À cette occasion, les deux ministres de l’Enseignement supérieur et de la recherche et de l’Industrie, Sylvie Retailleau et Roland Lescure, ont confié à Sylvie Pommier, présidente du Réseau national des collèges doctoraux et à Xavier Lazarus, managing partner de Elaia, fonds d’investissement spécialisé dans la technologie de rupture, une mission spécifique visant à « renforcer les dispositifs existants et proposer des actions nouvelles ou des nouvelles mesures, d’ici le printemps prochain, qui permettraient d’accroître la part de docteurs parmi les chercheurs en entreprise et la part d’ingénieurs s’engageant dans une thèse de doctorat ».[1]
Prolonger notre engagement historique
Déterminée à contribuer à la réindustrialisation du pays, qui passera par la consolidation des capacités nationales de recherche et d’innovation, la CDEFI souhaite renforcer l’attractivité du doctorat pour les étudiants et les entreprises ou les employeurs publics. La CDEFI a participé activement, depuis de nombreuses années, à toutes les discussions ayant pour objet la revalorisation du doctorat, avec le Gouvernement comme avec les entreprises. C’est un axe essentiel de la stratégie portée par ses instances (commissions et groupes de travail consacrés)[2].
La CDEFI siège par ailleurs au Comité de suivi Licence-Master-Doctorat (CSLMD, GT doctorat) pour appuyer les démarches qui consistent à améliorer la lisibilité des compétences par les recruteurs, démarches engagées notamment depuis l’inscription du doctorat au Répertoire national de la certification professionnelle (RNCP).
Dernièrement, au colloque annuel de la CDEFI en juin 2023, l’atelier sur l’attractivité du doctorat a eu un large succès et des initiatives pertinentes mises en place par les établissements ont été évoquées : parcours recherche, thèse en VAE, doctorats en cotutelle internationale[3], suivi et sollicitation des docteurs-alumni.
Enfin, au sein de la Conférence, un nouveau groupe de travail vient d’être mis en place, auquel siègent le MESR, l’ANRT, l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), l’Association Bernard Gregory (ABG), l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), des représentants de recruteurs ou de chasseurs de tête et Syntec Ingénierie, pour poursuivre les réflexions quant à la poursuite d’études en thèse des ingénieurs.
Une approche centrée sur les compétences
Loin d’un discours simpliste qui oppose de manière erronée ingénieurs et docteurs, la CDEFI porte la conviction que le doctorat, diplôme de niveau bac +8, apporte des compétences différentes[4] et complémentaires (communication scientifique et pédagogie par exemple) à celles du diplôme d’ingénieur, diplôme de niveau bac +5, qui elles-mêmes sont différentes de celles apportées par un diplôme de master en sciences exactes et applications, que les écoles d’ingénieurs sont aussi nombreuses à décerner.
À ce propos, la Conférence, bien consciente que la rémunération ne constitue pas le seul déterminant des choix professionnels[5], notait en 2020 avec Ingénieurs et scientifiques de France (IESF) et l’ABG que des indicateurs qualitatifs permettant de mesurer la satisfaction au travail, la mobilité professionnelle, le niveau de responsabilité, permettent de souligner la réussite professionnelle des ingénieurs-docteurs, qui est souvent plus favorable et plus rapide que celle des ingénieurs[6].
Il s’agit en définitive de savoir reconnaître, distinguer et valoriser les compétences spécifiques acquises lors de la formation doctorale en travaillant sur la qualité de cette dernière (moyens, encadrement, interactions avec la communauté scientifique et le monde socio-économique).
Une ambition stimulante à contextualiser
La CDEFI tient cependant à rappeler que l’objectif d’augmentation du taux annuel moyen de poursuite d’études en thèse à 20 % des ingénieurs diplômés, tel qu’il a été défini par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, lui semble extrêmement ambitieux et ne pourra être atteint que dans une perspective de long terme.
