologistes, des biologistes computationnels et des data scientists, nous travaillons tous ensemble. Nous ne sommes pas qu’une équipe d’informaticiens. Nous sommes des spécialistes de l’IA dédiée aux médecines génomiques (thérapies géniques, cellulaires et ARN) et, dans le cadre de WIDGeT, utilisant des vecteurs viraux (AAV) en particulier.

Ces vecteurs sont également utilisés dans certains programmes de l’Institut Imagine pour des thérapies cellulaires et géniques ?

Pour les thérapies cellulaires, nous allons utiliser des vecteurs lentiviraux alors que, dans la majeure partie des thérapies géniques, nous utilisons d’autres vecteurs viraux, en majeure partie des vecteurs AAV (Virus Adéno-Associés ou adeno-associated virus en anglais).

Vous avez une grande expérience des vecteurs AAV, vecteurs de transfert d’ADN?

Nous avons commencé nos premiers travaux en tant que WhiteLab Genomics en octobre 2019, en collaboration avec Genethon et le laboratoire de Giuseppe Ronzitti au Genethon (1) sur les vecteurs viraux AAV. Notre expertise a commencé ainsi et se poursuit avec eux. Nous avons développé notre plateforme et nos algorithmes pour qu’ils puissent s’adapter à d’autres types de vecteurs, non viraux, qui sont en développement dans l’industrie pour pallier certaines limitations actuelles des vecteurs viraux.

Votre entreprise est récente, combien êtes-vous dans l’équipe ? 

Nous sommes 30. Nous avons été créés en février 2019. Notre siège social est à Evry parce que nous avons d’abord été incubés au Genopole, puis nous avons rejoint la Station F pendant 3 ans. A présent, nos équipes se trouvent dans l’accélérateur Future4Care dans le 13ème (développé par Capgemini, Orange, Sanofi et Generali). Nous avons désormais une entité administrative aux Etats-Unis et sommes en train de recruter des personnes côté business development pour établir des relations avec des clients aux Etats-Unis. Le siège de cette filiale américaine est à Boston.

Vous êtes plusieurs co-fondateurs ?

Nous sommes deux co-fondateurs opérationnels. Je suis le CEO et Julien Cottineau, le CSO (Chief Scientific Officer), un généticien d’Imagine qui travaillait avec moi à l’époque. Je suis ingénieur biomédical, j’ai fait de la programmation algorithmique il y a longtemps. J’avais commencé ma carrière chez General Electric Healthcare et j’ai évolué vers des fonctions de développement business/marketing/produit pour élaborer des innovations technologiques et les mettre sur des marchés internationaux. En 2014, j’ai travaillé dans le domaine de la génomique et j’ai beaucoup réfléchi avec les chercheurs qui travaillaient dans le secteur sur les challenges et les problèmes dans de domaine et nous avons créé la société avec Julien Cottineau.

Avez-vous des partenariats industriels en dehors de ce partenariat dans le cadre de WIDGeT ?

WIDGeT est un partenariat très structurant : il nous permet de valider notre approche avec un partenaire industriel pharmaceutique de renom, Sanofi, et deux laboratoires experts, celui de Corine Antignac,  spécialiste des maladies du rein à l’Institut Imagine, et celui d’Oumeya Adjali, directrice de TaRGeT à Nantes, des experts en TG.  C’est un consortium extrêmement synergique : composé à la fois d’une start-up spécialisée en IA et médecine génomique, du partenaire industriel qui connaît le développement des candidats-médicaments et leur mise sur le marché, et de deux laboratoires qui ont l’expertise sur les aires thérapeutiques. Notre ambition est de montrer la  vraie valeur ajoutée des technologies d’IA pour pouvoir changer le paradigme des thérapies géniques.

Çela nous donne de la visibilité, celle d’une startup française, petite aujourd’hui, mais grande par les ambitions et ça nous aide à contracter avec d’autres groupes pharmaceutiques avec lesquels nous sommes déjà en discussion : ça nous renforce dans les pourparlers.

