Début novembre, l’expérience Cerebral Ageing s’envolera de Cap Canaveral, à bord d’une capsule Dragon, propulsée par le lanceur Falcon 9 pour la Station spatiale internationale (ISS). L’objectif de l’expérience est d’abord de mettre en place les conditions pour étudier dans l’espace des structures cellulaires complexes d’origine humaine in vitro sur une longue durée, et ensuite d’étudier les effets de la permanence dans l’espace sur leur physiologie. Cette expérience a été élaborée par les scientifiques de l’Institut Pasteur et de SupBiotech en lien avec les experts du CNES.
Cerebral Ageing va étudier, plus spécifiquement, le processus de vieillissement des cellules du cerveau à l’échelle moléculaire et cellulaire. Ce type d’études n’étant pas possible sur des tissus/organes humains d’individus vivants, il est nécessaire de recourir aux organoïdes cérébraux, composés de cellules qui constituent le cerveau humain et qui peuvent être étudiés à volonté. Les organoïdes cérébraux sont dérivés de cellules humaines qui ont été au préalable reconverties en un type de cellule souche particulier.
Les organoïdes sont des modèles biologiques tridimensionnels cultivés in vitro, qui miment de manière remarquable la structure et la composition des tissus et organes humains en développement. Ces organoïdes sont formés à partir de cellules souches, qui s’auto-organisent dans un environnement 3D adapté (hydrogel, environnement matriciel poreux, …). Par rapport aux cultures en 2D, le nombre de types de cellules et leur interaction sont singulièrement augmentées dans les organoïdes en 3D. Tout comme une cellule seule ne se comporte pas de la même manière qu’une cellule en groupe, l’architecture tridimensionnelle révèle des fonctionnalités et des caractéristiques physiologiques et cellulaires plus représentatives du vivant.
Cerebral Ageing est une première expérience qui permet de démontrer que ces structures cellulaires, fabriquées sur Terre, peuvent être envoyées et cultivées dans l’espace pendant une longue durée. A l’issue de l’expérience, des organoïdes vivants et d’autres qui sont préservés en début, milieu et fin de vol, reviendront sur Terre pour y être analysés et comparés à des cultures témoins restées sur Terre. Cerebral Ageing pourra ensuite évoluer vers un protocole plus complexe visant à étudier le développement de différents types d’organoïdes cérébraux, sains et malades, sur des durées plus longues.
Photo n°1 Photo n°2
Photo n°1 : Observation au microscope d’un organoïde cérébral de 2 mois. Il mesure environ 2 mm de diamètre. Crédit image : Institut Pasteur/SupBiotech
Photo n°2 : Observation au microscope d’une section d’un organoïde cérébral de 2 mois. Les couleurs mettent en évidence certaines éléments de la structure de l’organoïde (les couleurs sont dues au marquage par immunofluorescence). En bleu, on distingue les noyaux de toutes les cellules. En vert, une sous-population de neurones est révélée (neurones immatures), tandis que le rouge atteste des zones neurogéniques, à forte concentration de cellules souches, représentées sous forme de rosettes, où de nouveaux neurones sont en cours de formation. Crédit image : Institut Pasteur/SupBiotech
L’intérêt de cette expérience est double : les résultats de ces études pourraient, d’une part, aider à mieux comprendre certaines maladies génétiques, qui provoquent un vieillissement prématuré chez les enfants qui en sont atteints, avec peut-être des indices pour le vieillissement normal. D’autre part, la santé et la condition physique des astronautes représentent un enjeu majeur dans la perspective de vols habités lointains et de longue durée. Connaître les effets de la micropesanteur et d’une exposition prolongée aux radiations cosmiques, non reproductibles sur Terre, sur les cellules du cerveau et trouver des indicateurs de leur progression est un prérequis indispensable pour le futur de l’exploration et la protection des astronautes.
Le CADMOS (Centre d’Aide au Développement des Activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales) au CNES est responsable de la coordination des activités liées à l’expérience avec tous les acteurs et partenaires. L’Institut Pasteur et SupBiotech sont responsables scientifiques de l’expérience, et ont généré les organoïdes utilisés pour cette mission, l’ESA en coopération avec la NASA intègre l’expérience dans le programme scientifique de la mission SpaceX-29, enfin l’organisation américaine Bioserve Space Technologies fournit le matériel d’emport et de réalisation de l’expérience dans l’ISS et assure le suivi des opérations à bord de l’ISS.
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