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Communiqué de presse

Expertise scientifique collective : la diversité végétale, une solution agroécologique pour la protection des cultures

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La transition vers des systèmes de culture plus économes en pesticides n’est aujourd’hui pas suffisamment développée pour atteindre les objectifs fixés du plan Ecophyto II+. On sait que le rendement des cultures dépend d’un ensemble de facteurs aux premiers rangs desquels figurent la pression des bioagresseurs, la fertilité des sols ou encore la pollinisation. Protéger les cultures pour le monde agricole consiste à sécuriser sa production en s’assurant que les cultures ne vont pas être affectées par leurs « bioagresseurs », c’est-à-dire des insectes ravageurs, des plantes adventices, des champignons pathogènes… Dans ce cadre, les ministères en charge de l’agriculture, de la transition écologique et de la recherche ont confié à INRAE, fin 2019, le pilotage d’une expertise scientifique collective sur les bénéfices de la diversité végétale pour la protection des cultures. Les conclusions de cette expertise, présentées ce 20 octobre, montrent notamment que la diversification végétale des parcelles et des paysages agricoles est une solution naturelle efficace pour protéger les cultures et garantir des niveaux de rendement égaux voire supérieurs aux systèmes peu diversifiés. Il s’agit d’un levier majeur pour préserver l’environnement et la santé humaine.

Publié le 20 octobre 2022

 

Les impacts environnementaux et sanitaires de l’utilisation généralisée des pesticides sont désormais bien établis par des synthèses scientifiques d’ampleur nationale et internationale. L’impact des modes de productions agricoles sur le changement climatique et l’érosion de la biodiversité l’est tout autant. Face à ces enjeux, le Pacte Vert de l’Union Européenne vise à l’horizon 2030 une réduction de 50 % de l’usage des pesticides, ainsi qu’une augmentation jusqu’à 25 % de la part des surfaces agricoles cultivées en agriculture biologique. L’Union européenne affiche également l’objectif d’augmenter jusqu’à 10 % les surfaces occupées par des éléments à « haute diversité biologique » (bandes enherbées, terres en jachère, haies…). Malgré la prise en compte de ces enjeux dans les politiques publiques, la transition vers des systèmes de culture plus économes en pesticides n’est aujourd’hui pas suffisamment développée pour atteindre les objectifs fixés. Cela s’explique notamment par un manque de recul critique et de vision d’ensemble sur l’efficacité « au champ » de la solution agroécologique que représente la diversité végétale pour protéger les cultures tout en favorisant la biodiversité et les services écosystémiques.

La diversification végétale des parcelles et paysages agricoles à la loupe

La diversification végétale consiste à faire cohabiter de nombreuses espèces végétales, et couvre une large gamme de situations et de pratiques. Parmi elles, les mélanges variétaux, déjà bien développés, les associations de cultures, dont l’agroforesterie[1],  mais aussi les cultures intermédiaires entre deux cultures ou encore les infrastructures agroécologiques autour de la parcelle cultivée. Les bandes enherbées, les terres en jachère, les haies sont autant d’éléments semi-naturels qui servent de refuge et de nourriture aux ennemis naturels de certains bioagresseurs des cultures (champignons pathogènes, insectes, vers nématodes, plantes adventices…).

C’est pourquoi les ministères en charge de l’agriculture, de la transition écologique et de la recherche ont commandité à INRAE une expertise scientifique collective pour réaliser une synthèse des connaissances internationales disponibles. Elle alimente également le programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement ». Cette expertise croise des regards issus des sciences biologiques et des sciences économiques et sociales pour analyser les freins et leviers au développement de stratégies de protection des cultures fondées sur la diversification végétale.

La diversité végétale : un atout pour la biodiversité associée et la régulation des bioagresseurs

Les connaissances scientifiques actuelles montrent que toutes les formes de diversification du couvert végétal sont corrélées à l’augmentation du niveau de biodiversité. Si l’agroforesterie contribue aux plus fortes augmentations de la biodiversité (+61 %), d’autres pratiques ont également un impact positif. L’inclusion de couverts végétaux en période d’interculture est associée à une augmentation de 21 % de la biodiversité, tandis que les rotations de culture sont associées à une augmentation de 37 %. Un lien positif fort entre diversité végétale et régulation naturelle des bioagresseurs (insectes ravageurs, plantes adventices, champignons pathogènes) est démontré. L’utilisation de couverts végétaux en interculture, en particulier, permet d’augmenter le contrôle des bioagresseurs de 125 %. Au sein d’une même parcelle (cultures associées, cultures en relai), il est constaté une augmentation du contrôle des bioagresseurs de 60% lors de l’association de plusieurs espèces végétales, de 40% grâce à l’agroforesterie, et de 84% avec l’implantation de haies notamment.

Diversité végétale et rendement économique des exploitations

Grace à la diversité végétale, les cultures peuvent voir leur rendement augmenter de 2 à 47%. Les gains sont notables avec la pratique des rotations de culture (10-20 %) et avec les associations d’espèces cultivées pour au moins une des deux espèces (20-40 %). Cependant, au niveau des exploitations les études économiques sont plus mitigées et montre des effets à la fois positifs, neutres et négatifs. En effet, la mise en œuvre de certaines modalités de diversification végétale peut entraîner une réduction des surfaces cultivées (implantation d’espaces semi-naturels par exemple) ou au contraire les augmenter comme avec la pratique des cultures associées.

Rôle essentiel des politiques publiques pour favoriser la diversification végétale

L’orientation des pratiques agricoles au sein d’une exploitation est principalement déterminée par des choix d’ordre économique. En effet, l’agriculteur a besoin d’assurer la rentabilité de son exploitation et de limiter les aléas de la production (climat, maladies, ravageurs…). Or des changements vers des pratiques de diversification végétale peuvent être coûteux (changement de matériel, perte de surface cultivée…), et les choix d’un agriculteur dépendent largement des interactions avec des acteurs en amont de la production (équipements, semences…) et en aval (filières agricoles, débouché des produits…). Les pouvoirs publics, en tant que régulateurs, ont un rôle essentiel à jouer dans ces choix en mettant en place des politiques publiques incitatives (subventions, payement pour service environnemental…) cohérentes et contraignantes (interdiction ou limitation de certains pesticides, obligation de maintenir des espaces semi-naturels…).

 

[1] L’agroforesterie recouvre l’ensemble des pratiques agricoles qui associent, sur une même parcelle, des arbres (sous toutes leurs formes : haies, alignements, bosquets, etc.) à une culture agricole et/ou de l’élevage.

 

Références
Tibi A. (coord.), Martinet V. (coord.), Vialatte A. (coord.), Alignier A., Angeon V., Bohan D.A., Bougherara D., Cordeau S., Courtois P., Deguine J-P., Enjalbert J., Fabre F., Fréville H., Grateau R., Grimonprez B., Gross N., Hannachi M., Launay M., Lelièvre V., Lemarié S., Martel G., Navarrete M., Plantegenest M., Ravigné V., Rusch A., Suffert F., Thoyer S. (2022). Protéger les cultures en augmentant la diversité végétale des espaces agricoles.
Synthèse du rapport d’ESCo. INRAE (France), 86 p. Octobre 2022