Au-delà de WIDGeT, nous avons des partenariats avec des laboratoires, le Genethon, des biotechs ou plutôt des biopharmas et également des groupes pharmaceutiques ainsi que deux autres sociétés plus petites.

Vous allez travailler dans deux indications, une maladie héréditaire du rein et la DMLA (Dégénérescence maculaire liée à l’âge) ?

Nous allons travailler, sur le rein, avec l’équipe de Corinne Antignac à l’Institut Imagine (Université Paris Cité). Corine Antignac est spécialisée sur les podocytopathies, des maladies rares héréditaires du rein causées par les cellules podocytaires qui vont affecter le fonctionnement rénal. Nous allons également collaborer avec l’équipe d’Oumeya Adjali, directrice de TaRGet (Translational Research in Gene Therapy) à Nantes (Université de Nantes). TaRGeT est une grande entité qui a une spécialité dans les thérapies géniques liées à l’œil dont la DMLA.

Chez WhiteLab Genomics, avez-vous des expériences cliniques ?

Nous avons des généticiens en interne qui comprennent bien le fonctionnement de ces maladies génétiques mais ils ne sont pas experts dans ces domaines thérapeutiques. Ils vont s’appuyer sur les équipes de ces laboratoires associés qui, elles, détiennent ces  expertises.

Quelle est la spécificité de votre entreprise en matière d’IA ?

Dans le principe, nous avons développé un Atlas de biomarqueurs cellulaires propriétaires depuis plus de quatre ans. Ce qui nous permet d’identifier des biomarqueurs très spécifiques des récepteurs aux cellules concernées, rétiniennes et podocytaires. Une fois que l’on a identifié les récepteurs spécifiques à ces cellules, c’est-à-dire la station d’accueil du vecteur, il faut ensuite que l’on puisse concevoir le vecteur pour qu’il puisse effectivement aller se fixer sur le récepteur spécifique aux cellules concernées, rentrer dans celles-ci et livrer son cargo pour permettre le traitement et guérir la maladie.

Ce sont plutôt les deux labos partenaires, Imagine et TARGeT, qui vont délivrer le cargo ?

WIDGeT est focalisé sur le design des vecteurs. Précisément sur comment, dans un premier temps, créer des vecteurs qui soient spécifiques à ces deux types cellulaires. Les cargos quant à eux sont déjà définis.

En dehors de cet Atlas, avez-vous déjà trouvé des récepteurs ?

Oui, avec des niveaux de validation vérifiés dans des bases de données et des publications. Nous mettons en place nos propres validations pour pouvoir vérifier que nos algorithmes fonctionnent correctement.

Quel type d’algorithmes utilisez-vous pour détecter la cible ?

Il y a énormément de données qui sont générées. Ce qui nécessite tout un travail d’analyse de données. Il faut trouver des algorithmes qui parcourent ces données. Ensuite, on entraîne des algorithmes, en apprentissage machine, pour l’identification des bons récepteurs. Enfin, il faut caractériser ces récepteurs. Nous faisons appel à des modèles d’apprentissage profond pour créer la bonne clé qui va être attachée au vecteur viral et va entrer à l’intérieur du récepteur. C’est la serrure. Nous avons des modèles pour trouver les formes de protéines qui vont venir se fixer l’une sur l’autre. Apprentissage machine pour identifier les récepteurs, apprentissage profond pour trouver la bonne serrure.

Vos équipes se déplacent-elles pour travailler avec des équipes partenaires ?

Nous avons des réunions avec les équipes de TARGeT à Nantes, d’Imagine, de Sanofi (françaises et américaines). Nous travaillons également avec des clients en Suisse, ou aux Etats-Unis. Les équipes restent à la pointe des avancées scientifiques dans le domaine. Nos salariés suivent des formations, assistent à des conférences, comme celle de la société européenne de thérapies géniques et cellulaires en Belgique récemment. Elles partagent nos travaux, présentent des posters, pour rester au fait de ce qui se fait dans ces domaines.