Pour rappel, les données recueillies dans le cadre des dernières enquêtes portant sur l’insertion professionnelle des diplômés des écoles d’ingénieurs attestent d’un taux moyen de poursuite d’études en thèse d’environ 6 %[7], légèrement inférieur à ce que l’on observe pour l’ensemble des diplômés de master dans les disciplines correspondantes[8]. Parallèlement, les ingénieurs représentent aujourd’hui près de 40 % des nouveaux inscrits pour l’obtention d’un doctorat en sciences. L’objectif de 20 % d’ingénieurs poursuivant en thèse revient par conséquent à doubler le nombre de doctorants en sciences et technologie.
Une telle ambition nécessite la mise en place de politiques incitatives, notamment en regard de ce qui a été mis en œuvre pour favoriser les formations sous le régime de l’apprentissage, qui encouragent l’insertion professionnelle dès l’obtention du titre d’ingénieur.
Le renforcement du lien formation-recherche-innovation comme condition nécessaire
La recherche scientifique, lorsqu’elle est expérimentée par les élèves-ingénieurs et lorsque la formation de ces derniers est caractérisée par une forte proximité avec les acteurs de la recherche et l’innovation contemporaines, est attractive et motive la poursuite d’études en thèse des ingénieurs. En effet, les écoles d’ingénieurs et leurs enseignants font partie des principaux prescripteurs pour la poursuite en thèse des doctorants.
En pratique, la proximité évoquée se concrétise notamment par l’implication des écoles dans le pilotage et l’activité des unités de recherches (UMR notamment).
Si la France souhaite effectivement augmenter la part des ingénieurs qui poursuivent leurs études en thèse pour éventuellement s’insérer dans l’industrie, il est fondamental d’unir nos forces et de ne pas rendre inefficace nos efforts. À cet effet, il est essentiel de reconnaître l’importance du rôle des écoles d’ingénieurs dans le pilotage de la recherche et d’affirmer l’importance de la recherche soutenue, hébergée et faite par les enseignants-chercheurs de ces dernières. Les écoles d’ingénieurs, par leur proximité avec les viviers d’étudiants mais aussi le monde socio-économique, sont naturellement au cœur de cette stratégie ambitieuse et prête à relever le défi avec l’accompagnement du MESR.
Afin de réaliser les fortes ambitions affichées, susceptibles de stimuler positivement l’ensemble de la communauté, la Conférence entend continuer sa collaboration avec toutes les parties prenantes mentionnées plus haut, avec pour objectif l’élaboration de politiques à la fois équitables et efficaces.
À propos de la CDEFI
Fondée en 1976, la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) réunit l’ensemble des directeurs et directrices des établissements ou composantes d’établissements, publics ou privés, accrédités par la Commission des titres d’ingénieur (CTI) à délivrer le titre d’ingénieur diplômé. Elle a pour principale mission d’étudier tous sujets relatifs au métier et à la formation des ingénieurs, ainsi qu’au développement de la recherche et à la valorisation de celle-ci. Elle a, de plus, vocation à promouvoir l’Ingénieur de l’école française, dans le monde comme en France. Ainsi, la dimension internationale est au cœur de ses préoccupations, notamment dans l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Site internet : www.cdefi.fr
Twitter : https://twitter.com/Cdefi
LinkedIn : https://www.linkedin.com/company/5323901/
[1] Propos rapportés dans cette dépêche News Tank.
[2] Voir par exemple les parcours « Compétences pour l’entreprise », soutenue par le MESR.
[3] L’attractivité est aussi un enjeu d’ouverture internationale tandis que la part des doctorants étrangers (largement majoritaires dans les écoles), recule doucement, comme cela était rappelé lors d’un récent événement organisé par Campus France : voir cette dépêche AEF info.
[4] Comme l’attestent les fiches RNCP associées à chaque diplôme.
[5] Il n’en demeure pas moins nécessaire de faire reconnaitre financièrement la valeur du doctorat dans les conventions collectives et grilles de rémunération, tandis que les docteurs en sciences et technologies semblent être relativement bien reconnus sur ce plan. Voir cet article du Monde Campus.
[6] Voir notre Chiffre du mois n° 86, « L’emploi des ingénieurs-docteurs en 2020, quelles différences entre les secteurs privé et public ? ».
[7] Voir l’Enquête insertion 2023 de la Conférence des grandes écoles.
[8] Ce taux demeure toutefois inférieur à 10 % si l’on en croit les Repères et références statistiques, édition 2022.