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Interview

Le Campus Biotech Digital propose une approche unique pour former les opérateurs en bioproduction santé

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Interview de Karim Vissandjee, directeur général du Campus Biotech Digital

 

Le Campus Biotech Digital est une plateforme numérique destinée à développer les compétences nécessaires à la montée en puissance de la filière bioproduction. Elle met en œuvre des méthodes de formation innovantes :  une approche collaborative et immersive basée sur une méthode agile de « design thinking » et une approche cognitive soutenue par l’IA.

 

Quelle est la genèse du projet ?

Ce projet est né dans le cadre du CSIS-ITS (Comité Stratégique de Filière des Industries et Technologies de Santé) qui a acté le fait que nous vivons une révolution dans le domaine des produits biologiques avec la capacité à soigner des maladies rares, de l’immuno-oncologie, des vaccins à partir d’ARN messager dont la pandémie de COVID-19 a accéléré la mise en œuvre en tant que vecteurs de soins.

 

Nous vivons une transformation majeure comme l’a montré le Congrès de Tours (cf copie de la présentation le 18 juin à Tours). Le gouvernement français s’est donné pour ambition de promouvoir la filière bioproduction en santé et a lancé un plan Biomédicaments. Avec la création en décembre 2020 de l’Alliance France Bioproduction (AFB), la France souhaite, pour préserver son indépendance sanitaire, devenir leader en bioproduction en Europe à l’horizon 2030.

 

Ce défi repose sur la capacité de former dans notre pays des techniciens et des ingénieurs, capables de travailler au sein d’unités de bioproduction en santé (laboratoires de recherche et développement, sites de production et de logistique). Le président de la République, Emmanuel Macron, a déclaré lui-même que nous allions reprendre en main la chaîne de valeur pour inventer et produire de nouvelles thérapies innovantes. 800 Millions d’€ de financement public et 2 Milliards d’€ des acteurs privés seront prévus à cet effet. « L’objectif à 5 ans est que la France produise au moins 5 nouveaux biomédicaments, double le nombre d’emplois du secteur (passage de 10 000 à 20 000)» afin de ne plus dépendre à 95% des biothérapies étrangères.

 

 

Le CSIS-ITS a fait état du recul de l’industrie pharmaceutique française depuis les années 2000 et analysé les raisons qui peuvent la pénaliser 

 

La France accuse un net retard en production de biomédicaments : en 2020, seulement 5 biothérapies sont produites en France contre 21 en Allemagne et 12 en Italie sur les 76 autorisées et commercialisées en Europe.

Notre pays compte moins de 10 façonniers, et seulement 9 usines pour la production en propre (pour Sanofi, Novartis et Servier).

 

Plusieurs facteurs concourent à cette situation : environnement, taxes de productions liées à l’industrie de santé, coûts de production peu compétitifs etc… qui seront adressés par les décisions récemment validées lors du Conseil Stratégique de la santé (CSIS). Je retiendrai surtout les efforts à mettre en oeuvre pour accompagner le développement des talents et la nécessité de compléter une formation académique de haut niveau par des applications spécifiques en milieu industriel dans le domaine des biotechnologies. C’est la mission du Campus Biotech Digital.

 

Le Campus Biotech Santé est piloté par un groupe d’industriels qui s’adaptent à ces nouvelles normes de fabrication de biomédicaments

 

L’objectif principal est de développer des compétences dans les nouveaux procédés industriels en particulier autour des exigences de qualité dans les zones stériles, la combinaison biotechnologie et analyse des données qui sont de plus en plus sollicitées sur des projets relatifs à l’ensemble des processus de la chaîne de valeur de la production.

 

Ainsi est né le Campus Biotech Digital, une initiative unique au monde pilotée par un consortium de premier plan (bioMérieux – Novasep – Sanofi et Servier). Il regroupe un écosystème national avec les écoles et organismes de formation en biotechnologie les plus importants, un accord de collaboration stratégique de partenariat numérique avec Atos, IBM et Microsoft, ainsi que les équipementiers, les PMEs et les start-ups spécialisés dans la biotechnologie, le digital et la science des matériaux.

 

Pour répondre à ces enjeux, vous développez des formations innovantes ?

 

Ces nouveaux domaines de compétences utilisent des outils numériques qui s’enrichissent de la gestion des données des procédés industriels clés.  Nous utilisons une méthode d’enseignement agile pour développer des parcours de formation continue à la croisée des sciences de la vie, des technologies et du numérique. Nous souhaitons promouvoir la pluridisciplinarité.

 

Nous répondons ainsi à l’émergence de métiers à l’interface des biotechnologies, de la maîtrise des données (big data, intelligence artificielle) et des sciences de matériaux. Différents métiers qui expriment les valeurs propres à chacun des processus de la chaîne de valeur.

 

Comment sont conçus les modules de formation ?

 

Les modules de formation sont le fruit d’une intelligence collective qui regroupe les experts venant des écoles et organismes de formation pour les récits pédagogiques, des sociétés du consortium pour le recueil des pratiques professionnelles, des partenaires digitaux pour la technologie et enfin des équipementiers pour les plans 3D et les jumeaux numériques.

 

15 parcours de formation avec une dizaine de modules chacun sont prévus pour couvrir l’entièreté de la chaîne de bioproduction. Le Campus Biotech Digital proposera des expériences pédagogiques qui reproduiront des étapes essentielles de la production à l’instar des simulateurs de vols pour les pilotes.