Ce programme WIDGeT est-il défini dans la durée ? Y-a-t-il un objectif de résultat ?

La durée n’est pas précisée officiellement. Nous poursuivrons probablement jusqu’à ce que nous puissions arriver à un candidat-médicament.

Sanofi intervient en amont? Cela fait-il partie de leur stratégie de développer des médicaments dans ces indications thérapeutiques ?

Sanofi est le chef de file du consortium, et donc le vrai coordonnateur, il intervient en amont pour la définition des cibles, parce qu’ils ont de l’expérience en R&D. Chez Sanofi, ils ont des experts en vecteurs AAV, une stratégie sur la médecine génomique et l’expérience de prendre des candidats-médicaments et les faire avancer ensuite dans les phases cliniques, sur des types cellulaires qui les intéressent. Nous démarrons à partir de deux pathologies, et créons de fait une approche de plateforme. Si par la suite, on devait aller vers un autre type cellulaire, on ne partirait pas de zéro. Nous aurions une plateforme avec un certain niveau de maturité qui a réalisé deux vecteurs viraux et les a rendus spécifiques.

Comment votre intégration dans ce consortium s’est-elle passée ?

Nous avons été sélectionnés par Genopole qui nous a bien soutenus. Nous avons fait partie de la première promotion de la Station F,  puis nous avons été sélectionnés parmi les 125 lauréats French Tech 2030 en juillet 2023. La nouvelle promotion « d’Emmanuel Macron » : sous son impulsion il s’agissait d’identifier 125 entreprises innovantes et de les faire entrer dans ce programme de soutien du gouvernement, toutes industries confondues.

Avez-vous de premiers résultats ? Combien de temps cela prendra-t-il avant d’avoir un candidat-médicament ?

Sur l’identification des récepteurs on va aller relativement vite. Ce qui va prendre un peu de temps, c’est la validation expérimentale, qui passe par des phases de tests en laboratoires ; l’avantage de l’IA c’est qu’on gagne beaucoup de temps sur la partie numérique. Une fois que les analyses de structures sont faites et qu’on a le design des capsides AAV, elles vont être produites et testées dans des modèles précliniques, ça va prendre du temps aussi.

Vous en sélectionnerez un certain nombre ? 

Toute l’approche évite d’avoir un taux d’attrition qui soit énorme. Notre objectif est d’avoir des candidats bien qualifiés et d’atterrir sur les bons vecteurs.

Pour la bioproduction, vous aurez accès aux capacités industrielles de Sanofi ?

Oui, et à celles de l’université de Nantes également. Ils ont une expérience longue et reconnue de 27 ans dans le domaine de la production des vecteurs AAV. Pour les grandes échelles, nous pourrons compter sur les unités de production de Sanofi. En 2022, nous avons rejoint par ailleurs France BioLead, l’association pour la production de biomédicaments en France. Nous avons levé 10 M€ en Série A en septembre 2022, ce qui nous permet d’avancer rapidement. Nous sommes financés correctement pour pouvoir continuer.

Que pourriez-vous ajouter?

Nous faisons de l‘IA dédiée à la médecine génomique et, dans le cadre de WIDGeT, nous allons travailler sur des vecteur viraux AAV. Mais au-delà nous sommes capables de travailler sur des problèmes de vecteurs non viraux, des cargos d’ARN ou ADN. Nous sommes agnostiques, nous sommes spécialisés mais nous avons un champ plus large que les seuls vecteurs AAV.  Les AAV transportent typiquement des séquences d’ADNs, des transgènes, alors que les ARNs sont transportés par des particules lipidiques qui ne sont pas des AAV (vecteurs lentiviraux).

 

Propos recueillis par Thérèse Bouveret

 

(1) PhD Chef d’équipe Chercheur Inserm Spécialités : immunologie, maladies métaboliques, thérapie génique par AAV.