 

Le Campus supporte le développement des formations digitales et technologiques mettant en place des outils numériques, comme la réalité virtuelle, la réalité augmentée ou la réalité immersive. D’autres outils utilisent également des approches cognitives soutenues par l’intelligence artificielle pour favoriser la compréhension des processus et l’appropriation des pratiques métiers.

 

Vous vous appuyez également sur des relais territoriaux ?

Nous ne pouvons pas tout faire à Paris. Nous voulons une large couverture territoriale et par conséquent, nous concevons la plateforme en association avec les écoles de biotechnologie qui ont une présence géographique sur l’ensemble du territoire national. L’ENSTBB à Bordeaux pour l’Aquitaine, INSA Toulouse pour l’Occitanie, l’IMT pour le Centre Val-de-Loire avec le BIO3 qui met à disposition une plateforme additionnelle dotée d’équipements pour les quelques formations pratiques ; et également l’Université de Strasbourg avec la plateforme EASE (équipement de production en salles blanches). Et enfin, en Ile-de-France, nous collaborons étroitement avec Sup’Biotech.

 

Nous nous appuyons sur tous ces partenaires pour compléter les formations académiques avec intelligence et force collective (territoires, entreprises) dans le but de construire des parcours au plus près des besoins des industriels. Il faut comprendre, j’insiste sur ce point, que les superviseurs et les équipements ne sont pas toujours disponibles pour assurer la formation. Comme dans le domaine de l’aéronautique, la formation des techniciens et des ingénieurs via les outils digitaux comme la simulation et les jeux permettent de pallier ces contraintes.

 

Avez-vous déjà mis au point des modules ?

Nous avons des premiers prototypes en cours de test sur un site industriel de l’un des membres du consortium avec des premiers résultats extrêmement prometteurs à la fois sur la mise à disposition plus rapide de l’apprenant sur la ligne de production et sur l’efficacité de l’ancrage mémoriel.

 

A qui s’adressent ces formations ?

 

Nous allons nous adresser à trois typologies de personnel à former à former :

D’abord les primo-accédants : les diplômés que nous accompagnons pour qu’ils soient opérationnels dans les centres de recherche et développement et dans les sites industriels et logistiques.

Ensuite, des salariés en reconversion. Il y a deux aspects : d’une part, nous réorientons vers la bioproduction les collaborateurs des laboratoires pharmaceutiques spécialisés en chimie. Et d’autre part, nous venons de signer un partenariat avec le Leem (organisation professionnelle) et le cabinet de ressources humaines Alixio dont l’objectif est de contribuer à la reconversion de salariés dans les secteurs qui libèrent des compétences ou de demandeurs d’emploi pour alimenter le réservoir de talents de la bioproduction.

Enfin, nous visons la formation continue des opérateurs intervenant déjà en bioproduction pour les accompagner dans un environnement en constante transformation et mutation.

 

Vos parcours de formation au format numérique seront accessibles en France et à l’étranger ?

 

Les avantages de notre plateforme sont : une offre totalement bilingue (français/anglais), sans limitations du nombre de participants ni de temporalité : ces formations seront principalement suivies en ligne, n’importe quand, n’importe où, en asynchrone ou synchrone.

 

 

Les formations sont dématérialisées, mais où est localisé ce centre ?

Le centre d’expertise et de conception est situé sur le site Sanofi de Vitry-sur-Seine. Les parcours et modules seront hébergés sur une plateforme innovante. Les étudiants des écoles de biotechnologie (avec accord d’utilisation) auront accès à ces modules à distance au même titre que les salariés des entreprises du consortium ou des biotech.

 

Vous avez développé une approche cognitive soutenue par l’IA ?

 

Nous nous sommes associés avec la start up française Domoscio dont l’application vise à personnaliser le parcours de formation de l’apprenant à travers l’adaptive learning pour faciliter l’ancrage mémoriel. Cette solution innovante, basée sur l’intelligence artificielle et le machine learning vient s’intégrer dans le dispositif de nos formations. Elle permet un suivi individuel de chaque apprenant des expériences pédagogiques et l’optimisation de l’acquisition et l’ancrage des compétences clés.

 

Quels sont les financements alloués à ce projet ?

Le Campus Biotech Digital est financé par un partenariat public privé exceptionnel dans le cadre du dispositif «Ingénierie de formations professionnelles et continues d’offres innovantes» du programme PIA3 opéré par la Caisse des Dépôts pour le compte de l’Etat auxquels s’ajoutent le soutien de l’opérateur des compétences interindustriel (OPCO2i) et celui de la Région Île de France, ainsi qu’une forte mobilisation des membres formés en association à but non lucratif pour un investissement de plus de 30 M€.

 

Lors de votre présentation à Tours vous avez annoncé avoir déjà mesuré l’efficacité de cette formation digitale ?

Un premier retour d’expérience sur la mise en place de formations digitales pour des opérateurs de bioproduction au sein d’une des usines d’un membre du consortium a effectivement indiqué des gains de l’ordre de 25 à 30% des temps de formation et des délais d’accès aux nouvelles compétences. Ces indicateurs vont s’affiner avec le déploiement de l’ensemble des parcours de formation. Ce retour est très prometteur quant aux apports de formation digitale pour répondre aux enjeux du développement des compétences de la filière de la bioproduction.

 

 

Propos recueillis par Thérèse Bouveret